Alois a travaillé durant 10 ans dans une entreprise dont il a gravi les échelons jusqu’à être nommé CEO. L’entreprise a toutefois fini par être rachetée. Alois a alors été libéré avec effet immédiat, sans avertissement, de sa fonction de CEO et de son obligation de travailler. L’employeur a toutefois précisé que le contrat de travail demeurait en vigueur et qu’il s’acquitterait du salaire.
Alois a contesté cette décision et a accusé l’employeur d’avoir violé son obligation de protéger sa personnalité. Il a fait valoir que sa réputation et sa santé avaient été affectées par cette décision inattendue. Alois a finalement fixé un délai à son employeur pour se prononcer sur son futur professionnel. Après quelques semaines sans réagir, l’employeur a résilié le contrat de travail avec effet immédiat.
Délai de réflexion trop long
Il s’agit en premier lieu de définir si l’employeur a réagi dans un délai raisonnable, puisqu’il a fallu attendre environ dix mois pour que l’entreprise communique à Alois les faits précis ayant, selon elle, rompu le rapport de confiance. Durant cette période, l’employeur aurait recherché, a posteriori, des faits susceptibles de justifier le licenciement abrupt. Selon le tribunal, cette longue attente démontre que l’employeur ne disposait d’aucun fait précis justifiant un licenciement avec effet immédiat.
Motifs prétextes
Le tribunal estime aussi que les faits finalement invoqués (voyages en avion en 1ère classe, absence de l’employé sur le stand durant la Foire de Bâle, vacances spontanées…) ne justifient pas le licenciement immédiat. En effet, certaines de ces accusations n’ont pas pu être établies ou ne peuvent pas être qualifiées de justes motifs et d’autres relèvent d’une pratique de l’employé, connue et acceptée par l’employeur durant des années. Le licenciement immédiat est donc injustifié.
Quelle indemnité pour une résiliation immédiate injustifiée?
Lorsque l’employeur résilie immédiatement le contrat sans justes motifs, le travailleur a droit à ce qu’il aurait gagné si les rapports de travail avaient pris fin à l’échéance du délai de congé. Il convient dès lors de déterminer quels montants doivent être qualifiés de salaire.
Alois touchait une rémunération fixe, ainsi qu’un bonus confortable; il avait l’usage d’une voiture de fonction et recevait un forfait élevé pour ses frais.
Le bonus ou la gratification ne sont pas automatiquement compris dans l’indemnité. Le tribunal a remarqué qu’il s’agissait dans un premier temps d’établir si le bonus était déterminé ou indéterminé. Si l’employé percevait un «très haut salaire», soit un salaire correspondant à cinq fois le salaire médian suisse et si le bonus était facultatif, celui-ci ne sera pas requalifié en salaire et n’entrera pas dans le calcul de l’indemnité servant à compenser ce qu’il aurait gagné si les rapports de travail avaient pris fin à l’échéance du délai de congé.
Si en outre le congé est abusif
L’indemnité pour congé abusif, soit donné pour des motifs non dignes de protection ou lorsque l’employeur exploite les conséquences de sa propre violation du contrat pour justifier la fin des rapports de travail, est librement fixée par le juge, mais ne peut pas dépasser six mois de salaire.
L’indemnité pour licenciement abusif doit tenir compte de l’ancienneté de l’employé, du rôle déterminant ou non joué par l’employé dans l’entreprise, de son investissement dans le développement de l’entreprise, de la façon dont l’employé a reçu son congé, de l’effet que cette annonce a eu sur le travailleur, notamment sur sa santé, et sur sa situation économique.
Le «très haut revenu» d’Alois ne doit toutefois pas influencer l’indemnité pour licenciement abusif, qui doit avoir un effet punitif pour l’employeur. En effet, l’employeur disposant lui-même d’une «situation économique très forte», le tribunal a estimé que l’indemnité ne pourrait exercer sa fonction punitive que si elle correspondait effectivement à quelques mois de salaire. Il a donc fixé une indemnité pour licenciement abusif correspondant à trois mois de salaire.
Nicole de Cerjat
Société des employés de commerce – Service juridique
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