Le projet s’affirme clairement comme une couronne posée sur l’ancien pour offrir une image nouvelle et cohérente.

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ARCHITECTURE - Immeuble genevois de la fin du XIXe siècle

Une surélévation dans le respect du patrimoine

14 Déc 2022 | Articles de Une

Le passant qui se dirige vers le lac n’y verra que du feu. Toutefois, s’il est attentif, il remarquera que l’immeuble locatif – édifié entre 1899 et 1900 par l’architecte Léon Bovy – à la rue de la Scie 5-7 (Eaux-Vives) s’est, depuis peu, coiffé de trois niveaux supplémentaires. La volumétrie adoptée définit, certes, un découpage net entre l’existant et le neuf. Mais la surélévation, en comblant une «dent creuse», s’intègre parfaitement au gabarit des bâtiments voisins. La matérialité des étages supérieurs se marie avec la partie basse édifiée en pierre. Cette opération délicate qui, outre les étages ajoutés comprend une rénovation et une extension, porte la griffe de l’Atelier d’architecture Jacques Bugna.

Le projet s’affirme clairement comme une couronne posée sur l’ancien pour offrir une image nouvelle et cohérente. «Le toit d’origine a été supprimé, ainsi que sa corniche en bois, et remplacé par deux niveaux (5e et 6e étages) formés de colonnades de piliers, explique l’architecte Jacques Bugna. Les éléments, tous identiques, qui séparent les fenêtres, sont disposés selon des orientations différentes, procurant ainsi une certaine dynamique à la façade. L’attique (7e étage) se trouve quant à lui en retrait».
L’attique est revêtu, sur les trois côtés, d’une enveloppe légère en verre structuré, atténuant les phénomènes de brillance depuis la rade. Ces verres «travaillés», agrémentés d’une couche d’émail, donnent un effet de profondeur et génèrent des reflets qui évoluent au fil des heures; ces prototypes uniques ont été conçus par l’atelier Barrois Verriers. «Je souhaitais que ce niveau supérieur se fonde, en quelque sorte, avec le ciel», commente Jacques Bugna.

Des appartements aux typologies variées

Côté cour, le projet comprend la construction d’une adjonction sur un espace résiduel, pour créer une continuité dans le développement des façades. La disparition de la cassure engendrée par ce vide permet une lecture plus calme des volumes. Par ce biais, les appartements situés à l’extrémité de l’immeuble ont pu être agrandis, dotés de deux chambres supplémentaires.
Le 5e étage accueille des quatre et cinq-pièces, en harmonie avec la taille des logements du dessous. Aux niveaux supérieurs se trouvent des duplex; les chambres et les salles de bains se situent au 6e, puis, via un bel escalier hélicoïdal intérieur en acier Corten, on accède aux espaces jour (cuisine, salle à manger et salon) de l’attique. Ces appartements jouissent d’une abondante lumière favorisée par les grandes baies vitrées coulissantes, et s’ouvrent sur de généreuses terrasses.

L’attique est revêtu d’une enveloppe légère en verre structuré.
Bel escalier hélicoïdal en acier Corten qui donne accès aux espaces jour de l’attique.

Pour une qualité architecturale et urbaine

Le projet comporte la pose d’ascenseurs sur mesure entièrement vitrés et «glissés» dans les étroites trémies. Ils distribuent l’ensemble des étages. Les cages d’escalier sont maintenues éclairées naturellement grâce aux verrières en toiture. Toutes les portes palières – en sapin et travaillées à l’ancienne avec des moulures – ont été conservées; elles ont néanmoins été renforcées par des portes coupe-feu intégrées «en sandwich».
Caractérisée par ses éléments néo-classiques, la façade a fait l’objet d’une rénovation complète. Les pierres abîmées ont été changées et les ferronneries moulées remises à neuf. Les stores, vétustes, ont été remplacés et les nouveaux lambrequins ajourés reprennent un motif du
XIXe siècle. Les fenêtres en chêne ont été gardées en y intégrant des verres isolants. Les deux portes d’entrée de l’immeuble en chêne ont également pu être préservées.
Par ailleurs, il s’agissait de remettre aux normes la technique du bâtiment (chauffage, ventilation, sanitaire, etc.). Au sous-sol, les architectes ont apporté des améliorations en aménageant des caves, des locaux à vélos, une buanderie et une chaufferie. Dans les halls de l’immeuble, les peintures murales Art Nouveau, avec leurs thèmes évocateurs de la nature, ont été restaurées. Il en fut de même des corniches d’entrée et des carrelages, qui ont retrouvé leur lustre d’antan.
«Cette réalisation montre à quel point il est nécessaire de ne pas figer et muséifier les tissus urbains. Les usages contemporains sont conciliables avec la préservation de la forme bâtie et de sa substance», conclut Jacques Bugna.

 

Véronique Stein

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