Jacques Jeannerat, grand maître de l’académie du CEP
www.acaducep.ch

/

chevaliers du terroir

La vigne à Genève en 2050

15 Nov 2023 | Chevaliers du terroir

Quelques réflexions sur la vigne à Genève en 2050. La première chose à dire, c’est que la durée de vie d’un pied de vigne se compte en plusieurs décennies. Donc, bon nombre de parcelles qui produisent du raisin aujourd’hui pourront encore en produire en 2050. 2050 c’est dans 27 ans. Comment était le vignoble genevois il y a 27 ans, soit en 1994? On le sait, la grande évolution œnologique genevoise, qui porte ses fruits aujourd’hui, date du début des années 1970.
C’est justement dans les années 1970 qu’ont été créés et plantés les premiers plants de Gamaret et de Garanoir, issus d’un croisement de Gamay et de Reichensteiner. Ces nouveaux cépages avaient notamment pour objectif de mieux résister à la pourriture, nécessitant ainsi moins de traitements. Aujourd’hui, ils ont atteint leur maturité et leurs qualités sont largement reconnues.
Nous observons actuellement deux phénomènes. Le premier est d’ordre climatique. En effet, et quelle qu’en soit la cause, le climat se réchauffe. Les viticulteurs genevois en ont d’ailleurs profité pour planter des cépages qui, auparavant, produisaient du vin plus au sud, comme le Viognier. Le deuxième phénomène observé est lui d’ordre sociologique. Depuis quelques années, la population veut davantage consommer à la fois local et des produits ayant subi moins de traitements chimiques.
C’est ainsi qu’est né, en 1996, au centre de recherche d’Agroscope, un nouveau cépage baptisé Divico (croisement entre le Gamaret et le Bronner). Il a l’avantage de réduire drastiquement l’utilisation des produits phytosanitaires. Il permet en effet de lutter plus écologiquement contre les maladies fongiques et la pourriture. Pour en avoir dégusté, je peux vous assurer qu’il surprendra.
Ces créations de nouveaux cépages sont en train de dessiner la vigne de Genève en 2050. D’autres cépages ont été créés dernièrement par Agroscope, avec une palette aromatique méridionale, tous dotés d’une bonne résistance. Les premiers essais de plantation à Genève sont menés par la Station cantonale de la viticulture avec le vignoble de l’Etat. Ils sont tous issus de croisement avec notamment le Gamaret. Ils ont pour nom – il va falloir s’y habituer – Divona, Caberrello, Cornarello, Gamarello, Merello ou encore Nerolo.
Un danger toutefois. Nous avons déjà à Genève beaucoup – trop? – de cépages différents pour une surface relativement modeste de 1400 hectares. Cette diversité est à la fois une richesse et un inconvénient qui a tendance à diluer la visibilité commerciale. Il y a en effet parfois, sur un domaine de cinq hectares, jusqu’à quinze vins différents. Je ne suis pas sûr que ce soit efficace sur le long terme. Alors, avec l’arrivée de ces nouveaux cépages, qui seront à maturité en 2050, il faudra faire des choix. Des choix collectifs et individuels par domaine. Alors, pourrons-nous encore boire du Chasselas à Genève en 2050? Assurément oui. Mais incontestablement, sa proportion va diminuer par rapport à aujourd’hui.