Science amusante ou eaux hilarantes?

/

carrière formation

La vérité coule de source

31 Août 2022 | Carrière et formation

Qu’apprend-on au juste dans les écoles techniques? Un pour cent de science et de l’intox pour le reste? En «sciences de l’environnement» en tout cas, on a l’impression que les slogans à la mode comptent plus que les lois de la thermodynamique. Dernier exemple avec le chantier de GeniLac qui doit rafraîchir ou réchauffer (selon la saison) des quartiers de Genève, à commencer par les Nations et leur Palais.

Genève est une ville modèle, et qui dit modèle dit peintre et public: bref, la presse du Palais des Nations a pu voir GeniLac de ses propres yeux et d’un bout à l’autre: sous le Léman et sous le Palais. Pour faire savoir aux quatre coins du monde que notre Rade a désormais deux jets d’eau: un au-dessus, un en-dessous. Ballade plaisante, mais qui a aussi fait voir les travers répétés de la «comm’» technique.

Sympathiques, les échangistes

«Aucun impact» environnemental… bilan énergétique strictement «neutre»… sources d’électricité «cent pour cent renouvelable»… «monitoring rigoureux et permanent»… comment prendre ces affirmations au pied de la lettre, sachant que l’eau doit être hissée par une pompe… que du chaud va toucher le froid même si on parle d’«échange»… que les électrons du réseau n’ont pas de visage… et que le «monitoring» pense lui aussi en boucle.

Hauts savoirs et bas instincts

La chambre du crime est au sous-sol du Palais des Nations, où tournent encore les vieux systèmes thermiques; quand on demande alentour (au personnel ou aux collègues) à quoi on voit que c’est une installation de chauffage d’un bâtiment et non celle à pasteuriser d’une laiterie ou la salle des machines d’un navire, personne ne sait. A vrai dire, on a sous les yeux surtout des tubes et des cubes, et cela fait penser aux journées de portes ouvertes du Cern, et leur foule hébétée à la sortie: «A quoi ça se voit qu’on était devant des capteurs à boson et non devant un système de ventilation? Peu importe, c’était géant, c’était génial!». On verra en juin prochain, avec l’inauguration de l’espace pédagogique à l’Esplanade des Sciences, si la science de pointe a pris du recul ou juste de la bouteille.

Ciel, j’allais oublier ma prière à Gaïa

Dans le groupe d’experts envoyés par SIG et par les Nations Unies, l’un(e) ou l’autre n’était pas loin de se poser les même questions que le soussigné. Au point d’admettre que «la thermodynamique, jusqu’à peu, était le parent pauvre des études de physique… et maintenant qu’elle est au centre de la climatologie, nous sommes désarmé(e)s». On a pu le constater plus d’une fois au fil des ans, de l’Aéroport au Salon de l’auto, des Transports publics à SIG, de l’Organisation météorologique mondiale au Cern déjà cité plus haut. Le mode de penser en «check-list» climatique ou sociale – dont les «Objectifs du développement durable» sont le modèle – cache la science derrière une tache aveugle même chez les ingénieurs les mieux formés.

Règles de conduite contre lois
physiques

Ce n’est pas à un petit journaliste de donner au public un cours de formation sur la loi de l’énergie, sur le cycle à quatre temps, sur les isobares et isothermes… sur la mécanique statistique et sur l’entropie… concepts dont les liens doivent être d’ailleurs repensés à chaque génération. Mais ce sont des notions clefs de la science, du climat, de l’écologie… et on devrait s’y frotter chaque fois que possible… sans rater d’occasion, avec ou sans comm’.

La vérité se cache bien

«Chercher la vérité, c’est penser contre soi-même» pouvait-on entendre l’autre jour au café philo. Alors, pour être profondément véridique et non platement factuelle, la science aussi doit apprendre à penser contre elle-même. Mais comment penser contre soi-même, quand on est au faîte de la gloire: quand sont réunies dans un mouchoir de poche l’élite des ingénieurs publics, les agences vouées au bien et la crème de la presse mondiale?

Le marché, source de science

On dira que «l’économie marchande» nous vend des salades encore plus toxiques: «Voyez le scandale Volkswagen!». Mais malgré la publicité, un fabricant de véhicules ne peut guère mentir sur la vitesse des roues ou sur le rendement du moteur. A la rigueur, sur les gaz, même si l’intox était plus sur le papier que dans l’air. Et le citoyen ne fait pas mieux, un récent forum l’a bien montré (sciencescitoyennes.org). Entre la science morte des manuels, la science mode des citoyens, et la science comm’ des lobbies, la science vraie est en train de perdre pied.

 

Boris Engelson