Pour «sauver les âmes», faut-il mettre fin à l’Inquisition?

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carrière & formation

Genève, ville formatrice

19 Jan 2022 | Carrière et formation

L’amour des «vieilles pierres»: c’est à ça qu’on voit si un(e) adulte est «cultivé(e)»… au grand dam de ses enfants qui passent leurs vacances entre églises et musées. L’adage, en outre, dit (à peu près) «la culture, c’est ce qui reste quand l’école a tout oublié». On en est bien là, à en croire un forum constatant la mort cérébrale des Universités sous l’effet du wokisme (= l’éveil par la… censure; voir decolonialisme.fr). Pendant deux jours en début d’année, on y lança un appel à les «reconstruire» depuis les fondations.

S’il ne reste de solide dans le savoir que les vieilles pierres, allons donc nous former dans les rues de notre ville, «capitale des droits de l’homme». En ouvrant bien les yeux sur ledit «homme», qu’on croisera plus d’une fois: quel est son «genre», et surtout est-il de ou sans «couleur»?

L’alternatif n’est pas très au
courant

Partons des deux offices du tourisme à la Rue du Mont-Blanc… tout d’abord l’officiel «Genève Tourisme»: ses vieilles pierres «à voir» servent-elles de guide à l’égaré(e) comme les cailloux du Petit Poucet, ou de stèles aux vaches sacrées de l’Esprit de Genève? Et deux pas plus haut, le «Car» était-il bien «alternatif» en n’aimant – des vieilles pierres – que les pavés rebelles de L’Usine ou des Bains? Le «Car» – lâché par les autorités après une longue idylle – est depuis deux ans en… sommeil, sous l’effet du wokisme. Mais «L’immigré» d’Ousmane Sow et Patrice Mugny est toujours un trait d’union entre les deux offices en face de la Gare. Et là, on est au cœur du sujet wokiste: «Où va une société dont les élites doivent jouer aux rebelles?», dit un jour Nathalie Heinich, pilier du colloque déjà cité. Mais en route pour le tour…

Tombé de très haut… institut

Même «L’Escouade» – groupe chargé de plaquer «100 Elles» aux coins de rue – n’a pas l’air de le savoir, mais la gare jouxte un haut lieu de la femme libre. Par avocat interposé: malgré un patronyme en forme de matronyme, l’héroïne est un homme et le lieu n’existe plus: Ferdinand Lassalle est mort à l’Hôtel de Russie dont ne restent que deux sphinx, posés depuis au haut de la rue. La bio du héros se trouve sans mal en ligne, et dit ce que le socialisme et le féminisme lui doivent; son duel ne fut pas la seule preuve de son amour des dames. Mais cet exploit n’entre pas dans les schémas wokistes de «L’Escouade» et de la Ville qu’elle cache. Dans la liste des «100 Elles», par contre, et avec une statue entre les bateaux et l’hôtel fatals, Elisabeth d’Autriche sert désormais les «bonnes causes». Certes, les mérites antiracistes d’une icône de l’empire morcelé sont ambigus vus des Balkans ou de Bohème. En Europe centrale, chacun était par la force des choses le raciste d’un autre… Thomas Masaryk – qui a sa rue près des Nations (car son pays fut inventé à Genève) – le savait bien. Et un groupe d’anars avait posé un temps face au «Beau-Rivage» une statue «à la lime», arme du crime. Mais Sissi était à sa manière féministe, ce qui lui a permis de passer entre les gouttes de la tornade wokiste. Plus loin sur le quai, William Rappard s’accroche encore à des murs, mais a déjà été mis à bas comme «chauviniste raciste machiste» par des étudiants de l’Institut des hautes études internationales et du développement.

L’ «engagé(e)» ne dégage jamais

S’ils avaient su que Genève tenait dans un mouchoir de poche plus de monuments wokistes que Paris et Boston réunis, les ténor(e)s du forum cité plus haut auraient choisi comme cadre non la Sorbonne mais la… Comédie. Celle du Boulevard des Philosophes, désormais aux mains d’une asso «Tragédie» qui – en effet – ne rigole pas avec les «engagés» d’un autre côté… que celui des artistes de cour. Mais un atelier sur «ce que le militantisme a fait à la culture» (autre dada de Heinich) pourrait bien remplir la salle, si on la donnait à une «école libre»… de tenir tête à la Haute école d’art, aux Archives contestataires et aux Affaires culturelles officielles. Assez pour ce tour de ville: à passer devant les murs en trompe-l’œil du savoir et de l’éthique, on voit que c’est tout l’espace public qui fait de la «comm’»… et tue ainsi la pensée mieux qu’une censure.

Le wokisme, stade suprême de… l’hypocrisie

En fin de compte, «reconstruire la culture» face à la monoculture wokiste, n’est-ce pas une mission impossible? Le wokisme est en somme la forme aiguë de l’hypocrisie, dont l’adage dit qu’elle est «un hommage rendu par le vice à la vertu». Toute pensée de valeur n’est-elle pas tenue de gagner par le zèle de son clergé et de se muer en évangile? Qui parle le plus la langue de bois… sec, que les humanistes des Objectifs du développement durable, ou encore les prophètes de la Rébellion climatiste? Bouclons donc notre tour de ville aux Bastions, d’où l’Université veut chasser Carl Vogt. En échange, Davide Dormino – l’artiste qui a mis le courage en bronze aux Bains des Pâquis – est bien placé pour une statue à l’hypocrisie en forme de Janus: une face au lanceur d’alertes et une à l’assigné en justice. On le disait la semaine dernière à Julian Assange et Simon Brandt: «Vingt-deux l’Eynard!».

 

Boris Engelson