Une résiliation avec effet immédiat avant la condamnation aurait violé le principe de la présomption d’innocence.

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carrièrE & formation - Cas pratique: Congé immédiat - Congé soupçon

Message Whatsapp inapproprié et punissable

25 Oct 2023 | Carrière et formation

Le 1er février, Tina a envoyé une vidéo à caractère pédopornographique accompagnée du commentaire «faites attention à vos maris» aux membres d’un groupe WhatsApp comprenant plusieurs de ses collègues de travail. Choqués, l’employeur et neuf collaboratrices ont déposé plainte pénale à l’encontre de Tina.

Le directeur a par ailleurs suspendu l’obligation de travailler de Tina, afin d’assurer un bon climat de travail et d’éviter des conflits entre collègues. Le salaire a continué à être versé. En mai, le Ministère public a rendu une ordonnance pénale condamnant Tina à une peine pécuniaire de 15 jours-amende à CHF 30.- par jour, avec sursis pendant deux ans. Un jour après la réception de l’ordonnance pénale, l’employeur a résilié le contrat de Tina avec effet immédiat.

Un «clic» n’est pas un geste anodin

Tina se défend en affirmant que la transmission de la vidéo ne s’est pas faite consciemment. En effet, elle aurait d’abord vu un écran noir. Une image pédopornographique ne serait apparue que bien plus tard, raison pour laquelle elle a ajouté la mention «faites attention à vos maris». Et ce n’est qu’après coup que Tina aurait visionné l’intégralité de la vidéo, qui l’aurait elle-même profondément choquée. Tina n’a toutefois pas pu prouver qu’elle avait transféré une vidéo dont elle ignorait le contenu. Le tribunal n’a pas retenu ces arguments, jugeant que partager une vidéo dont on ne connaissait pas le contenu n’avait aucun sens. Il a aussi remarqué que Tina n’a jamais fait valoir que l’envoi aurait été le résultat d’une mauvaise manipulation. Au contraire, elle s’est défendue en constatant qu’il n’était pas interdit de «parler de pédophilie entre adultes». Elle connaissait dès lors le contenu de la vidéo. A aucun moment Tina ne reconnaît la gravité de son geste.

Tous les employés ont droit à une protection

Un licenciement avec effet immédiat est possible si, selon les règles de la bonne foi, on ne peut pas exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail. Dans le cas présent, l’envoi de la vidéo pédopornographique a provoqué des réactions très fortes chez diverses collègues. Outre la plainte déposée, plusieurs collaboratrices ont manifesté leur intention de ne plus vouloir travailler avec Tina. Cet épisode a provoqué d’importantes tensions au sein de l’établissement et l’employeur a essayé de préserver au mieux les intérêts de chacun, d’apaiser la situation en suspendant Tina tout en continuant de lui verser son salaire, car il n’était pas certain que la vidéo avait été transmise intentionnellement. Vu son doute, il a préféré respecter la présomption d’innocence jusqu’au prononcé de la justice. En effet, un «congé soupçon» est interdit, car un soupçon, ou une perception subjective et unilatérale, soit une conviction intime, même grave, ne suffit pas à fonder un tel licenciement.

La collaboration est devenue
impossible

L’employeur n’a donc pas agi tardivement en résiliant le contrat de travail avec effet immédiat le jour après celui où il avait pris connaissance de la condamnation de Tina. Une résiliation avec effet immédiat avant la condamnation aurait violé le principe de la présomption d’innocence. Après le prononcé de la peine, la poursuite des relations de travail n’était plus concevables, car la réintégration de Tina aurait provoqué un tollé auprès des autres employés, désordre susceptible de mettre en péril les activités de l’entreprise. Le fait que Tina était appelée à travailler avec des personnes vulnérables justifie d’autant plus cette décision. Le licenciement avec effet immédiat, même prononcé un certain temps après les faits incriminés, est donc valable.
Un «congé-soupçon» est interdit, car un soupçon, ou une perception subjective et unilatérale, soit une conviction intime, même grave, ne suffit pas à fonder un licenciement immédiat.

 

NICOLE DE CERJAT

Société des employés de commerce
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