Tiré de la série Albatross de Chris Jordan

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A Genève

Des photos explorent les relations entre humains et animaux

6 Oct 2021 | Culture, histoire, philosophie

L’association Suisse-Portugal organise régulièrement des sorties culturelles; la dernière vient de se dérouler à Genève, dans le cadre de la Biennale de photographie No’Photo. L’occasion de découvrir l’étonnante exposition Animalités qui se tient jusqu’au 10 octobre, dans le bâtiment Arcoop aux Acacias. Une séance studio photo gratuite avec son animal de compagnie est organisée sur place les 9 et 10 octobre.

Des pigeons peints de couleurs vives, des chevaux, des corbeaux… Des animaux sauvages, élevés ou domestiques, libres, chassés ou prisonniers… Le travail de vingt-six photographes internationaux se déploie sur les murs de cinq étages du bâtiment Arcoop, situé aux Acacias. Au total 200 m2 de linéaires, chaque artiste disposant entre 6 et 8 m2 linéaires pour exposer ses photos en noir et blanc ou en couleurs. «L’objectif de l’exposition Animalités n’est pas de documenter la vie des animaux, mais d’aborder les relations qu’entretiennent humains et animaux», explique Jörg Brockmann, curateur de l’exposition avec Irène Attinger.
Ainsi, les animaux présentés appartiennent à différentes espèces réelles, fantasmées ou même métaphoriques. La photographe belge Charlotte Lybeer expose les clichés qu’elle a pris, à partir de 2020, des membres belges, hollandais, français et allemands du furry fandom, un mouvement culturel apparu vers le milieu des années 1980. Les «furries», qui selon une étude réalisée en 2011, seraient entre 1,4 et 2,8 millions dans le monde, se transforment en animaux anthropomorphes en se glissant dans des costumes d’animaux en fourrure. Les personnes posent en tenue de renard, de cochon, de chat ou de chien notamment, dans un décor simple, probablement celui de leur quotidien. Il se dégage de ces photos une atmosphère paisible et fantastique.

Des personnes posent en tenue de renard, de cochon, de chat ou de lapin pour la photographe belge Charlotte Lybeer

Des corbeaux orphelins
aux chiens du désert

Complètement à l’opposé – et c’est justement cette diversité qui fait l’intérêt et la force de l’exposition -, le visiteur est happé par l’ambiance mystérieuse qui s’échappe de la série Murder de Guillaume Simoneau. En 1982, la famille de Guillaume Simoneau adopte un nid de bébés corbeaux orphelins. Les photos prises à l’époque par la mère du photographe donnent alors une vision insolite et lyrique de l’enfance. La série Murder a été réalisée au Japon de 2016 à 2019. «Ce corpus, explique Guillaume Simoneau, est une réponse: un dialogue intemporel avec l’œuvre de ma mère, Jeanne d’Arc Fournier, ainsi qu’un hommage-attaque à la célèbre série Ravens du photographe japonais Masahisa Fukase».
Avec intelligence et sans tomber dans un discours moralisateur ni recourir à des images trash – même si le réalisme cru de certaines les rend pénibles à regarder -, l’exposition évoque les questions de la chasse et de la pollution. Celle-ci a été le point de départ de la série Albatross de Chris Jordan, montrant des bébés oiseaux morts. Leur ventre ouvert laisse voir tous les morceaux de plastique qu’ils ont mangés en les prenant pour de la nourriture. Des déchets qui ont causé leur mort. Chaque année, des milliers d’objets en plastique flottent entre deux eaux, entraînant la mort de plus d’un million d’oiseaux marins. La sobriété des photos au cadrage serré contribue à leur puissance.
L’exposition présente aussi Dogs Chasing My Car in the Desert de l’Américain John Divola, des photos en noir et blanc immortalisant des chiens poursuivant une voiture dans le désert, ainsi que In Amost Every Picture, une série de livres et d’expositions de l’artiste et designer Erik Kessels, mettant en récit des photographies, souvent d’amateurs, trouvées ici ou là. Celles qui sont présentées montrent les clients d’un restaurant à Montréal avec un mignon porcelet qu’ils nourrissent ou caressent. La série, commencée en 1938, s’est poursuivie pendant 35 ans. Reste l’angoissante question de savoir ce qu’est devenu le petit cochon.
L’exposition propose aussi les 9 et 10 octobre, de 14h à 18 h sans rendez-vous, une séance studio photo gratuite avec son animal de compagnie: chien, chat, poule… «Il risque d’y avoir des surprises», s’amuse Jörg Brockmann. Le cliché de 24×30 en noir et blanc, tiré à la main, est facturé 50 francs.

Odile Habel

 

Exposition – Animalités
Jusqu’au 10 octobre
Bâtiment Arcoop
32, rue des Noirettes – Carouge
https://arcoopwallproject.com/