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INFRASTRUCTURES

Vers l’aviation électrique

10 Avr 2024 | Articles de Une

Lorsque François Randin a fondé Green Motion, il y a une quinzaine d’années, il fallait y croire! A l’époque, il n’y avait qu’une dizaine de véhicules électriques en Suisse. Aujourd’hui leader technologique mondial du domaine, détenteur du plus large réseau de bornes du pays, il a vendu les deux entreprises qu’il dirigeait à des géants du stockage d’électricité et des stations-services, Eaton et Shell. Pas une raison pour le quadragénaire de se reposer
ad aeternam.

– Quels sentiments vous animent après avoir quitté ce qui était vos «bébés»?
– Au niveau du marché de la mobilité électrique, le timing des rachats de Green Motion par Eaton en 2021 et d’EvPass par Shell l’année dernière était parfait. Je suis «sorti» au meilleur moment et je ressens aujourd’hui une certaine fierté d’avoir contribué concrètement à la transition énergétique, tout en défendant la mobilité individuelle qui m’est chère. Quinze ans après avoir démarré dans un appartement-bureau de la banlieue lausannoise, voir des machines portant la marque Green Motion installées aux USA, c’est un peu un conte de fées pour entrepreneur. Cela dit, je n’éprouve pas de nostalgie; je ne suis qu’à la moitié de ma carrière et encore à un âge auquel je regarde plus l’avenir que le passé!

– Votre avenir se conjugue-t-il toujours avec la mobilité électrique?
– Pas seulement. Depuis le mois de janvier, j’ai le privilège d’effectuer mon Executive MBA à l’IMD. L’institution ne faillit pas à sa réputation d’excellence: c’est très intense, mais la qualité de la formation est exceptionnelle. Pouvoir retourner aux études et prendre du temps pour moi, c’est ma récompense après ces deux décennies d’entreprenariat. En parallèle, je suis membre du Conseil de Right to Play à Zurich, une ONG qui me tient à cœur, dont le but est l’éducation des enfants dans les pays en voie de développement.
Je collabore également désormais avec Innovaud, qui fournit un énorme travail pour soutenir les start-up et scale-up vaudoises. Nous avons grâce à elles un écosystème technologique phénoménal, qui mérite qu’on y contribue. C’est donc un plaisir, mais aussi un devoir pour moi que de redonner un peu à la communauté et au Canton de Vaud qui m’a formé et a posé le cadre à mon succès entrepreneurial.
Et sinon, mon lien avec la mobilité électrique, c’est Aerovolt, dont je suis administrateur. Cette fois, on ne parle plus de voitures, mais d’avions électriques et d’eVTOL qui représenteront un immense marché d’ici 2030. Un eVTOL, c’est un aéronef électrique à décollage et atterrissage verticaux. Cette technologie est née des avancées majeures de la propulsion électrique et du besoin croissant de nouveaux véhicules pour la mobilité aérienne urbaine. Avec Aerovolt, basée à Londres, nous finançons et déployons toute l’infrastructure nécessaire à l’accueil et à la recharge de ces nouveaux engins. Nous avons démarré l’année passée au Royaume-Uni, en équipant une dizaine d’aéroports, et nous avons actuellement des dizaines de projets en cours.

– Pourquoi une société non européenne?
– Aerovolt a été fondée à Londres en 2022 par les frères Philip et Alan Kingsley-Dobson, deux entrepreneurs britanniques. Un centre mondial de la finance et des affaires est un choix judicieux pour démarrer une entreprise; c’est ce qui a permis notamment à Aerovolt de trouver rapidement son premier investisseur. De plus, l’Angleterre a toujours été la passerelle idéale entre l’Europe et l’Amérique du Nord, avec ses 20 000 aéroports, qui sera notre prochain marché. Bien entendu, notre entreprise aura un jour besoin d’une entité sur le continent et la position centrale de la Suisse est idéale. J’ai déjà fait venir la direction d’Aerovolt à Lausanne il y a quelques mois et nous avons notamment visité l’Aéroport de Payerne, qui serait parfait pour s’y établir.

– Comment voyez-vous l’avenir de cette société?
– C’est bien entendu un projet ambitieux, mais je suis très confiant. D’une part, les signaux du marché sont très positifs, avec en plus des modèles actuellement disponibles, des dizaines de fabricants d’avions électriques et d’eVTOL, start-up ou acteurs traditionnels de l’aérospatiale, qui prévoient leurs premières livraisons ces prochaines années. Je suis bien conscient qu’on ne se déplacera pas au-dessus de Paris en taxi volant électrique pour les Jeux olympiques cet été, mais comme je l’ai fait pour les voitures à la fin des années 2000, il faut poser l’infrastructure avant, les véhicules suivront!
D’autre part, nous sommes déjà bien avancés, avec une technologie qui fonctionne, de premières références, de l’expérience et nous n’avons pas encore de compétition.
Aerovolt a un modèle d’affaires très attrayant pour les investisseurs, grâce notamment à un mix de technologie logicielle et d’infrastructure. L’aspect infrastructure nécessite des capitaux importants, mais dans le contexte global de transition énergétique, les investisseurs sont demandeurs de nouvelles filières. Equiper des dizaines de milliers d’aéroports et installer des vertiports sur le toit des gratte-ciel dans toutes les grandes villes du monde sera donc particulièrement intéressant pour les fonds d’infrastructure, les producteurs et les distributeurs d’énergie.

– Qu’allez-vous y apporter, de manière tangible?
– Je suis le concepteur du système de recharge utilisé par Aerovolt et l’avais présenté à grands frais sous le nom de SkyCharge sur le stand de Green Motion, au CES de Las Vegas en 2020. Comme souvent avec les start-up, j’arrivais un peu tôt, mais finalement, quatre ans plus tard, Aerovolt exécute à grande échelle ma vision d’une aviation décarbonée, au titre de l’un des tout premiers utilisateurs de mon système: j’en suis flatté et ravi.
Les fondateurs et la direction d’Aerovolt n’en sont pas à leur coup d’essai; ce sont des entrepreneurs et des professionnels expérimentés. Cependant, ils proviennent du secteur des services et sont habitués à la croissance organique de leur affaire, contrairement à moi qui ai passé toute ma carrière à effectuer des levées de fonds. Je vais donc surtout aider l’entreprise dans son processus de financement externe, dont les besoins sont très importants: on parle ici de plusieurs dizaines millions ces prochaines années. Aerovolt effectue en ce moment son deuxième tour de financement, c’est aujourd’hui ma mission principale et j’adore ça.

 

Propos recueillis par
Gérard Desion

François Randin.