CAS PRATIQUE
Egalité à l’embauche
Astrid rêve de travailler dans un domaine «typiquement masculin». Elle a donc fait acte de candidature, malgré le fait que l’offre était rédigée au masculin. Un collaborateur l’aurait avertie qu’aucune femme ne serait engagée et un autre n’aurait pas accepté qu’elle effectue un stage dans cette activité «pas faite pour une femme». Dans les années qui ont suivi, elle a postulé cinq fois pour un poste de travail dans ce service. Elle n’a jamais été retenue. A chaque fois elle s’est adressée au Bureau de l’égalité et à la conseillère d’Etat, lesquels se sont excusés, suite à quoi Astrid a retiré ses plaintes pour maintenir ses chances à l’avenir. Après le cinquième refus d’engagement pour des motifs qui ne lui semblaient pas légitimes, Astrid a saisi le Tribunal.
La Loi sur l’égalité interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe, soit directement, soit indirectement. Lorsque la discrimination porte sur un refus d’embauche, la personne lésée peut prétendre au versement par l’employeur d’une indemnité n’excédant pas le montant correspondant à trois salaires, mais la raison d’une telle action est bien entendu majoritairement un besoin de reconnaissance.
Assouplissement du fardeau
de la preuve
En présence d’une prétendue discrimination à raison du sexe, la loi prévoit un assouplissement du fardeau de la preuve, car celle-ci est excessivement difficile à rapporter. La personne qui se sent lésée peut donc simplement rendre vraisemblable l’existence d’une telle discrimination. Ainsi, si la vraisemblance de la discrimination est démontrée, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve stricte qu’elle n’existe pas.
Le Tribunal a reconnu que cet allègement devait également être appliqué en présence d’une discrimination à l’embauche. Astrid invoque dès lors le contenu de l’offre d’emploi rédigée au masculin, les motivations fantaisistes et vagues des refus et un comportement contradictoire de l’employeur. Astrid souligne qu’à sons sens son profil est parfait et qu’elle a dû endurer des commentaires sexistes et maladroits, tant des employés que de la hiérarchie. En plus de ses qualités professionnelles indéniables, Astrid ajoute que les arguments avancés par la Commission cantonale de conciliation en matière d’égalité entre les sexes ont été totalement ignorés.
La vraisemblance a été démontrée
Il appartient ensuite à l’employeur de se défendre. Le Tribunal remarque en premier lieu que de nouvelles raisons de ne pas engager Astrid ont été alléguées pour la premières fois au moment du recours et qu’elles ne paraissent donc pas crédibles. L’un de ces nouveaux points est notamment l’horaire irrégulier qui, selon l’entreprise, ne serait pas optimal pour la vie de famille. Le Tribunal constate que cette affirmation repose sur une conception traditionnelle des rôles féminin et masculin, et qu’elle est par conséquent – elle aussi – sexiste et discriminatoire.
Enfin, l’employeur concluant «qu’il ne fallait pas toujours engager la meilleure personne, mais la bonne personne», confirme cette constatation et témoigne que les atouts professionnels d’Astrid n’ont pas été étudiés ou du moins aucunement été mis dans la balance. Le juge est dès lors arrivé à la conclusion que c’était bel et bien l’intégration d’une femme dans un service jusqu’ici masculin qui semblait poser problème. La discrimination à l’embauche a été reconnue.