cas pratique
Existe-t-il un droit à un bonus discrétionnaire?
A côté du salaire, le contrat de Martin prévoyait un bonus exceptionnel, entièrement discrétionnaire et incertain dans son principe et son montant. Celui-ci pouvait être payé à la fin de l’année, à condition que le contrat de travail n’ait pas été résilié à la date à laquelle le bonus devait être payé. Martin a perçu des gratifications durant trois années consécutives, mais pas la quatrième, alors que tous ses collègues en ont reçu une en décembre. En janvier de l’année suivante, Martin a été licencié. Il a alors réclamé le versement de son bonus.
L’entreprise argumente qu’il avait été convenu que le bonus de Martin était discrétionnaire et qu’elle avait dès lors le droit de le lui refuser. Le chef des ressources humaines a précisé que Martin avait bien rempli les conditions usuelles d’octroi du bonus, mais que le non-versement de celui-ci était dû au fait que la société avait décidé de se séparer de ce collaborateur.
S’il est vrai que la loi ne contient aucune définition du bonus, celui-ci doit néanmoins respecter certains principes. Dans le cas de Martin, il s’agit de savoir s’il peut prétendre au versement de son bonus, dont le caractère discrétionnaire n’est pas contesté, en se fondant sur le principe de l’égalité de traitement.
L’égalité de traitement,
un principe absolu
Le caractère facultatif de la gratification trouve ses limites dans le respect de l’égalité de traitement. En effet, le Code des obligations oblige l’employeur à protéger la personnalité de l’employé. Ainsi, une décision subjective de l’employeur contrevient à l’interdiction de discriminer, dans la mesure où elle exprime une dépréciation de la personnalité du travailleur et lui porte dès lors atteinte. Une telle situation n’est réalisée que si l’employé est placé dans une situation clairement moins avantageuse qu’un grand nombre d’autres employés, et non pas si l’employeur favorise simplement quelques autres employés. Il convient encore de préciser que la situation de l’employé prétérité doit être comparée à celles de ses collègues directs, et non pas à celle de ses chefs. Autrement dit, si les chefs ont renoncé à leur bonus, mais qu’ils l’ont accordé aux collègues de Martin, l’égalité de traitement voudrait que Martin y ait droit.
L’employeur peut fixer certaines règles
L’employeur peut subordonner le droit à la gratification à des conditions, notamment à la présence de l’employé dans l’entreprise au moment de son versement, ou à l’absence de résiliation du contrat. L’employeur peut aussi soumettre l’octroi de la gratification à divers motifs, tels que la récompense pour le travail accompli ou une fidélité de longue date. Il peut encore prévoir une gratification dans le but de motiver l’employé pour l’avenir, ou d’éviter que celui-ci ne résilie le contrat. Enfin, l’employeur peut encore partager avec lui les bons résultats de l’entreprise. Si la gratification est destinée uniquement à récompenser l’employé pour le travail effectué, donc si elle se réfère au passé, elle ne saurait être réduite ou supprimée pour le motif que le contrat a été résilié.
L’employeur est contraint de payer le bonus «facultatif»
Les conditions prévues pour le versement du bonus de Martin sont remplies et son non-versement avait un caractère absolument blessant, inéquitable et illégitime: la qualité de son travail a été reconnue, la résiliation de son contrat n’avait pas encore été prononcée au moment de versement prévu du bonus et ses collègues directs l’on obtenu. Ce résultat est également conforme au contrat de travail, qui prévoyait expressément que seule une résiliation déjà signifiée à la date du versement constituait un motif admissible de refuser le bonus.
Nicole de Cerjat
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