Domaine Grand’Cour

Au Domaine Grand’Cour à Peissy (Satigny/GE), on aime prendre son temps: cela se reflète à travers les quinze hectares du vignoble, des terres choyées par leur propriétaire. Le maître des lieux, c’est Jean-Pierre Pellegrin, un passionné d’œnologie, mais aussi de vieilles pierres. En parallèle à l’exploitation de ses vignes, il a restauré avec soin le domaine familial, une bâtisse datant du XVIIe siècle. Plus récemment, il s’est attelé à réhabiliter une cave à proximité de la gare Cornavin: «La Corne à Vin».

Lorsqu’en 1989, il hérite du domaine de son père, Jean-Pierre incarne la neuvième génération de vigneron de la famille Pellegrin. Il est cependant le premier à réorienter la production du domaine en encavant une part prépondérante de sa récolte de raisins. Aujourd’hui, le vigneron-œnologue de Satigny cultive sur ses coteaux vallonnés une vingtaine de cépages (55 000 bouteilles par année). Il vinifie ses raisins en cépages purs ou en assemblages, pour produire des vins précis et subtils. C’est cette précision qui lui a valu d’être surnommé «l’horloger du vin». Son Grand’Cour (cabernet franc, cabernet-sauvignon & merlot) compte parmi les assemblages de type bordelais les plus élégants du pays. Ce vin possède la souplesse typique qui caractérise les meilleurs crus du canton de Genève. Certains vins du domaine – tels que le «P» Grand Pinot noir – ont acquis une réputation qui dépasse nos frontières. Le Domaine produit également des vins de cépages purs, destinés à la garde ou pour un plaisir immédiat, à un prix plus raisonnable, baptisés «Pellegrin». «Cette variété fait écho à la diversité qui, de tout temps, a marqué Genève, un territoire à la croisée des chemins en termes de civilisations, langues, cultures et nourriture», aime à rappeler le vigneron. A noter que Pellegrin fait partie des sept meilleurs vignerons suisses honorés au rang d’icône helvétique par Gault & Millau.

Une forme de travail, une
philosophie de vie

A la vigne, on écoute le rythme et on respecte le cycle de la nature. «Je travaille en bio inspiré de la biodynamie, sans certificat, mais avec conviction», dit le viticulteur qui vinifie bon nombre de ses cuvées en levures indigènes. Le type de récipients utilisés a également toute son importance: les vins sont élevés en amphores, œufs béton, pièces bourguignonnes, selon les cépages et les parcelles. Sur le domaine, la forte concentration de pieds à l’hectare donne lieu à des parfums intenses et des goûts racés.
Pour parer aux principales maladies du raisin (attaques de mildiou et oïdium), les vignes de Grand’Cour sont traitées de manière naturelle, en dispersant un mélange de soufre, cuivre, tisanes et huiles essentielles, régulièrement, de mai à juillet. Par ailleurs, la biodiversité alentour est favorisée: «Nous avons préservé nos bois et talus, et maintenu l’enherbement et les fleurs entre chaque ligne de vigne, ce qui fait d’ailleurs la joie de nos moutons, qui viennent dès la fin des vendanges jusqu’au printemps», indique Jean-Pierre. Qu’en est-il du millésime 2022, avec un été marqué par la canicule? «Il correspond à l’idéal de ce qu’attend un vigneron: la qualité intrinsèque des raisins est absolument splendide et la concentration donnera lieu à des jus prometteurs, sur un magnifique équilibre. La vigne est une plante méditerranéenne qui supporte relativement bien la sécheresse que nous observons actuellement dans nos contrées».

«La Corne à Vin» fait référence au lieu-dit Cornavin où, selon la légende, une auberge accueillait les voyageurs et les retardataires coincés à l’extérieur des fortifications.

Jean-Pierre Pellegrin, un passionné d’œnologie, mais aussi de vieilles pierres.

De la ville haute aux caves
des Pâquis

Jean-Pierre Pellegrin aime partager et mettre en avant la réputation des vins locaux. On se souvient qu’en 2021, lors de la création par la Municipalité genevoise de la vigne sise à côté du Palais Eynard (Bastion de Saint-Léger), il avait mis à disposition 200 pieds de vigne, ainsi que ses compétences professionnelles. Une manière de faire prendre conscience aux citadins du patrimoine et de la richesse de notre région (Genève est, malgré son territoire restreint, le troisième canton viticole de Suisse). Entretenue, récoltée et vinifiée dans les règles de l’art, cette petite vigne urbaine sert de levier pour une sensibilisation auprès du grand public.
Avec son épouse, Patricia Cottier Pellegrin, Jean-Pierre s’est engagé en 2016 dans un projet immobilier peu ordinaire. Situé dans une petite cour intérieure à la rue de Lausanne (Genève), le bâtiment en question abrite le dépôt et les bureaux de la société de Patricia, Cotfer SA. Au moment de la rénovation-surélévation de l’immeuble, des caves voûtées en pierres naturelles ont été réhabilitées. Cet endroit improbable baptisé «La Corne à Vin» -, fait référence au lieu-dit Cornavin où, selon la légende, une auberge accueillait les voyageurs et les retardataires coincés à l’extérieur des fortifications de la Cité de Calvin après le couvre-feu. L’espace se répartit en salles reliées les unes aux autres: la première (60 m2) est idéale pour un apéritif ou une dégustation, alors que la seconde (80 m2, pouvant accueillir jusqu’à 200 personnes) se prête plutôt à des repas, conférences et animations. Enfin, on accède par une porte vitrée à une cave où sont stockés les fûts du Domaine Grand’Cour pour leur élevage. Dernière génération des Pellegrin, Chloé a donné une nouvelle impulsion à La Corne à Vin en ouvrant ponctuellement le lieu au public par le biais de soirées musicales; la formule afterwork «bar à vin» (un jeudi par mois), qui rencontre un vif succès, est maintenue; l’occasion parfaite de déguster des vins du Domaine, accompagnés de planchettes du terroir! «Cet endroit atypique représente pour moi une source d’inspiration infinie. J’aime l’atmosphère qui s’en dégage, l’humidité, les odeurs, la lumière tamisée, ainsi que les murs en vieilles pierres dont certaines – comme celles du puits situé à l’entrée – remontent au Moyen Age», s’enthousiasme Chloé. La jeune femme ne manque pas d’idées pour valoriser le joyau qu’elle a entre les mains. Avec malice, elle nous en révèle quelques unes, comme l’organisation de vide-dressings et de marchés de créateurs, ou encore d’expositions d’œuvres d’art. A suivre sur les réseaux sociaux!

Véronique Stein

Les fleurs entre chaque ligne de vigne font la joie des moutons du domaine,
qui viennent dès la fin des vendanges.