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MARCHÉ IMMOBILIER - Six cent septante et une communes analysées

Vaut-il mieux acheter ou louer son logement en 2024?

12 Juin 2024 | Articles de Une

Trouver un logement locatif adéquat devient de plus en plus difficile et de plus en plus coûteux pour les ménages romands. Alors que les taux d’intérêt hypothécaires ont sensiblement diminué récemment, la question se pose à nouveau: est-il actuellement intéressant, d’un point de vue purement financier, de devenir propriétaire?

Tableau 1: Coûts annuels moyens (sur l’horizon d’investissement de 16 ans) de l’achat et de la location d’un appartement de 120 m2 dans les chefs-lieux romands.

Afin d’apporter un éclairage actuel à cette question, nous avons comparé les coûts annuels moyens liés à la propriété et à la location d’un appartement «type» de 120 m2 dans toutes les communes suisses. Nous partons de l’hypothèse que cet appartement sera détenu pendant 16 ans par son propriétaire avant d’être revendu, soit de 2024 à 2039.
Cela correspond à la durée médiane d’habitation dans son propre appartement en Suisse. L’acquisition de l’appartement est financée par une hypothèque couvrant 80% de la valeur du bien, et qui sera amortie à hauteur de 1% de la valeur chaque année durant les 15 premières années. Le taux hypothécaire est de 2,5%, soit la moyenne du taux hypothécaire fixe à 10 ans au 1er trimestre 2024. L’analyse tient également compte de l’incidence fiscale de la propriété du logement (valeur locative). Les données des loyers, des prix, et des taux d’imposition sont issues d’une vaste base de données de Wüest Partner au niveau communal.
Notons encore que l’amortissement de la dette hypothécaire n’est pas considéré comme un coût, car elle est en réalité une forme d’épargne dans son bien immobilier. Nous tenons en revanche compte des coûts d’opportunité, c’est-à-dire des revenus non réalisés sur les fonds propres investis dans son logement, et que l’on estime à 4% par an.

Location plus avantageuse dans les chefs-lieux romands

La tableau 1 résume les principaux chiffres pour les chefs-lieux des six cantons romands. La tendance est univoque: dans les six villes, l’acquisition d’un appartement de 120 m2 coûte (en moyenne sur 16 ans) sensiblement plus cher que sa location, avec un écart annuel moyen allant de 3300 francs à Delémont à 21 500 francs à Genève. Malgré le niveau très élevé des loyers genevois, il apparaît donc que la location y demeure sensiblement moins chère que la propriété, tant le niveau des prix du marché y est exorbitant.
Le fait que les frais annuels liés à la propriété soient plus lourds que ceux de la location ne veut pas forcément dire qu’acquérir son logement ne soit pas intéressant. En effet, si le logement prend de la valeur au cours du temps, la propriété peut rester avantageuse, malgré des coûts plus élevés. Dans cette optique, nous avons calculé le gain de valeur minimal nécessaire à rendre la propriété financièrement rentable sur l’horizon d’investissement considéré (16 ans). Il en ressort qu’en ville de Genève, une appréciation de 1% par an de la valeur de l’appartement suffirait à rentabiliser l’acquisition du logement. A Sion et Delémont, il suffirait même d’une appréciation de 0,6% par an.

La propriété est moins chère que la location dans une cinquantaine de communes romandes

Si l’on élargit l’étude à l’ensemble des 671 communes que comptent les six cantons romands, il ressort que seules une cinquantaine de communes affichent actuellement un avantage assuré à l’acquisition en raison de frais annuels inférieurs à ceux de la location. Dans ces communes, une hausse de la valeur du bien n’est donc pas nécessaire pour rendre la propriété avantageuse. Il s’agit toutefois principalement de très petites communes rurales du Valais ou du Jura.
La différence des coûts annuels moyens entre achat et location est en outre particulièrement faible dans certaines communes un peu plus grandes, à l’instar de Vouvry/VS, Sainte-Croix/VD, Oron/VD et Saint-Maurice/VS, où l’écart est compris entre 1000 et 2000 francs par an, avec pour conséquence qu’une hausse de valeur de l’ordre de 0,3% à 0,4% par an seulement suffirait à y rendre la propriété avantageuse.

Figure 1: différence entre le coût annuel moyen de la propriété et celui de la location, par commune.

Avantage plus marqué à la
location à Lausanne

De l’autre côté du spectre, on retrouve une balance qui penche davantage en faveur de la location à Lausanne et dans certaines communes de son agglomération (Pully, Paudex et Prilly par exemple), où la hausse attendue de la valeur du bien devrait dépasser 1% par an pour rentabiliser l’acquisition. Mais le record des cantons romands est détenu par Anniviers et Val-de-Bagnes, en Valais, où les prix devraient augmenter de plus de 1,5% par an en moyenne pour que la propriété devienne avantageuse par rapport à la location. Les prix de la propriété dans ces communes sont naturellement tirés vers le haut par le marché plus que florissant des résidences secondaires, entraînant un sensible avantage à la location.

Investir dans son logement peut malgré tout se révéler opportun

Acquérir son logement n’est donc pas sans risque, car une progression de la valeur est nécessaire à rentabiliser l’achat dans la quasi-totalité des communes romandes. Et il n’est naturellement pas garanti que le logement puisse effectivement bénéficier d’une telle hausse de sa valeur future. Toutefois, les hausses de prix qui permettent de rentabiliser l’acquisition restent modérées, de l’ordre de 1% à 1,5% maximum en Suisse romande. A titre de comparaison, les hausses de prix des appartements en PPE au cours des 20 dernières années ont été comprises entre 3,3% par an dans le canton du Jura et jusqu’à 5,6% dans celui de Genève. Si l’on ne peut pas s’attendre à des hausses d’une telle ampleur dans le futur (celles-ci ayant notamment été entraînées par l’environnement atypique des taux négatifs), des hausses de l’ordre de 1% par an ne paraissent pas irréalistes dans le contexte suisse.
De plus, investir dans la pierre confère aussi une certaine protection contre l’inflation, ce qui n’est pas le cas d’un investissement dans des obligations d’Etat par exemple. Il est aussi beaucoup moins sujet aux fluctuations de valeurs qu’un investissement en Bourse ou dans d’autres types d’actifs.

 

CORINNE DUBOIS,
VINCENT CLAPASSON
©WÜEST PARTNER SA
ET LE JOURNAL DE L’IMMOBILIER