Victoria Tschumi.

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Victoria Tschumi, le goût de la philosophie

29 Mai 2024 | Carrière et formation

Philosophe libérale, grande lectrice de vulgarisation scientifique, enseignante passionnée… Un jour, Victoria Tschumi est «tombée dans la philosophie» et n’en est jamais sortie. Elle revient sur son parcours, et sur ses vingt-deux années passées à l’école de la Mutuelle d’études secondaires.

Sur l’écran, Barack Obama parle d’assurance maladie et d’un méchant Marvel, avant d’insulter Donald
Trump avec énergie. Sauf qu’il n’a jamais réellement prononcé ces paroles: la vidéo a été générée grâce à une intelligence artificielle. Murmures dans la salle de classe, lumière qui s’allume et bras qui se lèvent. «C’est dingue, comment faire la différence, alors?» demande Zoé, avec la vivacité de ses 16 ans. C’est là l’un des enjeux du cours de Théorie de la Connaissance (TC) dispensé par Victoria Tschumi à la Mutuelle d’études secondaires, une école privée genevoise reconnue d’utilité publique.
Victoria Tschumi est née en Argentine et a grandi à Genève. La professeure, d’une élégance millimétrée, se tient très droite, gestuelle déliée et mains qui soulignent chaque phrase: «L’un des objectifs de la Théorie de la Connaissance est de sensibiliser les élèves à la vérification de la fiabilité des informations en croisant les sources et ainsi affûter leurs esprits critiques». La TC est une discipline inédite, propre à la Mutuelle d’études secondaires, qui prépare au diplôme du Baccalauréat International. «La Théorie de la Connaissance sert à demander aux élèves: Pourquoi savez-vous ce que vous savez? Quelles sont les raisons qui vous permettent d’établir que telle connaissance est justifiée?», poursuit Victoria Tschumi. Il s’agit d’expliquer ce qu’est une connaissance, en fonction des différents domaines enseignés: l’histoire, la biologie, les mathématiques… «Avec les réseaux sociaux et la multiplication des fake news, ce cours est devenu d’une actualité saisissante pour nos jeunes», remarque la professeure d’une envolée du poignet.

«Tombée dans la philosophie»

Victoria Tschumi enseigne aussi la philosophie à la Mutuelle d’études secondaires (MES). La voix claire et le regard sombre, elle revient sur son parcours. L’histoire commence par une image de l’atelier de Darwin trouvée dans un vieux livre. «J’étais fascinée par les rayonnages de flacons, les animaux empaillés, les instruments de mesure… J’avais donc prévu de devenir biologiste». Pourtant quelques années plus tard, elle entame des études de philosophie, pour voir, et c’est une révélation. «Je suis tombée dans la philosophie comme on tombe amoureuse, mais en pire». Elle est prise par le jeu de l’argumentation, qui enchaîne thèse, argument, objection et contre-objection.
Pour Victoria Tschumi, le but de la philosophie est de «tenter de définir comment différentes personnes utilisent les mots du langage ordinaire et comment arriver à une définition cohérente commune, afin d’apporter un peu de paix dans le monde humain. Par exemple, il s’agit de chercher quelles sont les conditions nécessaires pour dire que telle ou telle chose est de nature à être nommée une étoile, une personne, une action morale, une pensée…». L’enseignante se définit comme une philosophe profondément libérale, où le principe moral ultime est de respecter la liberté de l’autre dans les limites de la liberté d’autrui. Elle s’intéresse particulièrement à la théorie de l’esprit: Qu’est-ce qu’une personne, un état de croyance, de perception… Pour cela, elle explore les thèses d’Aristote à celles de Daniel Denett, en passant par celles de David Hume.

La joie d’enseigner

«Le programme de philosophie du Baccalauréat International est d’un niveau universitaire», précise Victoria Tschumi avec un sourire. Enseigner la passionne, et en classe, les débats fleurissent. «Avec mes étudiants, j’ai le sentiment de pouvoir démultiplier mon cerveau. Sans eux, il y a des questions que je ne me serais jamais posées, des réponses que je n’aurais pas imaginées». Après vingt-deux années passées dans la même école, elle ne se voit pas travailler ailleurs: «La MES est une petite structure, et ici nous sommes tous ensemble, élèves et professeurs, à la recherche de solutions». Ses doigts balayent l’espace avec légèreté: «Je m’ennuie facilement, et enseigner, c’est l’une des parties les plus distrayantes de ma vie. Ce sont mes lectures, mon travail et les échanges avec les élèves qui m’apportent le plus de joie».

 

Carla Angyal

Mutuelle d’Etudes Secondaires
Boulevard Carl-Vogt 7 bis
CH-1205 Genève
Tél. +41 22 741 00 01
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