Patrick Delarive surprend avec son premier roman.

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Premier roman de Patrick Delarive

De l’immobilier au polar

2 Mar 2022 | Culture, histoire, philosophie

On connaissait l’entrepreneur, innovateur dans l’éco-tourisme (Whitepod), actif dans l’immobilier (Régie de la Couronne), ou encore découvreur de talents (le chanteur Bastian Baker)… Patrick Delarive surprend tout le monde une nouvelle fois en se livrant à sa nouvelle passion: l’écriture. Son premier roman «L’extraordinaire vie/mort du père d’Arno Morel» (aux Éditions Slatkine) est un polar réussi.

Qui ne connaît pas Patrick Delarive, self-made-man qui, ayant fait fortune dans les affaires en imaginant, créant et développant une vingtaine de sociétés dans des secteurs différents, s’investit toujours avec élégance dans de nouveaux défis? Le dernier en date réside dans l’écriture et la publication d’un roman très cinématographique, inspiré d’une histoire vraie. Le héros de ce roman haletant, qui se lit avec du plaisir et l’envie de tourner les pages pour connaître suite et fin d’un scénario bien troussé, Arno Morel, voit sa vie superficielle d’homme d’affaires être bouleversée par l’annonce de la mort de son père, qu’il n’a que peu connu.

Enigme

Pour recevoir l’héritage, Arno Morel devra résoudre une énigme, comme épreuve post-mortem que lui a préparée le défunt. Se transformant humainement au fil d’une folle course contre la montre qui ne le laissera pas indemne et qui nous fait passer des bords du Léman ou lac de Genève à Londres, d’Agadir à un Vatican crédible, Arno parviendra-t-il à résoudre l’énigme à l’aide d’une montre gravée d’un code et d’un bref message?
Patrick Delarive, qui se présente comme un entrepreneur qui remet toujours en question le statu quo, nous emmène avec maestria dans des endroits luxueux ou des milieux d’affaires qu’il a su admirablement décrire, avec une plume non dénuée d’humour et un art consommé des dialogues. Tout sonne juste dans ce roman, notamment les décors des villes et des lieux traversés: «Un thé trop infusé et le Financial Times du jour attendent l’issue de leur éphémère destinée sur la table d’une cuisine dominant le lac. La vibration de l’iPhone posé entre eux vient la bouleverser. Son propriétaire repose sa cuillère dans son bol de bircher minceur et se penche sur l’appareil».

Personnages familiers

Delarive décrit aussi avec talent et sans lourdeur des scènes de simulacres de la reproduction, comme disait ma grand-mère qui n’utilisait jamais le mot sexe, tout en conservant à l’ensemble du roman un rythme rapide et trépidant. Le temps, qui passe et change les hommes, est aussi un personnage d’un récit, qui en compte plusieurs. Un célèbre avocat genevois à la crinière léonine blanche et à la langue classiquement déclamée apparaît dans le roman, comme un certain Patrick Desberges, qui «offre le visage bienheureux de ceux qui voient toujours le verre à moitié plein. Sourire doux, yeux bleus. Il dégage cette bienveillance que la vie place parfois sur notre chemin, sous les traits d’un prêtre humaniste ou d’un philosophe adepte de longues randonnées solitaires».
Cet autoportrait d’un vieux loup des affaires – de la rive aux berges, il n’y a qu’un pas – est prolongé dans le roman: «Chaque semaine, l’homme reçoit un ou deux jeunes entrepreneurs, pour un café. Ces rendez-vous l’amusent à plus d’un titre: il retrouve dans ces start-uppers un peu celui qu’il était il y a quarante ans. Ça lui permet de se recharger de la puissante énergie de cet âge. Il aime aussi beaucoup sentir leur regard à faire pâlir de jalousie un gourou. Mais tout cela lui offre l’occasion de soulager sa bien-pensance catholique et de «rendre ce que la vie lui a donné», comme il le dit lui-même à ses proches qui osent le charrier sur cette perte de temps hebdomadaire».
La vie a été et est généreuse en effet avec Patrick Delarive. Il paie son dû en offrant un beau premier roman, plein de vie, résultat d’un long travail d’observation des lieux et des âmes: un travail d’écrivain en somme.

 

Laurent Passer

 

«L’extraordinaire vie/mort du père d’Arno Morel», par Patrick Delarive. Éditions Slatkine, 2022.