chevaliers du terroir - Gastronomie
Auberge de Luins, là où le Malakoff est roi
Il y avait la Madeleine de Proust; il y a le Malakoff de Luins/VD. Mordre dans cette sphère dorée, c’est plonger dans un monde de saveurs locales et de traditions culinaires préservées. Tendre et moelleux comme un fondant au chocolat, avec cette même sensation gourmande liée à sa consistance, fluide en son cœur et plus fermement tendre vers la croûte, le Malakoff de Luins n’est servi qu’à l’Auberge de Luins.
La recette du Malakoff n’est pas secrète, mais celle du Malakoff de Luins l’est. Laurent Marguerat la tient de ses parents, qui la tenaient de leurs parents. Aujourd’hui, Laurent Marguerat apprête sept tonnes de Gruyère AOP par an, et cela n’est pas un secret!
L’histoire raconte qu’à la fin du XIXe siècle, Jules et Ida Larpin, employés du prince Jérôme Bonaparte qui vivait à Prangins, ont adapté un met de fromage frit, né dans les tranchées de Crimée, au sein des troupes vaudoises et genevoises combattant dans les rangs des armées française et anglaise devant le fort Malakoff. Ce récit, entaché d’incertitudes et d’une part de légende, contient un ingrédient durable: la nostalgie du pays et de ses senteurs. Proust aurait-il emprunté sa madeleine aux militaires lémaniques?
Une réputation ne se bâtit pas sur la seule nostalgie. Il faut aussi un enracinement, une identité locale forte que la famille Marguerat cultive depuis trois générations à travers sa cuisine à base de filets de féra du lac, de lard de Begnins, de viande séchée du Valais, accompagnés de chasselas ou de pinot noir de l’un des dix viticulteurs du village. «Nos clients nous disent que les Malakoff n’ont pas le même goût sur les rives du Léman, dans notre vignoble, raconte Laurent Marguerat. Le Malakoff est de ces mets étroitement liés à un lieu!». Il l’est tellement que Laurent Marguerat a fait protéger l’appellation «Malakoff de Luins».
A chaque génération, ses innovations
La grand-maman de Laurent, qui a fêté ses cent ans en décembre, est encore là pour veiller au respect des traditions et des recettes. Oh, bien sûr, chaque génération a amené quelques changements, quelques innovations! En 1957, après la reconversion de cette auberge, propriété de la commune, en restaurant du terroir par les grands-parents de Laurent, ses parents l’ont agrandie. Elle compte désormais 120 places à l’intérieur et une terrasse de 80 places, ouverte du printemps à la fin de l’automne.
Laurent et son épouse Awa ont introduit un menu végétarien; ils ont également créé les perles de Luins, des mini-Malakoffs servis avec du mesclun, des champignons et des lardons de Begnins. En saison, ils proposent du chevreuil sauvage et du papet vaudois avec une saucisse aux choux que leur boucher ne produit qu’en hiver. Ce printemps, ils ajouteront la dent-de-lion à leur carte, servie en salade avec un œuf poché et des lardons.
Le Malakoff s’invite chez vous
Ils commercialisent désormais leur sauce à salade en bouteille, poussés par les réactions positives de leur clients pour sa saveur unique. Avec son neveu et sa nièce, Laurent a développé la production de Malakoffs de Luins surgelés, vendus sur place, mais aussi dans un réseau de 26 commerces alimentaires, de Saint-Sulpice/VD à Genève. Des discussions sont en cours avec deux grands distributeurs et le Malakoff de Luins pourrait bientôt s’inviter chez vous.
Rien, vous l’avez cependant compris, ne remplacera la saveur du Malakoff dégusté sur place, avec un verre de chasselas. Guy Parmelin, client régulier, mais aussi Phil Collins du temps qu’il habitait Begnins ou Catherine Deneuve, pour nommer quelques-unes des célébrités qui fréquentent ou ont fréquenté l’Auberge de Luins, peuvent en témoigner.
Cesare Accardi
Auberge de Luins
21, route du Village – 1184 Luins
Tél. 021 824 11 59
www.aubergedeluins.chFermé le mercredi