
Carrière et formation - CAS PRATIQUE
Arrêt maladie, âge et ancienneté
Brigitte, née en 1953, a été engagée en 1993. Au fil des ans, elle a plusieurs fois changé de fonction au sein de la même entreprise. Il ressort de plusieurs certificats de travail intermédiaires que Brigitte donnait entière satisfaction, au moins jusqu’en 2015, année de nomination d’un nouveau directeur. Celui-ci a modifié quelques directives, changé les horaires de présence et procédé à quelques adaptations organisationnelles.
Brigitte s’est peu à peu sentie mise à l’écart; elle est tombée malade. Mis à part ses certificats médicaux successifs, Brigitte n’a communiqué, durant son année d’arrêt de travail, aucune information à son employeur au sujet de son état de santé ou d’une éventuelle reprise de son activité. Au bout de quelques mois, l’employeur a demandé la restitution des clefs, en précisant que «cette démarche n’était aucunement à associer à une résiliation des rapports de travail».
Peu de semaines après, il résiliait toutefois le contrat pour des raisons «organisationnelles», reprochant à Brigitte l’absence de toute information concrète permettant d’envisager une éventuelle reprise d’activité. Brigitte invoque alors le licenciement abusif, alléguant la violation du devoir d’assistance à son égard, alors qu’elle se trouvait proche de la retraite et qu’elle avait passé de nombreuses années dans l’entreprise.
Liberté de résiliation
Le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties, et en principe même sans motif particulier. Le congé ne peut toutefois pas être abusif. Est en particulier abusif le congé donné par une partie pour une raison inhérente à la personnalité de l’autre, à moins que cette raison n’ait un lien avec le rapport de travail ou ne porte sur un point essentiel un préjudice grave au travail dans l’entreprise. L’employeur a une obligation de protection envers ses employés. Il ne pourra donc pas prononcer un congé pour se «débarrasser» d’une situation qu’il n’a pas pris soin de gérer par des mesures adéquates.
L’âge du travailleur n’est pas un critère absolu
L’âge et l’ancienneté d’un employé ne font pas systématiquement obstacle au licenciement. En effet, bien que les tribunaux encouragent la protection des travailleurs âgés, ils n’excluent pas, dans certains cas, qu’un employeur puisse se séparer de son collaborateur, notamment lorsque le rendement du travailleur diminue à tel point qu’il n’est plus en mesure d’exécuter à satisfaction les tâches qui lui sont confiées, ni d’assumer une autre occupation compatible avec ses ressources.
Et en cas de maladie?
Une fois le délai de protection contre les congés donnés en temps inopportun écoulé, il est admissible pour l’employeur de licencier un travailleur en raison d’une maladie entravant son rendement. En droit suisse, il n’existe pas d’obligation d’entendre l’autre partie ou de procéder formellement à un contrôle de proportionnalité avant de prononcer un licenciement, même si des mesures moins incisives devraient toujours être prises au préalable.
Le critère des conséquences du licenciement
Si le congé a été donné, comme dans notre cas, à une personne proche de la retraite, ancienne dans l’entreprise et en incapacité de travail pour cause de maladie, les conséquences tant économiques que morales n’apparaissent pas en tant que telles comme critère susceptible d’empêcher un licenciement mais ne pourront être examinées que dans le cadre de la fixation d’une éventuelle indemnité pour licenciement abusif. C’est par conséquent dans le contexte de la demande d’indemnité qu’il s’agira de considérer s’il existait une disproportion des intérêts en présence pouvant faire apparaitre le congé comme abusif et donc justifier un dédommagement.
Une absence ingérable
L’employeur fait valoir que Brigitte se trouvait en incapacité de travail prolongée mais que ses prestations de travail ne suscitaient pas de critiques particulières, de sorte qu’un avertissement n’était pas envisageable et qu’il n’existait pas de proposition alternative. Le Tribunal acquiesce sur ce point et soulignant que malgré l’ancienneté de Brigitte et le fait qu’elle a toujours donné entière satisfaction, le licenciement ne saurait être qualifié d’abusif. Il confirme donc qu’une fois le délai de protection passé, l’employeur peut licencier un travailleur en raison d’une maladie, si celui-ci n’est plus apte au travail et que l’entreprise a été obligée de se réorganiser suite à l’absence du collaborateur, en l’espèce durant des mois, et qu’elle n’a reçu aucune indication au sujet d’une potentielle reprise de l’activité.
Le licenciement a donc été jugé valable, malgré l’âge de Brigitte et la péjoration de sa prévoyance professionnelle, le Tribunal estimant que l’employeur n’était pas tenu de maintenir l’emploi d’une collaboratrice qui ne donnait pas d’indication concernant un éventuel retour au travail.