lectures - Superbe ouvrage illustré
Guy Mettan frôle l’âme du Valais sauvage
Pendant une cinquantaine de jours (et de nuits), il a partagé la vie des garde-faune du Valais, découvrant avec eux la force et la douceur de la nature, la vie silencieuse et puissante d’un territoire immense. Journaliste et ex-rédacteur en chef de la «Tribune de Genève», mais aussi député au Grand Conseil genevois et ancien président du Club suisse de la presse, Guy Mettan raconte dans un livre magnifique, «La veille sauvage», cette expérience terriblement dense et émouvante.
C’est presque un livre d’art, un ouvrage idéal à offrir (ou à se faire offrir) pour Noël. Un livre de près de 200 pages qui fait sentir le souffle puissant et toujours envoûtant, mais aussi tendre et apaisant, de tout ce monde animal niché au cœur des montagnes et de la nature. Esprit libre aux curiosités innombrables, Guy Mettan a déjà consacré – entre autres – un ouvrage de référence à l’histoire de la Russie, «Russie-Occident, une guerre de mille ans» (Editions des Syrtes), actualisé après l’intervention russe en Ukraine, et des livres plus intimistes, sur le mode de la liberté et du plaisir, qui parlent de ses expéditions à pied en Suisse romande.
Ce qu’il propose dans ce nouveau livre, intitulé «La veille sauvage» (Editions Slatkine), c’est de respirer avec lui l’air pur des Alpes et l’odeur profonde de la terre. Genevois d’adoption mais Valaisan de naissance, Guy Mettan remonte aussi le fil de son enfance et vibre au cœur de ce pays qui est le sien. Les photos qui accompagnent son récit, signées Gérard Berthoud et Fabian Leu, sont autant d’enchantements pour les yeux et la sensibilité. Elles font sentir ce monde qui a sa beauté, ses codes, ses émerveillements et toujours son implacable vérité, faite de tendresse et de dureté.
Vie sous les étoiles et verre de l’amitié
«Pendant plus de dix-huit mois, d’avril 2022 à décembre 2023, j’ai pu suivre durant une cinquantaine de jours, et quelquefois de nuits, le travail des garde-faune du Valais. J’ai vécu chacune de ces journées, souvent fraîches et parfois caniculaires, de ces nuits étoilées et de ces aubes radieuses, comme un privilège rare. Quoi de plus excitant que d’arpenter des talus vertigineux, des forêts d’arolles, des pierriers escarpés, hors des sentiers battus, en s’arrêtant de temps en temps pour jumeler les pentes et s’approcher en silence d’une crête pour découvrir, presque à portée de main, un troupeau de mouflons qui dévale une côte en bêlant ou une colonie de bouquetins couchés derrière un repli de rocher! Et quoi de plus stimulant que de s’asseoir sur l’alpe, après l’effort, au milieu d’un camp de fleurs multicolores, pour partager le verre de l’amitié et quelques rondelles de saucisson!».
Comme Vivaldi, Guy Mettan nous emmène au fil des quatre saisons, chacune avec son rythme, ses vibrations, sa lumière. La nature change et les animaux vivent et revivent à leur manière, comme les humains, l’éternel cycle de la vie et de la mort. La renaissance au printemps, le début de la fin à l’automne… Mon Dieu que la montagne est belle, comme dit la chanson, et comme les animaux sont émouvants et touchants, mais les garde-faune sont là pour réguler ce foisonnement inextricable et pour maintenir une forme d’équilibre et d’harmonie.
Garde-chasse ou garde-pêche, ils sont surtout les gardiens de la nature au sens large, occupés aussi bien à réconforter un éleveur qui vient de perdre quatre moutons dévorés par un loup ou un paysan dont le champ a été dévasté par une horde de sangliers qu’à réprimander des promeneurs paresseux qui roulent en voiture sur des chemins interdits ou des adeptes de moto-cross ou de VTT qui foncent hors des sentiers balisés. Ils sont vraiment tout-terrain, ces garde-faune, et si leurs journées sont toujours longues et souvent épuisantes, elles ne se ressemblent jamais! Quelle est d’ailleurs la cohabitation la plus dure pour eux, celle avec les animaux ou avec les humains?
Surpris en plein vol.
Les garde-faune sont des veilleurs
«Garde-faune est plus qu’un métier, reprend Guy Mettan. C’est une vocation et une passion. Et c’est tout sauf une sinécure de fonctionnaire, même si les gardes appartiennent à la fonction publique. Lever aux aurores, coucher à point d’heure, le travail ne connaît pas d’horaires. Passer toute la nuit dans le froid et l’humidité dans l’attente qu’un sanglier ou un loup s’offre au tir n’est pas donné à tout le monde. Mais d’un autre côté, gagner sa vie en arpentant la nature pendant toute l’année procure un sentiment de liberté qu’aucune autre profession ne saurait offrir».
Et puis, note Guy Mettan, les garde-faune sont peut-être devenus, aujourd’hui, les veilleurs d’une planète en danger, «détruite sans vergogne par les uns et sacralisée ou rendue taboue par les autres. Dans les deux cas, remarque-t-il, le rapport à la nature et aux animaux me semble altéré. Les garde-faune, qui aiment et respectent la vie sauvage, mais qui doivent donner la mort, en cas de nécessité, aux animaux blessés, malades ou qui menacent l’équilibre forêt-gibier et causent des dégâts excessifs aux cultures, m’ont paru échapper à des deux fléaux. Je déplore la destruction et la surexploitation de la nature, mais je crains encore davantage le jour où elle sera interdite à l’être humain et gérée à distance par des spécialistes, anonymes, des algorithmes et des drones d’observation».