Un cadre unique, idéal pour les sports lacustres.

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LA fête des maires - Damien Roch, Président de la commune de Saint-Gingolph/VS

Un village franco-suisse au charme authentique

28 Juin 2023 | Articles de Une

Situé au bout du Léman, le village valaisan de Saint-Gingolph a une particularité: il se trouve à cheval sur la frontière franco-suisse, porte le même nom de chaque côté de la frontière (à la différence du Moillesulaz suisse devenu Moëllesulaz en France) et possède une seule église et un seul cimetière. La situation géographique du village, coincé entre lac et montagne et desservi par une seule route, représente un réel casse-tête en matière de mobilité, comme l’explique Damien Roch, Président de la commune de Saint-Gingolph.

– Qu’est-ce qui vous a conduit à la tête de Saint-Gingolph ?
– J’ai déjà été investi en politique. J’avais assumé notamment les postes de trésorier des Jeunes Libéraux-Radicaux valaisans (2009-2013), de président de la section PLR de Port-Valais (2008-2015) et de député suppléant au Grand Conseil valaisan (2009-2013). Quand on est venu me chercher en 2020 pour les élections au Conseil communal, j’ai décidé de me lancer pour changer la situation alors difficile au sein de la Municipalité de Saint-Gingolph, en raison de conflits personnels entre les élus. De manière générale, je me suis dit qu’il était préférable de regretter ensuite d’y être allé plutôt que de n’avoir rien fait. C’est ce principe qui m’a conduit à la présidence de la commune. En fait, j’avais une culture politique familiale puisque mon père, Claude Roch, était conseiller d’Etat en Valais.

– Un sujet vous tient-il particulièrement à cœur?
– Au début, mon principal but était de ramener la stabilité et l’entente au sein du Conseil communal, afin de pouvoir traiter les dossiers. Ensuite, j’ai fixé les priorités en fonction des urgences. A titre personnel, étant économiste, j’ai un intérêt particulier pour la finance et le tourisme, mais notre marge de manœuvre en la matière est très limitée.

– Quels sont les défis que Saint-Gingolph doit relever?
– La situation de Saint-Gingolph est particulière en raison de sa situation à la frontière. Il y a deux communes distinctes, l’une suisse et l’autre française, qui doivent collaborer pour la mobilité. Il n’y a qu’une seule route, surchargée aux heures de pointe et pour laquelle nous cherchons un ensemble de solutions à mettre en œuvre. Une seule solution ne suffira pas, mais le cumul de l’effet de différentes mesures parviendra à améliorer quelque peu la situation. Des nouvelles lignes de bateau entre les communes françaises et vaudoises pourraient participer à une amélioration du trafic routier régional. Une autre option consiste à prolonger la ligne de train du Tonkin jusqu’à Evian ou Thonon et à passer la cadence de l’heure à la demi-heure. Cependant des travaux importants seraient nécessaires côté France et le financement du projet doit se faire en collaboration entre les deux pays, ce qui prend du temps. Il y a aussi des discussions visant à numériser les contrôles douaniers commerciaux, car aujourd’hui les contrôles de camions au milieu du village restreignent la circulation.
La route cantonale, qui franchit un passage à niveau avec barrière, un peu avant Saint-Gingolph, devrait dans le futur passer sous les voies, afin de fluidifier le trafic. Ce serait aussi l’occasion de créer une piste cyclable hors route, ce qui contribuerait aussi à alléger la circulation.
Un autre défi important pour la commune réside dans la rénovation du réseau d’eau, vieillissant. Il faut également créer un nouveau réservoir. On parle d’un budget de 3,6 millions pour une commune dont les recettes annuelles s’élèvent à 5,3 millions. Avec 984 habitants, nos moyens financiers sont limités.

– Quelle est l’évolution de la population?
– Elle reste assez stable, mais la mobilité est un problème crucial, tant pour les individus qui hésitent à s’installer dans la commune que pour les entreprises pour lesquelles nous n’avons pas forcément de place sur notre territoire. Pour les familles, les structures sont adaptées en termes d’école, mais nous sommes un peu à la limite pour l’accueil de la petite enfance.
Par ailleurs, la gestion du transport pour les écoliers du primaire est toujours délicate, car le nombre d’enfants fluctue en fonction des familles qui arrivent ou qui partent. Actuellement, nous y arrivons, mais deux rotations avec le bus seraient difficilement possibles. Aux heures de pointe, il faut régulièrement compter 45 minutes pour atteindre le village, contre 6 minutes en temps normal.

– Comment se porte le marché immobilier gingolais?
– Selon le Plan cantonal, nous devons dézoner entre 9 et 11 hectares. Nous avons pour objectif de revoir notre règlement des constructions qui date de 1993 et n’est plus adapté aux problématiques actuelles. Notre souhait serait d’avoir un premier jet d’ici fin 2024, afin d’échanger avec le Canton et la population. Il s’agit d’une étape importante pour pouvoir lever la zone réservée promulguée fin 2020 sur l’ensemble de la zone à bâtir afin de permettre que les réflexions sur l’aménagement de notre territoire soient menées sereinement. Une grande partie du village est aussi classée ISOS (Inventaire fédéral), ce qui ne simplifie pas la situation.
Nous comptons 40% de résidences secondaires, c’est un taux élevé que nous voudrions baisser, mais nous n’avons que peu d’emprise directe sur ce ratio. Comme dans tous les villages, les prix des terrains ont augmenté car la Riviera étant onéreuse, les gens sont venus s’installer du côté valaisan du Chablais. Cette situation commence du reste à poser un problème pour les jeunes de la commune qui voudraient accéder à la propriété.

– Quelle est votre politique environnementale?
– Nous souhaitons mettre en place une approche durable des espaces verts, avec une gestion différenciée. L’école et la salle polyvalente sont équipées d’une pompe à chaleur et la commune est propriétaire
à hauteur de 70% de l’entreprise Saint-Gingolph Energia SA, qui produit de l’électricité avec l’eau de source, qui est ensuite traitée pour permettre sa consommation. Les deux centrales mini-hydrauliques produisent en moyenne 2,3 GWh par année, soit la consommation de 640 ménages. La commune de Saint-Gingolph France a installé récemment un réseau de chaleur basé sur le captage des calories de l’eau du lac. C’est un projet dont nous souhaitons nous inspirer.

– Saint-Gingolph a-t-il conservé sa vie de village?
– Ah oui! Nous avons de nombreuses associations culturelles et sportives très actives. Notre fanfare renommée a fêté ses 125 ans l’année dernière. L’été se tient la Vogue franco-suisse et des marchés d’artisans des deux côtés de la frontière, tandis qu’en octobre arrive la Fête de la châtaigne. La chataigneraie historique de Saint-Gingolph fait du reste l’objet d’un projet de revitalisation.

 

Propoos recueillis
par Virginia Aubert

Damien Roch.

GROS PLAN

Deux Suisses exemplaires

 

Une tragédie – commémorée chaque année – se déroule à Saint-Gingolph France pendant la Deuxième Guerre mondiale, les 22 et 23 juillet 1944. Une opération maladroite des FTP de la Résistance française contre les forces allemandes du village coûte la vie à deux soldats allemands et une habitante, donnant l’alerte aux militaires attablés à l’hôtel de France que le groupe comptait mitrailler.
André Chaperon, avocat-notaire et Président de Saint-Gingolph Suisse, se rend aussitôt sur le territoire français pour tenter de parlementer, sachant que des représailles vont sans doute se produire. Le capitaine Hartmann, chef de la patrouille allemande, lui affirme qu’il a reçu l’ordre de raser tout le village. L’église de Saint-Gingolph étant un bien commun des deux villages homonymes, André Chaperon obtient sa sauvegarde, ainsi que celle des bâtiments se trouvant en dessous de la voie ferrée. Pendant ce temps, prise de panique, la population passe la frontière aussitôt ouverte et est accueillie en Suisse. Des trains sont organisés pour évacuer la population en direction de Vevey.
Arrivés d’Annemasse, des SS entrent alors en scène. Six otages sont fusillés et des maisons incendiées; le colonel-brigadier suisse Julius Schwarz passe à son tour la frontière et menace les officiers allemands d’une intervention de la Brigade de montagne 10 qu’il commande. Les Allemands acceptent de cesser leurs représailles.
L’incendie fait rage et au bout de quelques heures, l’église se trouve menacée malgré la promesse du capitaine Hartmann de la protéger. Il autorise alors les pompiers suisses à se rendre en France pour éteindre l’incendie.

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