L’intelligence supérieure… «ça va de soi»!

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Ça va sans dire…

30 Nov 2022 | Carrière et formation

«Pourquoi j’ai été si émue – lors d’un tour en Allemagne – devant la maison natale du philosophe Hegel? Je suis Chinoise… et chez nous, quand on apprend, «c’est comme ça» et ça ne se discute pas; Hegel est – pour moi – le premier à tout analyser avant d’avoir une opinion». Propos émouvants d’une étudiante de littérature, car en Europe, on n’ose plus asséner sans cesse «c’est comme ça!» aux élèves. Mais chez les adultes – surtout dans les milieux «instruits» et «engagés» – le «ça va sans dire» passe comme une lettre… de cachet.

A force d’entendre les gens qui savent tout et le font savoir… qui sortent leur règle de leur trousse dès qu’un point de vue autre résonne dans la salle… car ce que clament les experts au podium, «ça va sans dire» et seul un dément peut en douter… on finit par se poser la question: si leurs évidences vont de soi «sans dire», pourquoi passent-ils/elles tout leur temps à le dire? Et si ça ne va pas sans dire, pourquoi clouent-ils/elles le bec à qui ose douter fût-ce d’un «Hem!»? Petit tour des petits amphis et grands théâtres de la semaine…

Combien d’apprentis, même
à la Chambre basse?

Cité des Métiers à Palexpo… un salon très utile et trop rare… mais où les évidences et fausses évidences se donnent libre cours, surtout à la très officielle séance d’ouverture. Car – on le sait, ça va sans dire – «il n’y a pas de sot métier»… alors pourquoi l’apprentissage tant vanté peine-t-il à se faire reconnaître face au prestige universitaire? D’autant que «les jeunes passés par l’apprentissage seront assez vite les patrons de titulaires de doctorat… tant ces derniers hésitent à se lancer à leur compte». La réponse à cette énigme pourrait bien se trouver dans ce propos d’une bénévole rencontrée au front, je ne sais plus où: «Je fais du bénévolat à côté de mes études pour avoir au moins une fois contact avec le terrain». Ce qui n’est pas requis pour faire une carrière de ministre et pérorer sur la voie duale: c’est sans doute la solution de l’énigme.

Les aventures de Paul K au Congo

Semaine des droits humains à l’Université et alentour: suite à l’intro plus haut, on ne sait que penser de l’expo à Uni-Mail «Ecouter gronder le monde», qui prend le bruit de l’eau comme métaphore la liberté d’expression. En général aux «Semaines de…», c’est le soussigné qui se fait gronder; car il «va sans dire» – surtout aux festivals de film comme celui «des droits humains» ou «du film latino» (très présents à la «Semaine») – qu’on n’est pas là pour parler de la moitié des Chiliens ou Brésiliens qui votent mal, mais de la moitié qui pense juste et dit que les autres sont la cause du mal… ni se demander pourquoi un artiste issu des Black Panthers porte un tricot «White Lives Matter»… ni même pour mettre un bémol aux mérites de Kagamé… malgré un film de l’aguerri Thierry Michel sur le Congo.

Tout ce qui n’est pas interdit est obligatoire

Dans le cadre de cette Semaine sur la «liberté d’expression», discret colloque juridique où on se soucia aussi de «liberté académique»… où le ton fut un peu plus libre, car les juristes sont coutumiers des controverses. Colloque donc un peu hors normes… avec étude de cas du Sud comme la Malaisie… mais à la lumière d’autres «débats» récents de l’Uni «solidaire», on peut se demander si – dans la «société du savoir» moderne sous couvert de «liberté académique» – les mandarins ne sont pas redevenus comme dans la Chine ancienne les agents de l’abus de pouvoir (et de la censure quand la critique n’est pas à sens unique). La cangue moderne n’est plus le bon vieux supplice chinois, c’est désormais bel et bien le «ça va sans dire»… et bien sûr «il va de soi» que tout ce qui touche à la liberté d’expression est la chasse gardée de l’Université, de la Radio-télévision publique et de Reporters sans frontières, qui d’ailleurs habitent l’un chez l’autre… si bien que dans «l’Esprit de Genève», toute bonne «table ronde» doit tourner en rond. «Evidence» qui s’est imposée à Uni-Mail lors de cette Semaine ou d’une autre… et même au «Rethink Journalism Hackathon» proche de Wikipédia… qui se voulait lieu de la presse libre ces jours à Bâle (wepublish.ch).

La République de rêve…
platonique

Autres lieux du «ça va sans dire »… les musées… et en particulier celui d’ethnographie, surtout depuis qu’il fut le théâtre – dans les années Dix quand se posa la question du «soutien étatique aux médias» – des mamours entre le Département des affaires culturelles et la «presse de qualité» adoubée en ce lieu. Et ces jours, c’est là aussi qu’un autre club d’élite a donné dans le «ça va sans dire»: la Société des amis du Musée d’ethnographie tenait son assemblée générale. Des gens au cœur aussi grand que leur savoir… le hic n’est pas là (à vrai dire, ce sont même des amis de très grande valeur)… mais «sérieux» rime un peu avec «incestueux»… comme le prouve ce lapsus (pourtant affiché à l’écran): la nouvelle directrice du Musée est – pour l’association des amis – «notre nouvelle directrice». Et les candidat(e)s au comité ont été élus en bloc par acclamation sans le réglementaire «objections ou abstentions?». Ces candidats sont les meilleurs pour «rassembler les passionné(e)s des culture du monde»… surtout quand ils/elles viennent de la très officieuse «Fédération genevoise de coopération»… «ça va sans dire» (sameg.ch… qui cherche du sang neuf… alors adhérez, beau voyage à la clef).

Cinq bouches mais une voix

Mais le sommet fut atteint au Théâtre de marionnettes, lors du «débat ouvert» à toutes et tous et annoncé comme tel sur les écrans dans les trams… pour «s’engager» après une pièce – sans marionnettes mais qui sait tirer les fils – sur le conflit en Palestine. Au podium, cinq experts: les deux acteurs… assez ouverts (bien que «zadistes» sans partage)… un porte-parole du Parti socialiste… le libraire de L’Olivier (un chic type, mais un peu tenu par les «évidences» du milieu)… le tout présidé par une journaliste du «Courrier». «S’engager», pour un tel podium… on n’a pas besoin de préciser de quel côté… «ça va de soi» sinon sans dire; mais ce qui doit surtout aller sans dire, c’est tout point de vue autre que celui de la «ligne» du parti pris: l’imprudent qui croit qu’un débat doit débattre est coupé net par l’instit du «Courrier»… qui – au moindre propos non patenté venu de la salle – sort sa règle et ses ciseaux de son «nécessaire de solidarité». Les spectateurs ou auditeurs – surtout des «camarades» ou des élèves envoyés par l’Université ouvrière – se joignent à la meute pour coller le bâillon à celui qui ne veut pas chanter en cadence. C’est ainsi que la «culture» telle qu’on l’entend en haut lieu a toujours… le dernier mot.

 

Boris Engelson