François Randin: «Avec l’électricité contenue dans ma Tesla X, je peux alimenter mon appartement durant deux semaines».

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Transition énergétique

Une entreprise vaudoise branche votre frigo sur votre voiture

16 Nov 2022 | Articles de Une

La voiture électrique représente-t-elle un pas en avant vers la transition énergétique ou est-elle au contraire une fausse bonne solution? Les deux avis sont présents dans le débat actuel sur l’avenir énergétique. Un point cependant est acquis: le recours accru à l’électricité exige de pouvoir la stocker. Au Mont-sur-Lausanne, un entrepreneur veut utiliser les voitures électriques comme unités de stockage, pour injecter leur courant dans le réseau lors de pics de demande ou pour alimenter le domicile de leur propriétaire.

Et si votre voiture devenait votre fournisseur d’électricité, court-circuitant (c’est le cas de le dire) nos amis des Services industriels? Et si vous gagniez de l’argent en vendant le courant stocké dans sa batterie? «Avec l’électricité contenue dans ma Tesla X, je peux alimenter mon appartement durant deux semaines», assure François Randin.
Ce Vaudois de 41 ans a fondé l’entreprise Green Motion en 2009. «Six mois plus tôt, le litre d’essence avait franchi le cap des deux francs; on parlait de pic pétrolier, se souvient-t-il. J’ai vendu ma voiture allemande pour acheter une hybride». Depuis, sa société a posé des milliers de bornes de recharge pour véhicules électrique en Europe. Elle est leader du marché suisse.
En 2020, alors qu’il songe à entrer en Bourse, il rencontre les responsables de l’un des spécialistes américains de la gestion d’énergie, Eaton. Celui-ci rachète Green Motion et ajoute les bornes de recharges à sa palette de produits et services. Green Motion a conservé son centre de R&D au Mont-sur.Lausanne, à proximité de celui d’Eaton, dans la vallée de Joux, où sont développés les logiciels pour les batteries.

La voiture, brique dans un
écosystème

Si Green Motion permet à Eaton de se profiler sur un nouveau marché, Eaton ouvre à Green Motion des perspectives qui font briller les yeux de François Randin. Pour lui, le chargeur de véhicule électrique ne se réduit pas à un point de distribution d’énergie. Il est une interface dans un écosystème cohérent. Sa société offre par exemple des packs complets incluant une centrale photovoltaïque, des batteries pour stocker l’énergie sur site et des bornes de recharge pour monétiser cette énergie auprès des conducteurs de voiture électrique.
Comme toutes les voitures, les véhicules électriques passent plus de temps au parking que sur la route. Pourquoi dès lors ne pas utiliser leur énergie lors de pics de demande ou simplement pour alimenter son logement? Ces deux concepts s’appellent V to G, pour vehicle to grid, et V to B, pour vehicle to building.
«Depuis douze ans que je suis dans ce domaine, j’entends parler du V to G; mais c’est toujours au stade d’essai», relève François Randin. Injecter de l’énergie dans le réseau depuis une borne de recharge est possible; il faut cependant se mettre d’accord sur un standard d’échange, d’autant que les batteries stockent du courant continu, alors que nos réseaux sont alimentés en courant alternatif.

Les Japonais en avance

Aujourd’hui, à défaut d’avoir standardisé ce transfert, il est déjà possible d’utiliser sa voiture pour alimenter son domicile (V to B). Seules les voitures japonaises sont aujourd’hui équipées pour cela. Les autres automobiles électriques sont dites «V to B ready», mais nécessitent une mise à jour logicielle pour être effectivement en mesure d’approvisionner un bâtiment.
«Imaginez que vous arriviez le matin au bureau en voiture électrique. Le soleil est encore timide et les panneaux solaires sur le toit de l’immeuble ne produisent que peu de courant. Votre voiture et celles de vos collègues apportent le supplément nécessaire. Et lorsque le photovoltaïque tourne à plein régime, les voitures font le plein. On évite les surcharges du réseau, car l’électricité est produite et consommée localement», explique François Randin. Ce n’est pour l’heure qu’une vision, mais il espère la concrétiser rapidement.
D’autant que, assure-t-il, les bornes de recharge de Green Motion sont les plus efficaces du marché: «Nos concurrents annoncent 93% de rendement, soit 7% de perte sous forme de chaleur; nous certifions 96%». Et à qui craindrait que brancher un parc automobile sur le réseau des immeubles en sus des autres appareils (PC, serveurs, luminaires, pompe à chaleur, etc..) dépasse leur capacité, il propose un logiciel de répartition dynamique de l’énergie.
Cette vision d’avenir ne fait pleinement sens que combinée à la production d’électricité à partir de sources renouvelables. Elle contribue par ailleurs à créer des nœuds autonomes sur le réseau électrique, qui reste aujourd’hui encore très centralisé. C’est ce qui s’appelle faire d’une pierre plusieurs coups.

 

Cesare Accardi