Pour ce qui est des demandeurs d’emploi, le nombre est retombé à 14 166 personnes fin mars 2023.

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VOTATION GENEVOISE DU 18 JUIN - Initiative «1000 emplois»

Un fantasme de panétatisme

7 Juin 2023 | Carrière et formation

Le peuple genevois est appelé le 18 juin à s’exprimer, entre autres, sur une Initiative qui semble a priori généreuse et moderne, puisqu’elle prône «la création d’emplois sociaux et écologiques et la réduction de la durée du travail». Qui pourrait être contre l’emploi et l’écologie, se dire antisocial et vouloir accroître la durée légale du travail? Pourtant, la droite, le centre et même une partie de la gauche de l’échiquier politique ne croient pas à ces perspectives.

Egalement surnommé «Initative 1000 emplois», ce texte promu par les syndicats a le mérite de la clarté: l’Etat devrait consacrer au minimum 100 millions de francs par année pour créer des places de travail (un millier dans l’idéal) dès que le taux de chômage moyen annuel calculé par le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) atteint 5%. Ces postes, financés par l’impôt, seraient à durée indéterminée, installés dans le secteur public ou dans des entreprises sans but lucratif, destinés à certaines politiques publiques (en lien avec l’Agenda 21). L’Initiative promeut également la semaine de 32 heures sans diminution de salaire au sein de la fonction publique comme dans l’économie privée, à l’horizon 2030.

Etatisation de l’économie

De fait, ce projet multiplie le nombre de postes publics créés chaque année, alors même que l’évolution de la fonction publique est largement supérieure à celle de la population. S’il est accepté, ce texte alourdirait les finances et accroîtrait l’endettement de l’Etat, au détriment d’autres politiques publiques, sans parler de l’inadaptation potentielle entre les exigences en termes de qualification des postes créés et la population à laquelle elle dit vouloir les dédier (les emplois jugés précaires). En effet, l’Initiative ne contient aucune disposition sur la formation, qui serait indispensable pour compléter certains profils.
Imaginée lors de la crise sanitaire, situation extraordinaire et par définition limitée dans le temps, cette Initiative entend proposer des mesures pérennes. C’est la concrétisation d’un rêve d’économie planifiée.

Conseil d’Etat sceptique

Comme la conseillère d’Etat Nathalie Fontanet, qui dirige les Finances et les Ressources humaines genevoises, a eu l’occasion de le préciser, avant et après sa brillante réélection, pour le Gouvernement, le meilleur moyen d’atteindre les buts de l’Initiative est de soutenir les initiatives existantes dans le secteur privé, de renforcer les mécanismes de réinsertion existants, et d’investir dans la formation et la (re)qualification. Les personnes doivent être formées aux métiers de demain.
Le Conseil d’Etat se soucie de l’équilibre financier de l’Etat, dont l’initiative n’a apparemment que faire. Il reconnait que cet équilibre est nécessaire pour garantir les prestations à la population et la délivrance de l’ensemble des politiques publiques. L’Initiative parle en effet d’un montant de minimum de 100 millions de francs pour créer 1000 postes. Or, le coût moyen d’un poste à l’Etat est de 140 000 francs par an, en tenant compte des charges sociales payées par l’Etat employeur.

 

François Berset

GROS PLAN

Emploi: on en est Genève?

 

• Genève propose près de 400 000 postes en tout (privé et public – soit environ 335  000 équivalents plein temps), pour une population active de moins de 240  000 personnes. Il y a donc potentiellement plus de 160 000 postes qui ne peuvent être occupés par la population locale, même avec un hypothétique taux de chômage de 0%.

 

• Après un pic du chômage durant la Covid-19, constaté dans l’ensemble des économies (5,6% à Genève et 3,7% en Suisse) en janvier 2021, le taux de chômage a drastiquement baissé, pour se trouver à des taux plus bas qu’avant crise (3,7% à Genève fin mars 2023 contre 5,6% en février 2020, et 2,0% en Suisse fin mars 2023 contre 2,2% en février 2020). La situation s’est donc largement normalisée.

 

• Pour ce qui est des demandeurs d’emploi (chômeurs et demandeurs d’emploi inscrits auprès des offices régionaux de placement), après un pic à 19 832 personnes en février 2020, le nombre est retombé à 14 166 personnes fin mars 2023.

 

• En termes de places vacantes, le taux a augmenté ces dernières années, passant en Suisse de 1,1% au deuxième semestre 2015 à 2,3% au troisième semestre 2022 (données les plus récentes – de 0,9% à 1,7% pour GE-VD-VS). Pour la région lémanique, au troisième trimestre 2022, le nombre de places vacantes a augmenté de près de 90% par rapport au plus fort de la crise (deuxième semestre 2020) et de près 30% par rapport au quatrième semestre 2019 (avant crise).

 

• En Suisse et au troisième semestre 2022, les secteurs disposant le plus de places vacantes, et par conséquent le plus à la recherche de collaborateurs, sont les activités informatiques et services d’information (4,4%), l’information et la communication (3,7%), la fabrication machines et équipements, de produits électroniques et l’horlogerie (3,5%).

 

• Globalement, d’ici 2030, le million de baby-boomers qui devrait partir à la retraite ne sera que très partiellement compensé par les nouveaux arrivants sur le marché du travail, et on manquera d’un demi-million de personnes actives en Suisse d’ici 2030. A ce même horizon, 40 000 informaticiens seront recherchés.