Le terme de Réveillon a été utilisé vers la fin du IVe siècle, semble-t-il, pour désigner un festin tardif.

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histoire - Repas de fêtes

Débauche de calories à travers les siècles

21 Déc 2022 | Culture, histoire, philosophie

Que mangeait-on autrefois à Noël? Au Moyen Age, la dinde et le chocolat étaient inconnus en Europe et c’est plutôt la charcuterie qui se trouvait à l’honneur.

Sur la plupart des tables de Noël, du moins pour ceux qui en avaient les moyens, figuraient surtout des cochonnailles, boudins noirs et autres charcuteries. Dans l’aristocratie ou la haute bourgeoisie, le repas pouvait comporter des cygnes, paons, cochons de lait, chapons, oies, canards ou hures de sangliers. Dès le XVIIe siècle apparurent de nouvelles préparations, comme le boudin blanc et bien d’autres encore. Quant au «poulletz d’Inde» (la dinde), on la trouvait déjà au menu du repas de noces du roi de France Henri II avec Catherine de Médicis en 1533. Rabelais l’évoquait d’ailleurs l’année suivante, dans son célèbre «Gargantua». Pourtant, elle mettra plusieurs siècles à se généraliser sur nos tables, notamment à cause de son prix. En 1538, une dinde valait huit fois plus qu’une poule, mais seulement le double au début du XVIIIe siècle.

Bûche et pain d’épices

D’où vient la bûche, fort prisée de nos voisins français? A l’origine, il s’agissait d’une coutume consistant à mettre dans la cheminée une énorme bûche pour fêter le solstice d’hiver. Dès le XIIe siècle, cette tradition se confondit peu à peu avec la veillée de Noël. C’est seulement à la fin du XIXe siècle que fut créée la pâtisserie nommée «bûche», mais elle n’aura véritablement de succès qu’après la Seconde Guerre mondiale. Quant au pain d’épices, lui aussi une star des fêtes de Noël, son histoire est longue. Il existait déjà des variantes de pain d’épices dans l’Antiquité, mais c’est plutôt du côté de l’Asie qu’il faut rechercher l’ancêtre de celui-ci. En effet, au Xe siècle, on trouve en Chine la trace d’un pain de miel parfumé aux épices appelé Mi-Kong. Trois siècles plus tard, des sources indiquent qu’il servait de ration aux cavaliers mongols. Rapidement connu dans tout le Moyen-Orient, il finira par apparaître en Europe à la fin du XIIIe siècle et deviendra vite une spécialité des régions appartenant au Saint-Empire romain germanique: on le trouve dès 1296 à Ulm et en 1395 à Bâle.

Réveillon chez une marquise

Pourquoi ce terme de Réveillon? Il semble qu’à la fin des années 1300, ce mot ait été utilisé pour désigner un festin tardif. Autrefois, la messe de minuit était souvent précédée d’un jeûne ou d’une collation «maigre». En revanche, après minuit, on pouvait festoyer à sa guise. Ainsi, le Réveillon devint peu à peu le nom donné au repas de Noël (étendu plus tard à celui du Nouvel-An). Revenons à la marquise… Pendant la nuit du 24 au 25 décembre 1677, dans l’Hôtel Carnavalet situé à Paris (aujourd’hui un musée), la célèbre épistolière Mme de Sévigné donna un Réveillon mémorable, qui illustre bien ce que pouvait être une fête de Noël dans l’aristocratie du XVIIe siècle.
En premier lieu, la salle où se tenait le repas était décorée de vrais orangers disposés un peu partout et une fontaine parfumée d’essences de fleurs rafraîchissait l’atmosphère. Le repas avait huit services, comprenant chacun plusieurs plats. D’abord des potages, puis une série de daubes variées, des fritures, des langues de bœuf et des pâtés chauds. Ensuite, on apporta un agneau rôti entouré de faisans, de perdrix, de levrauts, de dindonneaux et de chapons. Après, ce fut le tour des poissons: saumons, carpes et truites entouraient deux énormes buissons d’écrevisses. Puis, on servit de «petits oiseaux qu’on avale par pur amusement» (sic), c’est-à-dire des grives, cailles, ortolans et autres mauviettes. Les entremets – qui comprenaient à la fois des légumes et certains mets sucrés – firent alors leur apparition. Enfin, ce fastueux festin abondamment arrosé de crus prestigieux se termina par d’innombrables desserts et biscuits. Précisons qu’à chaque service (il s’agissait alors du service à la française), tous les plats étaient posés en même temps sur la table et chacun ne prenait que ce qu’il voulait. Lorsque la marquise dit, en sortant de table: «J’ai mal au ventre», on la croit volontiers!

 

Frédéric Schmidt