Faire du pied à une autre collègue, adopter une attitude ambiguë… Le contexte, un lieu extérieur au bureau (en l’occurence un bar de la ville) peut valoir la clémence du juge.

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Cas pratique

Propos grossiers et sexistes: licenciement immédiat?

26 Jan 2022 | Carrière et formation

Lors d’un pot de départ dans un bar de la ville, Pierre a tenu à trois collègues des propos dépréciatifs de nature sexuelle à l’égard d’une collègue féminine, Nora, absente ce soir-là. Apprenant cela, Nora s’est plainte à la responsable des ressources humaines. Les RH ont dès lors procédé à des investigations et interrogé plusieurs personnes. Un mois plus tard, les supérieurs de Pierre l’ont convoqué, lui ont fait part des différents éléments dont ils avaient pris connaissance, des témoignages recueillis, et l’ont informé de leur décision de le licencier avec effet immédiat. Pierre s’y est opposé.

L’employeur peut résilier immédiatement le contrat en tout temps pour juste motif, autrement dit lorsqu’on ne peut plus exiger, en toute bonne foi, la continuation des rapports de travail. Cette mesure doit toutefois rester exceptionnelle et seul un manquement particulièrement grave peut justifier une telle sanction. Lorsqu’il est moins grave, le manquement ne peut entraîner une résiliation immédiate que s’il a été répété malgré un avertissement. La gravité des actes doit être appréciée après examen de l’ensemble des circonstances.

Rupture de confiance
irrémédiable?

Le Tribunal a retenu que Pierre n’en était pas à son premier éclat. En effet, il avait au préalable déjà fait du pied à une autre collègue, qui a témoigné de l’attitude ambiguë de Pierre et de commentaires déplacés. Par ailleurs, Pierre avait aussi tenu des discours inappropriés à ses collègues masculins, à propos de certaines femmes travaillant dans l’entreprise. Le Tribunal a toutefois considéré que le comportement de Pierre n’était pas suffisamment grave pour justifier un licenciement immédiat sans avertissement. Il a retenu que le contexte, soit le lieu (un pot de départ dans un bar de la ville), se trouvait à l’extérieur de l’entreprise et que la plaignante était une connaissance de longue date, puisqu’ils avaient déjà partagé les bancs de l’Université.
Il a également remarqué qu’aucun employé ne s’était plaint précédemment, ce qui montrait que personne n’avait réellement souffert du comportement
préalable de Pierre, ou du moins, que personne n’avait évoqué l’impossibilité de le côtoyer à l’avenir dans un cadre professionnel. Enfin, Pierre n’avait aucune position hiérarchique dans l’entreprise. Le Tribunal a par conséquent conclu que Pierre aurait dû, dans un premier temps, être averti formellement par l’employeur, mais qu’un licenciement immédiat ne se justifiait pas dans ces circonstances.
Dans cette décision, le Tribunal précise qu’il ne s’agit pas de minimiser les propos grossiers et sexistes. Toutefois, il rappelle qu’en droit, l’élément déterminant pour un licenciement avec effet immédiat est l’existence d’une rupture de confiance telle que la continuation des rapports professionnels serait devenue impossible. Il précise aussi que chaque cas doit impérativement être apprécié concrètement, au regard de l’ensemble des circonstances, et qu’il est donc impossible de fixer des critères généraux.

 

Nicole de Cerjat
Société suisse des employés de commerce /
Service juridique
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