La loi interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe, notamment, s’agissant des femmes, de leur grossesse.

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Quand la maternité fait peur à l’entreprise

30 Août 2023 | Carrière et formation

Après quelques années de travail auprès de son employeur, Magali est nommée responsable de la communication en septembre. En octobre, elle informe son supérieur qu’elle est en-ceinte depuis août. Depuis le mois de février jusqu’au terme de sa grossesse, Magali se trouve en incapacité de travail. L’entreprise lance alors un processus de recrutement au printemps et le jour de son retour au travail, après son congé maternité et quatre semaines de vacances, Magali reçoit son congé. Le motif invoqué par l’entreprise est une performance trop réduite à ce poste. Magali s’oppose au licenciement.

Selon la loi, il est interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe, soit directement, soit indirectement, notamment en se fondant sur leur état civil ou leur situation familiale ou, s’agissant des femmes, leur grossesse. L’interdiction de toute discrimination s’applique notamment à la résiliation des rapports de travail. En cas de discrimination, l’employeur sera tenu de verser une indemnité à la personne lésée. Le montant sera fixé compte tenu de toutes les circonstances et calculé sur la base du revenu, mais ne pourra excéder l’équivalent de six mois de salaire.
Une discrimination est dite directe lorsqu’elle se fonde explicitement sur le critère du sexe ou sur un critère ne pouvant s’appliquer qu’à l’un des deux sexes et qu’elle n’est pas justifiée objectivement. Il peut s’agir par exemple d’un licenciement pour raison de grossesse ou de maternité.

Preuve facilitée pour la
travailleuse

L’existence d’une discrimination à raison du sexe est présumée. L’établissement des faits sera donc plus facile à réaliser, puisqu’il suffit à la partie lésée de rendre vraisemblable la discrimination. Dans notre cas, les faits parlent pour elle: suite à l’annonce de la grossesse de Magali, l’employeur a mis au concours un poste qui exigeait tout à coup des compétences spécifiques alors même qu’elle avait attribué la place à Magali quelques mois auparavant, en connaissant son expérience limitée dans le domaine et sans que la raison imposant un changement de stratégie aussi proche dans le temps ne soit établie. L’employeur n’a par ailleurs proposé aucun autre emploi à Magali, alors qu’elle avait fait preuve de polyvalence au cours des dix années passées dans l’entreprise. Le tribunal reconnait dès lors un lien entre la grossesse et la décision de l’entreprise de mettre un terme au contrat. Comme Magali a été licenciée à son retour de congé maternité, la discrimination à raison du sexe est vraisemblable.

Le motif de congé ne doit avoir aucun lien avec la maternité

La véritable preuve devra dans ce cas être apportée par l’employeur qui devra démontrer que la discrimination n’existe pas, ou alors établir l’existence de motifs objectifs ne produisant pas de discrimination à raison du sexe. Dans notre cas, l’employeur devait prouver que la maternité n’était pas un facteur déterminant dans sa décision de mettre fin au contrat et que Magali aurait été licenciée même si elle n’avait pas été enceinte.
L’employeur a fait valoir que le congé avait été décidé suite à un changement de stratégie de communication, ce qui impliquait de confier la responsabilité de la communication à un(e) professionnel(le) du secteur. Il n’a toutefois, selon le Tribunal, pas réussi à prouver que Magali aurait été licenciée même en l’absence de grossesse. En effet, il n’a amené aucun élément probant établissant que Magali n’a pas été assez performante. En l’absence de cahier des charges, il n’a pas été possible de constater une insuffisance de prestations. De plus, le certificat de travail établi après le licenciement est élogieux et indique que Magali a donné pleine et entière satisfaction.
Enfin, le Tribunal constate qu’aucune pièce du dossier ne permet de conclure que Magali aurait été inapte à mener à bien la nouvelle stratégie de communication. Il convient dès lors de conclure, que pour que le licenciement soit jugé non discriminatoire, l’employeur ne pouvait pas se limiter à démontrer que la nouvelle titulaire du poste était objectivement plus compétente que Magali. Il aurait en revanche dû prouver que Magali disposait de qualités insuffisantes pour le poste de responsable de la communication, preuve qu’elle ne pouvait pas amener. Le licenciement était donc bien discriminatoire.

 

NICOLE DE CERJAT

 

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