chevaliers du terroir
Nendaz, nouveau phare de la gastronomie valaisanne
Si l’on excepte Zermatt et ses vingt restaurants notés au Michelin, peu de stations offrent une brochette d’adresses semblable à celle qu’on trouve aujourd’hui sur les hauts de la Printze.
On sait que le Valais détient un joli record, celui du nombre de cafés-restos par habitant, avec 4,6 pour 1000, alors que le chiffre suisse est de 2,6. Parmi eux, des dizaines d’établissements qui défilent au gré des pages du Michelin ou du GaultMillau. A Nendaz, ils sont trois à être pointés et encouragés par les critiques: le Mont-Rouge de Loris Lathion, Au Vieux Nendaz d’Adrien Lopez et le Vieux Chalet de Cléo Masson.
«Je suis ravi, sourit Loris, l’aîné et pape de la chasse. On est copains. On partage un solide noyau de clients, parce que les fourchettes gourmandes – à savoir les habitués qui mangent dehors plusieurs fois par mois – ne sont pas légion. On va par ailleurs régulièrement manger les uns chez les autres. Adrien a même été jadis mon collaborateur, et Cléo, j’aime sa cuisine depuis toujours. Je l’ai découverte à 22 ans; elle tenait déjà toute seule la cuisine du Gariko, aujourd’hui disparu».
Aucun des membres du trio n’évoquera donc ne serait-ce que la plus petite des concurrences. «Il s’agit vraiment d’un atout touristique pour Nendaz, insiste Lathion. Beaucoup de gens choisissent aussi leur lieu de vacances en fonction des restaurants qu’ils y trouveront ou pas. Ils savent que la gastronomie est un élément important de la qualité de la vie en Suisse romande et plus particulièrement dans notre canton. Une station comme Zermatt fait ainsi depuis longtemps de la qualité de ses Chefs un élément de marketing dans sa recherche de nouveaux marchés».
Chasse et tiroir-caisse
Lorsqu’on lui demande de détailler l’offre gastronomique de Nendaz à ce jour, le boss du Mont-Rouge ne fait pas dans la fausse modestie. «Pourquoi le ferais-je? rigole-t-il. Aucun de nous trois n’a le fantasme des grandes brigades ou de la chasse aux étoiles. Personnellement j’ai essayé, conclusion: ici, ce n’était pas tenable économiquement. Nous proposons tous de la cuisine de qualité, tantôt créative, tantôt traditionnelle, avec le plus souvent des produits locaux ou de saison, le tout à des prix abordables».
S’agissant de sa propre carte, Loris Lathion ne laisse pas de place au doute: «La chasse amène en octobre un chiffre d’affaires deux fois supérieur à celui de février, mon deuxième mois fort. Elle vient d’ici, comme le bœuf d’Hérens ou le cabri, pour prendre deux exemples emblématiques». A noter qu’il propose aussi diverses recettes de la Vallée, à l’instar des fameux paterons, sorte de beignets au sang que les agriculteurs cuisinaient autrefois lorsqu’ils bouchoyaient (faisaient boucherie).
Pari sur la gastronomie
A Siviez, au Vieux-Nendaz (longtemps plus connu sous l’appellation Chez Edith), Adrien Lopez vient de faire la «une» du magazine GaultMillau publié dans «L’Illustré». Il partage les vues de Lathion: «Trois beaux rendez-vous gastronomiques, c’est une chance pour Nendaz. Et puis, ça crée une émulation, ça pousse vers l’excellence. On est alors tous gagnants, les Chefs comme leurs clients». Ce pari sur la qualité, il est bien plus qu’une garantie: il le définit. «Je ne cuisine pas pour épater la galerie; je veux juste faire les choses bien, de manière authentique, avec des produits d’ici. Les rencontres sont importantes pour moi; les fournisseurs sont des copains avant d’être des producteurs».
Adrien et sa compagne Clara aiment bien dire qu’ils tiennent un restaurant «en» montagne et pas «de» montagne. En clair, fini les fondues au fromage ou bourguignonne qui faisaient autrefois le bonheur des habitués de l’enseigne. Le chef entend clairement franchir un palier en proposant une cuisine plus technique, plus précise, en un mot plus gastronomique. «Bien sûr, les randonneurs sont surpris de voir une terrasse fermée l’après-midi lorsqu’ils cheminent sur les bisses, mais il faut être honnête: on ne peut pas vivre en faisant tourner à la fois un café ouvert toute la journée et un restaurant qui propose des plats ambitieux. Cela posé, l’accueil de la majorité de la clientèle est très encourageant et nous donne envie de faire encore mieux».
Au Vieux-Nendaz, toutes les bases de la grande cuisine sont maîtrisées et l’on s’y dirige vers des lendemains qui chantent. «Je vais progressivement complexifier les plats proposés, explique Adrien. Mon credo, c’est embellir, rendre les assiettes et leur contenu plus poétiques, le tout dans le respect de notre cadre rustique».
Beauté et épices du monde
Chez Cléo Masson, Le Vieux Chalet, on entre dans un autre pays que celui de la chasse et des grandes traditions de la gastronomie: il faut dire que s’expriment au fil des assiettes et des saveurs d’authentiques touches de génie. «Je voulais faire un restaurant que j’avais envie de trouver lorsque je voyage, raconte la Chef. Avec un mélange de produits et de cuisines du monde dont je suis une passionnée».
Un peu à l’écart de la station et de son brouhaha, le Vieux Chalet se mérite. «Il est moins facile à trouver que les maisons de mes deux camarades, sourit la timide dame alsacienne. Alors un coup de projecteur est toujours le bienvenu». Ce qui n’empêche pas les aficionados du bien-manger de se transmettre l’adresse d’un air entendu. Parce qu’ici, on n’est jamais déçu: fait maison à 100% (même le pain), respect des saisons et des produits, créativité, audace (comme ce dessert choco-coco-champignon!) et associations réussies, à la fois belles et poétiques.
«Je fais toujours le choix de mariages peu communs, d’une cuisine moderne en fait, où je travaille avec les fleurs et les épices du monde entier. Je suis une grande passionnée de cuisine asiatique, spécialement japonaise». Son défi? «Séduire les gens de Nendaz. Pour l’instant ma clientèle, c’est plutôt Genève, Lausanne, Fribourg, et également les touristes de toute l’Europe. Mais les Nendards sont des gens curieux, ils y viendront!».