Vive l’art… de se sacrer soi-même! (Napoléon, par Jacques-Louis David… un classique de la peinture engagée).

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carrière & formation

Le monde des médias: un pentagone à angles droits!

1 Déc 2021 | Carrière et formation

Depuis l’été, au moins cinq «sommets » ont parlé des journalistes… de leur formation… de leurs carrières: au Club de la Presse, aux Nations Unies, au Salon du livre, aux Bains des Pâquis… et devant l’hôtel Hilton. Mais les vérités de l’un tranchaient avec celles de l’autre, et à ce jeu, c’est le plus bruyant qui gagne. A la réflexion, les robots qui traduisent «speaker» par «haut-parleur» au lieu d’«orateur» saisissent l’essentiel mieux que les médialogues au podium.

En cette saison du Prix Töpffer, une bédé conterait mieux qu’un texte ces dialogues de sourds entre milieux carrés… alors dans ces lignes, on sera bref. Premier débat de la saison, celui dans le cadre de Ciné-Onu (ungeneva.org/fr/events/2021/10/les-medias-le-monde-et-moi). C’est en gros le conte de la Belle au Bois-Dormant: le public, nourri de «salade» toxique par les grands médias, est tombé dans un sommeil profond. Mais des chevaliers/ères sans peur et sans reproche au grand cœur vont lui donner le baiser qui rend la vie. Ces héros s’appellent – selon le pays – «The Guardian», «Médiapart», «Hirondelle». Ces «contes de fée» sont offerts par l’Unesco, l’Instruction publique et la Radio romande dans les cadre de la «Semaine de l’éducation aux médias».

L’argent à odeur d’encre vaut celui de l’étable

La même histoire a été mise à jour un mois plus tard aux «Assises presse et démocratie» (pressclub.ch)… avec la technique dernier cri: cette fois, le Prince Charmant vient en auto… nome. En clair, à la première session, on a parlé de robots qui permettent d’aller plus vite et plus loin… et même d’écrire des articles standards. mais seule l’intelligence naturelle (et supérieure) du journaliste sait que faire avec la Belle après avoir démasqué les fausses Princesses au petit pois. Bref, le journaliste est un rempart contre les «fake news» (ce n’est pas l’avis d’un homme au-dessus de tout soupçon – Giuliano da Empoli – ces jours à la radio: pour lui, «les fake news sont un faux problème… car les informations véridiques ne suffisent pas au «parler-vrai»»). Mais qu’importe l’ivresse de la vérité, tant que le flacon a le bon label, car «l’information de qualité a de la valeur». Le but des conteurs à de telles Assises est de réclamer des sous à la société: dans l’intérêt public, «on aide bien l’agriculture» (au risque de l’obésité). Mais «l’infobésité» d’une presse sans lecteurs est-elle d’intérêt public? L’argent gagné à la sueur de son front sent-il mauvais dans les médias?

«Bonne nouvelle» ou « fake news», c’est le dilemme

Pour les plumes éthérées, si «20 Minutes» fait du fric, alors un bon média est celui qui perd de l’argent; en outre, pas question d’admettre au club les médias de bénévoles. On avait bien mis le journal «La Nation» à un des panels des Assises, mais d’emblée, le modérateur lui a dit: «La salle vous est sans doute hostile». Quel aveu de pensée unique du milieu médiatique; et de son «entre-soi»! La quête des subsides étant en somme la «Contre-Réforme» d’un clergé face à la seconde révolution de l’imprimerie. On retrouve ici le vote sur les juges élus ou au tirés sort… ou sur les «bons soins» prescrits (par le toubib payé par la loi) à des patients rétifs. Certes, les torts de l’esprit de corps sont partagés: le public aussi veut désormais plier les médias à son image… ce fut dit à la dernière session, sur les médias locaux qui pourraient sauver la presse en charmant les petites Princesses. Bref et sans refaire ici le débat sur «No Billag», il y a du «Faust» dans ce pacte des «médias de qualité» avec l’officialité politique ou culturelle.

Les gardiens du temple ont-ils trop d’esprit?

On a parlé plus haut d’un «pentagone»: deux sommets ont été décrits… deux autres (Assange aux Pâquis et Zemmour au Hilton), évoqués. Reste peu de place pour le «lexique biaisé» des médias que Guy Mettan dénonce dans un dictionnaire à paraître et annoncé au Salon du livre: il pourra ajouter des tomes II et III sur son ex Club de la presse et sur Ciné-Onu. Pour les non-dits des grands esprits, on peut ajouter le livre de l’oubliée (sauf du Gesda) Monique Canto-Sperber «Sauver la liberté d’expression» et celui de Jonathan Curiel, «Vite!». Mais cet article n’a rien contre la manne des gardiens du temple: le fond du problème, c’est «qui est habilité à donner des labels de qualité» aux journalistes, quand le déluge en ligne sépare «journalisme» et «information»? Ou même, «Qui est juge, pour dire qui, d’Assange ou de Zemmour, abuse le plus du «lanceur d’alerte»?». Mieux vaut laisser le dernier mot à McLuhan, pour qui «le medium est le message»: les «Il faut bien comprendre que (…)» des gens qui savent et les «Où est la question?» quand le public sort de son rôle d’élève… c’est ça le vrai message de la plupart des «sommets» savants. Ce qui nous laisse avec la grande question du siècle… suggérée par une vidéo de Jean Starobinski à un récent colloque: le peuple est garant de la démocratie; mais les savants – dans les labos ou dans les médias – sont-ils encore garants du savoir?

 

Boris Engelson