Les milieux économiques genevois et les partis politiques de droite dénoncent l’Initiative 179 «Contre le virus des inégalités… Résistons! ».

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VOTATION CANTONALE GENEVOISE DU 12 MARS 2023 - Prise de position

Unis contre une nouvelle hausse d’impôts

18 Jan 2023 | Articles de Une

Faisant front commun, les milieux économiques genevois et les partis politiques de droite (Le Centre, le PLR, le MCG et l’UDC) ont présenté leurs arguments en vue de la votation populaire cantonale du 12 mars prochain sur l’Initiative 179 «Contre le virus des inégalités… Résistons! Supprimons les privilèges fiscaux des gros actionnaires». Pour le collectif anti-initiative, ce texte – s’il est accepté par le peuple – conduirait à une perte d’attractivité considérable du canton de Genève en matière fiscale.

En guise de préambule, les intervenants ont rappelé que l’imposition réduite des dividendes – telle que Genève, la Suisse et tous les pays de l’OCDE la connaissent – a été voulue pour éviter de pénaliser les entreprises, en particulier les PME, des effets d’une double imposition économique trop élevée. Stéphane Tanner, expert fiscal et membre du Comité directeur de la Fédération des entreprises romandes (FER Genève), explique que «la double imposition économique du bénéfice de l’entreprise vient s’ajouter à l’imposition de la fortune. Par conséquent, la suppression de l’imposition privilégiée des dividendes viendrait augmenter lourdement la charge fiscale des PME genevoises» (voir Gros Plan). L’Initiative 179 (IN 179) doit d’autant plus être combattue que le canton de Genève est le champion toutes catégories confondues dans le domaine du prélèvement fiscal, selon l’Administration fédérale des finances: «C’est le canton qui épuise et qui exploite le plus son potentiel fiscal. Genève fait malheureusement honneur à sa réputation de canton le plus ‘vorace’ de Suisse et ponctionne près de 34% de son potentiel de ressources», rappelle Alexandre de Senarclens, député PLR.

Les initiants se trompent de cible

Si par malheur il acceptait cette Initiative, le peuple genevois prendrait le risque que nombre d’entrepreneurs – qui verraient leur charge fiscale augmenter – soient incités à partir pour d’autres cantons plus cléments. Michael Andersen, fiscaliste et membre de l’UDC, souligne: «Cette Initiative est une ‘Genferei’ de plus. Si dans tous les autres cantons suisses, des dispositifs pour limiter la double imposition économique existent, pourquoi un propriétaire de PME resterait-il à Genève, alors qu’il lui suffirait de franchir la Versoix pour voir ses impôts diminuer? La pyramide fiscale genevoise est déjà très fragile, puisque 4% des contribuables paient près de 50% de l’impôt sur le revenu. Souhaitons-nous vraiment nous tirer une balle dans le pied?».
Par ailleurs, l’imposition immobilière est particulièrement lourde à Genève, notamment en raison d’un impôt sur la fortune très élevé. Une acceptation de cette Initiative creuserait l’écart déjà existant entre les propriétaires immobiliers détenant directement leurs immeubles et ceux qui les détiennent par le biais de parts dans une société immobilière. «Ces derniers seraient encouragés à s’établir hors des frontières cantonales», estime Anne Hiltpold, secrétaire générale adjointe de la Chambre genevoise immobilière.

Inquiétude chez les entrepreneurs

Delphine Bachmann, députée Le Centre Genève, résume en affirmant que «cette Initiative attaque frontalement les PME genevoises et leurs emplois, ce qui porterait préjudice à l’attractivité de Genève et risquerait de diminuer les recettes fiscales du canton». Isabelle Harsch, directrice de l’entreprise Harsch, renchérit: «Ce qui nous caractérise en tant qu’entrepreneurs, c’est de vouloir développer nos sociétés. Pour ce faire, nous avons besoin d’une fiscalité raisonnable et non d’un cumul d’impôts».
Isabelle Harsch est non seulement actionnaire de son entreprise, mais aussi salariée de cette dernière. Elle paie donc, en plus d’un impôt sur la fortune élevé, un impôt sur le revenu. Toutefois, cette fortune, n’est pas disponible en «cash»: ce sont des actifs immobilisés dans l’entreprise. «Pour s’acquitter de cet impôt, bon nombre d’entrepreneurs doivent se verser des dividendes comme complément de revenu, relève-t-elle. Or si cette Initiative passe, à impôt sur la fortune constant, ils devront se verser un plus grand dividende, ce qui suppose de générer des bénéfices plus importants. Au final, le risque est de rendre dissuasif le projet de faire des bénéfices, ce qui pourrait mener à la fin de l’entrepreneuriat». Par conséquent, la patronne d’entreprise familiale préconise un impôt proportionné au revenu généré, à l’effort et au risque engagé, comme c’est le cas ailleurs, et non un assommoir fiscal à la genevoise.

Perspectives fiscales

Selon l’Administration fiscale genevoise, plus de 30 000 taxations sur les dividendes sont imposées à 100%, et dans quelque 1500 autres dossiers – et il s’agit effectivement de participations qualifiées, totalisant plus de 10% -, le taux est réduit. Ainsi, l’immense majorité des personnes qui reçoivent des dividendes sont déjà imposées à 100%. Ces chiffres illustrent que cette Initiative touche bien et quasi-exclusivement les PME. Vincent Subilia, directeur général de la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève, conclut: «Le signal que nous devons donner à nos entrepreneurs doit être: restez ici, investissez ici et créez de l’emploi! C’est la formule gagnante pour financer les prestations à la population».

 

Véronique Stein

GROS PLAN

Objet de l’Initiative

 

Les dividendes reçus par un actionnaire personne physique sont, aux termes de la législation en matière d’impôts directs, un revenu imposable. Toutefois, pour tenir compte de la charge fiscale globale pesant sur les revenus de l’entreprise, en particulier les PME organisées sous forme de société de capitaux (SA, Sàrl), le législateur fédéral, ainsi que l’ensemble des législateurs cantonaux, ont prévu que le dividende provenant d’une participation de 10% et plus («participation qualifiée») devait être imposé de façon réduite.
Depuis le 1er janvier 2020, cette imposition réduite se traduit par un abattement du dividende imposable de 30% pour l’impôt fédéral direct (LIFD) et de 30% pour l’impôt cantonal et communal genevois (LIPP). Dans les situations où les participations appartiennent au patrimoine commercial de l’actionnaire, cet abattement est porté, pour l’impôt cantonal et communal (LIPP), à 40%.
Lancée par la coalition Ensemble à gauche, l’IN 179 se propose de supprimer cette réduction de l’imposition des dividendes et donc d’augmenter la taxation de 30%, voire 40%.