chevaliers du terroir - L’Esprit de Genève souffle ses vingt bougies
Rayonnement pour le vignoble le plus dynamique de ces dernières années
En 2004 a germé dans le vignoble du bout du lac l’idée de concevoir un vin commun aux différents domaines de la région et d’en faire l’ambassadeur du terroir genevois. Cette année, 18 vignerons du canton ont porté le projet jubilaire. La collaboration a donné lieu à 40 000 bouteilles haut de gamme, qui ont pu profiter d’un millésime 2023 salué de toute part dans le canton.
L’Esprit de Genève est à la fête! Voilà vingt ans qu’a débuté cette aventure collaborative, qui concentre en une bouteille le savoir-faire et les valeurs du terroir viticole genevois. Ils étaient dix au départ à porter ce projet. Aujourd’hui, c’est 18 domaines différents qui s’apprêtent à commercialiser l’édition 2023 de l’assemblage.
Avec l’excellente qualité constatée du millésime 2023 sur le vignoble genevois et vingt ans de collaboration interprofessionnelle à son crédit, ce nouvel Esprit de Genève s’annonce exceptionnel. La majorité des quelque 40 000 bouteilles produites seront à la vente pour les fêtes de fin d’année. Cerise sur le gâteau: pour ses vingt ans, le produit porte-étendard du vignoble genevois marque le coup. Le millésime est sérigraphié et doté d’une puce, qui, au contact d’un smartphone, permet d’accéder à une vidéo de présentation du domaine qui signe la bouteille ainsi qu’un sujet sur l’histoire de ce cru.
Un vin «collégial»
Bernard Conne, du domaine des Charmes, fait partie de la poignée de vignerons qui ont initié le projet et s’apprête aujourd’hui à passer le flambeau à son fils. Il évoque deux décennies d’Esprit de Genève avec grand enthousiasme. «Les vignerons sont des individualistes. Ce projet a été l’occasion de faire un travail de groupe, une recherche qui a permis d’aboutir à un projet génial, laissant la porte ouverte à l’expansion. Et d’ajouter: en moyenne, la qualité s’est toujours améliorée au fil des années».
Philippe Meylan, du domaine de la Guérite, est le petit dernier du projet, pour lequel il a produit son premier millésime. «C’est très positif pour la viticulture genevoise de s’unir plutôt que de se tirer dans les pattes», souffle-t-il. Même son de cloche pour Céline Dugerdil, du domaine de la Printanière, qui décrit un projet «collégial» et évolutif. Celui-ci s’est traduit en «l’un de ses vins rouges les plus vendus».
Une trame commune, chacun sa personnalité
L’Esprit de Genève tient sa bouche structurée et sa forte concentration en tanins ronds et soyeux pour dénominateur commun des différentes bouteilles. Il ne se veut pas pour autant un produit standardisé. «Les vins suivent certes une trame commune, mais chacun a sa personnalité, d’un domaine à l’autre», précise Denis Beausoleil, directeur de l’Office de promotion des produits agricoles de Genève (OPAGE).
Florian Barthassat – de la Cave de Genève – a trouvé sa formule magique pour «son» Esprit de Genève. Pour compléter le gamay et le gamaret, il opte pour le merlot, afin d’apporter une structuration et une longueur de bouche au produit. Sophie Dugerdil, du domaine Dugerdil Dardagny, s’est elle tournée vers la syrah pour la puissance qu’on lui connaît. «Sur des millésimes solaires comme le 2023, ça donne envie d’y retourner».
Galotta, ancellotta, divico… chaque domaine y est allé de sa spécialité, de son dosage et de son propre savoir-faire pour apporter sa touche à l’Esprit de Genève. Les bouteilles sont commercialisées pour une vingtaine de francs et partent généralement comme des petits pains.
L’identité du vignoble genevois
«Genève a été le vignoble le plus dynamique de ces 20-30 dernières années, explique Florian Barthassat. Dans la multitude de ses cépages, il s’est peut être pris les pieds dans son propre piège. Neuchâtel et les Grisons ont le pinot, les Vaudois le Chasselas. Chez nous, c’est plus diffus». De là est notamment venue l’idée de mettre le gamay au centre du projet Esprit de Genève,
«Le gamay est un cépage un peu décrié», explique Denis Beausoleil. Il s’agissait donc aussi pour les vignerons de montrer qu’avec des rendements raisonnés et une œnologie soignée, l’on peut produire de grands vins grâce à cette variété de raisin emblématique au bout du lac.
C’est aujourd’hui chose faite avec l’Esprit de Genève, qui fait partie des classiques de toutes les caves d’amateurs de vin genevois. L’identité du vignoble genevois, ce sont aussi des valeurs de solidarité et d’entraide. C’est cultiver la diversité et l’innovation.
Briller au-delà de Genève
L’Esprit de Genève avait comme objectif premier de servir de porte-étendard du vin genevois au-delà des frontières cantonales. Si la clientèle de l’assemblage, comme des autres vins du canton est encore très majoritairement genevoise, en Romandie, certains ne s’y trompent plus. La Foire du Valais, temple du fendant, a accueilli du vin genevois pour la première fois cette année.
C’est outre-Sarine que les choses peinent le plus à se décanter. Pourtant, le projet ne laisse pas indifférent. Céline Dugerdil indique que l’Esprit de Genève et son beau storytelling ont «captivé les Suisses allemands à qui on l’a présenté». Esther Meyer, du domaine Château du Crest, a eu la même expérience avec l’un de ses dépôts en terres germanophones. «A Lucerne ce sont des étiquettes qui fonctionnent très bien».
Encore faut-il toutefois que le projet arrive jusqu’aux oreilles de ce public. Pour les autres représentants du vignoble romand, il est déjà compliqué de conquérir les palais alémaniques, ceux-ci se dirigeant souvent vers les vins italiens. Le défi est d’autant plus important pour le canton de Genève, qui semble partir avec une longueur de retard. «On souffre de cette image de ‘canton-ville’ et les clichés ont la dent dure», explique Florian Barthassat, précisant pourtant que la réputation des vins genevois dans le monde professionnel n’est plus à faire. «On a les meilleurs rapports qualité-prix», assure-t-il également. Les vignerons auront eu fort à faire le 25 novembre, lors du lancement officiel de l’Esprit de Genève en Suisse allemanique, à Zurich.
Jean Friedrich
Pour son vingtième, l’Esprit de Genève est sur son 31. Il est sérigraphié et doté d’une puce qui renvoie vers une vidéo explicative pour chaque domaine.
GROS PLAN
Une réglementation particulière
L’Esprit de Genève suit une charte bien précise, élaborée dès les débuts du projet. Cet assemblage de vin rouge doit contenir au moins 50% de gamay et 20% de gamaret et/ou garanoir. Le domaine qui signe le millésime a 20% de marge de manœuvre pour personnaliser son cru avec d’autres cépages, comme la syrah ou le merlot. Ensuite, le produit doit être élaboré selon le cahier des charges des bonnes pratiques œnologiques suisses, et doit être vinifié au moins partiellement en fût de chêne.
La charte impose également des contraintes colorimétriques: le vin doit présenter une robe profonde avec des nuances violacées et une intensité colorante minimale. Cela est associé à des vignes en bonne santé, et qui n’ont pas été surproduites.
Pour garantir la qualité du produit, l’Esprit de Genève passe par un suivi rigoureux tout au long de sa production. Les premières moutures font l’objet de dégustation de pointage, à l’aveugle, parmi tous les domaines participants. Les produits sont ensuite affinés en fonction des critiques des autres vignerons, avant de passer finalement par une dégustation finale qui établit si le vin peut être commercialisé sous le nom «Esprit de Genève», un vin de garde haut de gamme.