Renat Bekturov, gouverneur du Centre financier international d’Astana au Kazakhstan.

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éCONOMIE - Kazakhstan en vogue

Une quinzaine d’entreprises suisses enregistrées à Astana

2 Avr 2025 | Articles de Une

Cinq ans après la mise en place du Centre financier international d’Astana (AIFC) et de l’Astana international exchange (AIX), nous avons rencontré son gouverneur Renat Bekturov, pour faire le point sur ce premier jalon et discuter de la présence des entreprises helvétiques sur la place financière kazakhe.

– Le Centre financier international d’Astana (AIFC) a été lancé en 2018. Quel bilan dressez-vous de ces cinq premières années d’activité?
– Depuis sa création, l’AIFC a joué un rôle capital dans la transformation du secteur financier du Kazakhstan, à la fois parce qu’il a permis d’initier et de faire participer notre population aux enjeux financiers et nous a offert de contrôler et de dynamiser le processus de privatisation qui se poursuit. Sur le plan international, notre ambition était aussi de positionner le Kazakhstan comme un hub financier incontournable pour l’Asie centrale et au-delà. Et nous avons bien avancé vers cet objectif.
En effet, inspirés par les grands centres financiers mondiaux comme Londres, Shanghai ou encore le Nasdaq, nous avons mis en place dès le départ un cadre attrayant pour les investisseurs. Nous avons adopté un système de droit commun, créé un tribunal indépendant et mis sur pied un centre d’arbitrage, autant de mesures essentielles pour assurer un environnement juridique fiable. L’introduction de l’Astana international exchange (AIX) et du Fintech Lab a également été déterminante dans l’établissement d’une infrastructure de marché robuste.
Notre engagement envers des standards réglementaires élevés nous a valu une reconnaissance internationale, notamment de la part d’organismes tels que l’IOSCO (Association de régulateurs des marchés mondiaux des valeurs mobilières et des contrats à terme) et le GAFI (Groupe d’action financière), pour notre conformité aux normes de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cela a été crucial pour renforcer la confiance des investisseurs. L’indice des Centres financiers mondiaux (GFCI) place l’AIFC à la 62e position mondiale, ce qui vient confirmer notre position de leader de la région de l’Europe de l’Est et de l’Asie centrale pour la quatrième année consécutive.

– Comment les investisseurs ont-ils accueilli les opportunités d’investissement offertes par l’AIX?
– Nous avons eu pas mal de succès auprès des investisseurs locaux et continuons d’en attirer. Pour preuve, en 2018, environ 3000 citoyens kazakhstanais ont participé à l’introduction en Bourse de Kazatomprom sur l’AIX. En 2022, ils étaient plus de 70 000 pour l’IPO de KazMunayGas, une croissance impressionnante! Un de nos objectifs serait d’impliquer davantage le secteur privé pour les introductions en Bourse, un secteur encore nettement sous-exploité. Nous sommes d’ailleurs en train de mettre en place un portefeuille solide de transactions qui se concrétiseront dans les prochaines années.
Nous avons développé un marché de capitaux de premier plan via l’AIX, qui constitue une plate-forme sûre pour les émetteurs locaux et internationaux. L’AIX a joué un rôle clef dans le programme de privatisation des actifs de l’Etat, en soutenant les introductions en Bourse de poids-lourds de notre économie, comme Kazatomprom, KazMunayGas et Air Astana.
Mais ce qui est particulièrement remarquable, c’est l’augmentation significative des transactions cette année. Imaginez, au cours des cinq dernières années, nous avons échangé un peu plus de 2 milliards de dollars au total, mais la majorité, soit 1,6 milliard, en 2024 seulement! Cette accélération s’explique en grande partie par la reconnaissance croissante du potentiel de la région, soutenue par de grandes initiatives telles que le «Belt and Road» et les «corridors», faisant de l’Asie centrale un véritable carrefour mondial dans de nombreux domaines.

– Pouvez-vous nous donner des détails sur le nombre de sociétés cotées sur l’AIX? Y a-t-il des investisseurs suisses actifs et des entreprises suisses ou des coentreprises actuellement cotées?
– A ce jour, l’Astana international exchange (AIX) compte 131 émetteurs provenant de diverses régions, incluant le Kazakhstan, Chypre, le Royaume-Uni, le Luxembourg, les Emirats Arabes Unis, les Etats-Unis, la Grèce, Jersey et Guernesey. Bien qu’aucune entreprise suisse ne soit actuellement cotée sur l’AIX, de nombreux investisseurs suisses sont actifs sur notre marché. En outre, la CBH Compagnie bancaire helvétique, une banque suisse, participe au dépôt central de titres de l’AIX.
Au sein de la juridiction plus large du Centre financier international d’Astana (AIFC), 15 entreprises suisses sont enregistrées, opérant dans des secteurs tels que la finance, l’assurance et la logistique. Parmi elles, citons Merz Leasing (finance et assurance), SKARC Ltd. (finance et assurance), et Conceptum Trans & Logistic Limited Liability Partnership (transport et communications).

– Quels ont été les résultats de l’AIFC en matière d’attraction d’investissements?
– Aujourd’hui, l’AIFC a attiré 13,2 milliards de dollars d’investissements, répartis entre 5,9 milliards en investissements de portefeuille et 7,3 milliards en investissements directs. Encore une preuve de la confiance que les investisseurs internationaux accordent à notre écosystème financier.
Nous avons également joué un rôle prépondérant dans l’émission d’une euro-obligation de 1,5 milliard de dollars par le gouvernement du Kazakhstan. Cette obligation, émise à un spread record sur les bons du Trésor américains pour les marchés émergents, a connu un franc succès, avec des ordres placés sur l’AIX s’élevant à plus de 322 millions de dollars.

– Combien d’entreprises sont-elles actuellement enregistrées à l’AIFC, et dans quels secteurs opèrent-elles?
– Nous comptons actuellement plus de 3200 entreprises inscrites au sein de l’AIFC. Environ un tiers d’entre elles se consacrent aux services financiers, notamment la gestion d’actifs, le courtage, la banque et la fintech. Outre les services financiers, les services professionnels sont également bien représentés, notamment le conseil, les services juridiques et les firmes d’audit, ainsi qu’un nombre croissant d’entreprises dans le secteur des technologies de l’information. Des entités financières de renom telles que la China Construction Bank Corporation et la China Development Bank font partie intégrante de notre écosystème. De grands noms de la fintech comme Binance, Bybit, Upbit et BigOne sont également présents.

– Quel accueil les entreprises étrangères ont-elles réservé à l’AIFC? Pouvez-vous citer quelques exemples?
– L’accueil des entreprises étrangères a été extrêmement positif. Plus de 40% des entreprises enregistrées à l’AIFC sont dotées de capitaux étrangers, avec une présence notable de l’Asie et de l’Europe, suivies par le Moyen-Orient. Nous avons aussi connu des déménagements stratégiques retantissants: TikTok a, par exemple, transféré son bureau régional à l’AIFC, et le bureau régional de KPMG pour l’Asie Centrale et le Caucase a fait de même. Plusieurs sociétés, telles que la Kazakhstan Energy Reinsurance Company et Polymetal International, ont également déplacé leur siège social vers la juridiction de l’AIFC, depuis des pays comme les Bermudes, Jersey et Chypre.

– L’AIFC avait fixé des objectifs ambitieux dans le domaine de la finance verte à son lancement. Quels progrès avez-vous réalisés dans ce domaine?
– La finance verte reste une de nos priorités. Le Centre de finance verte (GFC) de l’AIFC a joué un rôle clef pour positionner Astana en tant que leader de la finance durable dans la région. Environ 80% des obligations et prêts verts au Kazakhstan sont certifiés par le GFC, et nous continuons de développer de nouveaux produits financiers durables, tels que les actions vertes et les introductions en Bourse durables. Nous nous préparons également à l’entrée en vigueur du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne (CBAM), ce qui impactera les entreprises kazakhes exportant vers l’UE. Notre objectif est d’aider ces entreprises à réduire leur empreinte carbone et à rester compétitives sur les marchés internationaux.

– Quels sont les objectifs de l’AIFC pour les cinq prochaines années?
– Nous avons défini des objectifs très ambitieux. D’abord, nous visons à figurer parmi les 50 premiers centres financiers mondiaux d’ici 2025, puis à atteindre le top 30 d’ici 2050. Pour cela, il est impératif que nous continuions à renforcer notre cadre réglementaire et à améliorer l’environnement des affaires, afin d’attirer plus d’entreprises internationales.
Sur le plan des investissements, nous avons déjà surpassé notre objectif initial de 10 milliards de dollars, en atteignant plus de 13 milliards de dollars bien avant l’échéance. Néanmoins, nous ne nous reposons pas sur nos lauriers. Nous travaillons activement à nous intégrer davantage aux marchés mondiaux, ce qui augmentera la liquidité et offrira plus d’opportunités aux investisseurs, tant locaux qu’internationaux. Nos efforts se concentreront également sur l’expansion des secteurs financiers clefs tels que la banque, l’assurance, la finance islamique et la fintech. D’ici 2025, nous ambitionnons d’avoir plus de 600 entreprises offrant des services financiers et professionnels au sein de l’AIFC.

 

Propos recueillis par Rohan Sant

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