Nikolaos Stampolidis, directeur général depuis 2021 du Musée de l’Acropole.

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culture & nature - Réunification des marbres du Parthénon

Un symbole d’unité de l’Humanité

2 Avr 2025 | Articles de Une

Qu’il s’agisse de l’enlèvement de Perséphone par Hadès, Dieu des enfers, de celui d’Europe par Zeus ou d’Hélène par Pâris, le thème du ravissement est récurrent dans la mythologie grecque. C’est cependant d’un autre enlèvement que le professeur Nikolaos Stampolidis, directeur général depuis 2021 du Musée de l’Acropole, a parlé jeudi 20 mars à l’Auditoire Jeantet, à l’invitation du Comité suisse pour la Réunification des Marbres du Parthénon. Sa conférence s’intitulait «Les marbres du Parthénon ou le rapt de la beauté».

Les faits d’abord. Entre 1801 et 1802, Lord Elgin, ambassadeur de Grande-Bretagne à Constantinople, fait démonter et scier une grande partie des frises du Parthénon pour les emmener en Grande-Bretagne, où elles doivent enrichir sa collection privée. Les frais et la durée du transport – qui implique notamment le repêchage de bas-reliefs emprisonnés dans un vaisseau qui avait coulé – coûtent cependant à Lord Elgin une fortune, en l’occurrence celle de sa femme. Il se résout à vendre les frises au British Museum, où elles sont encore.
Il y a eu témoins oculaires du démontage des frises de ce temple bâti au Ve siècle avant Jésus-Christ par Périclès, souligne le professeur Stampolidis. Malgré les sensibilités différentes de l’époque, l’enlèvement des marbres a choqué des contemporains tel l’archéologue anglais Edward Dodwell, des membres de la communauté turque d’Athènes, laquelle était alors une ville de l’empire ottoman, ou Byron.

Un narratif inventé

La question de la légalité de l’exportation des marbres se pose depuis l’origine. Les documents qui nous sont parvenus indiquent que le Lord Elgin n’en avait pas obtenu l’autorisation, mais il a su utiliser ses contacts et la situation locale pour aller au-delà de ce que le sultan, à qui toutes les antiquités grecques appartenaient personnellement, lui avait accordé. Cette lecture a été confirmée en 2024 par le représentant turc à l’Unesco, l’agence des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, indique le professeur Stampolidis.
Comme pour tout acte équivoque, les auteurs de l’enlèvement des marbres du Parthénon ont développé un narratif positif. Il s’agirait de préserver les fresques. Or, relève le professeur Stampolidis, Lord Elgin n’a pas pris les pièces tombées au sol au fil des siècles ou à l’occasion de bombardements ottomans: il a fait démonter et scier des portions de frise encore accrochées au Parthénon. Le Musée de l’Acropole expose la partie de ces marbres restée à Athènes et ils sont intacts. Comment alors parler de protection?

L’ombre de la beauté

Le professeur Stampolidis réclame la
«réunification» des marbres, un terme qu’il préfère à restitution. Quel sens cela a-t-il que les fragments du British Museum soient complétés de moulages des parties restées à Athènes et inversement? «Un moulage n’est que l’ombre de la pièce originale», affirme-t-il, et la différence entre voir ces marbres dans un musée et sur place est la différence qui existe entre regarder, d’une part, et vivre une expérience, d’autre part.
Depuis 2022, l’Italie, le Vatican et l’Université de Heidelberg ont déposé au Musée de l’Acropole les fragments de la frise du Parthénon qu’ils possédaient. Le mouvement de réunification est entamé. En 1993 déjà, le Metropolitan Museum de New York renvoyait en Grèce une portion du bas-relief présente dans ses collections, sans qu’il y ait besoin de menaces ni d’avocats, insiste le professeur Stampolidis.
Reste que la réunification de marbres du Parthénon se heurte à l’attitude du British Museum, qui a les cartes en main après que le gouvernement de Boris Johnson se fut défaussé de la question sur le musée en 2021. Pourtant, des sondages montrent que 68% des Britanniques sont favorables au retour en Grèce de cette œuvre.

Une image de la démocratie

Quelle est la forme que pourrait prendre ce retour? Il ne peut s’agir de «prêts» même à longue durée, s’insurge le professeur Stampolidis, car comment peut-on «prêter» à quelqu’un ce qui lui appartient? La Grèce propose des voies qui permettraient à chacun de trouver un avantage, en mettant par exemple des pièces à disposition des Britanniques pour une durée déterminée, dans le cadre d’arrangements qui permettraient une rotation régulière des œuvres venant de Grèce.
L’enjeu, souligne le professeur Stampolidis, dépasse la question du retour de ces marbres. Dans l’histoire de l’art grec, la frise du Parthénon est la première œuvre qui ne mette pas en scène uniquement des Dieux, mais aussi des femmes et des hommes. Il s’agit au fond d’une représentation de la démocratie, du peuple en marche, d’une image fondatrice de notre civilisation occidentale et universelle. Prétendre que ces marbres n’étaient qu’une décoration de l’Acropole, c’est passer à côté de leur valeur civilisationnelle et de leur signification pour leurs créateurs.

Nouvelle présidence

La réunification du Parthénon serait un signe d’unité envoyé à l’humanité. «Le Parthénon dans son état actuel est symbole de la fragmentation de notre humanité. Faisons-en un symbole de notre unité!», conclut l’orateur.
Cette conférence était le premier événement public de la nouvelle présidente du Comité suisse pour la Réunification des Marbres du Parthénon, le professeur Cléopâtre Montandon, élue en février. Elle succède au professeur Dujan Sidjanski, fondateur du Comité.

 

Cesare Accardi

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