Alors que les efforts visant à atteindre le «zéro émission nette» s’intensifient en Europe, la pression sur les acteurs du marché de l’immobilier commercial est de plus en plus forte.

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ANALYSE DU GROUPE CBRE - Objectif «zéro net»

Un nouvel élan pour des partenariats bailleurs-locataires

5 Juil 2023 | Articles de Une

Les utilisateurs de surfaces administratives, les bailleurs et les investisseurs n’ont pas toujours les mêmes objectifs et priorités ESG (environnement, social et gouvernance). Le recours aux «green leases» ou baux verts, est une solution intéressante: ces contrats de location commerciale permettent aux propriétaires et aux utilisateurs de travailler ensemble pour optimiser les biens, tout en contribuant aux stratégies de durabilité des deux parties.

Alors que les efforts visant à atteindre le «zéro émission nette» s’intensifient en Europe, la pression sur les acteurs du marché de l’immobilier commercial est de plus en plus forte. Les propriétaires et les locataires doivent développer et mettre en œuvre, rapidement et à grande échelle, des plans de décarbonation de leurs portefeuilles.

Une collaboration indispensable

Nombre de sociétés – notamment les grands groupes internationaux implantés en Suisse et cotés en Bourse, ainsi que les propriétaires institutionnels – demandent que les biens immobiliers loués répondent à des critères de durabilité, en raison de leurs objectifs ESG internes. Par ailleurs, ils se doivent de répondre à des critères de conformité internationaux en matière d’économie d’énergie et d’émissions de CO2. C’est pourquoi les bailleurs sont fortement sollicités pour mettre à disposition des surfaces commerciales qui répondent à ces exigences.
L’enquête européenne de CBRE*, leader mondial du conseil en immobilier d’entreprise, montre que les utilisateurs (locataires), les bailleurs et les investisseurs ne sont pas toujours d’accord sur leurs priorités, leurs objectifs ESG et leurs horizons temporels. Les résultats suggèrent que les utilisateurs se concentrent sur un éventail plus varié d’initiatives ESG et prennent en compte les questions de durabilité de manière plus approfondie que les bailleurs. De ce fait, les propriétaires et les investisseurs sont tenus de minimiser à un stade précoce le risque que leurs biens immobiliers deviennent obsolètes et peu attrayants pour les utilisateurs. Les clauses vertes des baux peuvent contribuer à faciliter cette collaboration et inclure des pratiques opérationnelles qui favorisent l’efficacité et la décarbonation des bâtiments.

 

Véronique Stein

Nicole Weber.

Interview de Nicole Weber, Head Advisory & Transaction Services chez CBRE

– Concrètement, que contiennent les baux verts?
– Comme l’établissement des baux verts n’est aujourd’hui pas contraint par la loi, divers aspects peuvent en faire partie. Les clauses sont indiquées directement dans les contrats de bail ou font l’objet d’accords annexes. Elles concernent notamment les domaines de l’énergie, de la gestion de l’eau, de la mobilité, du traitement des déchets et de la biodiversité. Les produits et les matériaux (issus d’entreprises locales, durables et recyclables, non toxiques, etc.) utilisés pour la construction et l’aménagement des bureaux peuvent également être pris en compte. Cependant, comme les baux verts restent optionnels, tous les aspects ne sont généralement pas couverts et l’efficacité énergétique est, bien souvent, la seule incluse. Ce qui n’est pas négligeable et représente une étape importante à court terme, car cela permet une réduction concrète et immédiate des émissions! Par ailleurs, des incitations – par exemple pour limiter la consommation d’énergie – sont couramment proposées et les efforts récompensés.

– En incluant des clauses relatives à la durabilité dans les baux, l’attractivité de l’immobilier sur le marché est augmentée, l’efficacité énergétique améliorée et les coûts annexes réduits. Alors pourquoi ne pas recourir systématiquement à cette solution gagnant-gagnant?
– Pour les bâtiments neufs, il est aisé d’introduire des baux verts. C’est plus compliqué dans le cas d’immeubles existants: nous constatons des exigences accrues en termes de certifications, de transparence des données et d’efficacité énergétique, de la part des locataires. Parmi eux, on compte de nombreuses sociétés à portée internationale et des propriétaires institutionnels qui sont tenus de répondre aux exigences ESG de leur groupe. Les propriétaires privés sont moins concernés et ont tendance à repousser les mesures nécessaires, voire à les éviter… ce qui risque de dévaluer à terme leurs biens immobiliers.

– La pratique des baux verts est répandue dans d’autres pays. Qu’en est-il en Suisse?
– Les baux verts ne sont pour l’instant pas obligatoires, mais vont probablement devenir la norme, notamment dans les pays anglo-saxons et dans l’UE où la réflexion est déjà bien avancée; un cadre légal pourrait s’instaurer d’ici 2030. La Suisse devra suivre le mouvement, au moins de manière minimaliste (domaine de l’énergie en particulier). Comme je l’ai dit, les sociétés faisant partie d’un groupe et présentes dans notre pays ont déjà des obligations ESG en raison de leur lien avec les maisons mères.
En résumé, nous observons chez CBRE que les baux verts répondent à une demande croissante. Ils représentent un engagement partagé, voire une vision commune, entre propriétaires et occupants. L’établissement des clauses implique une négociation, voire un échange de données (mesure des consommations énergétiques par exemple). Cette communication renforcée entre les différents acteurs de l’immobilier pour atteindre l’objectif Zéro Net ne manquera pas de créer des dynamiques intéressantes!

 

Propos recueillis par Véronique Stein

«Zéro émission nette»:
qu’entend-on par là?

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a démontré que les émissions nettes devaient être réduites à zéro afin de stabiliser les températures mondiales. En effet, tous les scénarios étudiés sans réduction des émissions à zéro ne permettaient pas d’arrêter le réchauffement climatique. Cet objectif a été ratifié par la Suisse, l’UE et de nombreux autres Etats dans le cadre de l’Accord de Paris.
Le «zéro net» est une stratégie visant à réduire les émissions de carbone grâce à l’efficacité, l’électrification et l’utilisation des énergies renouvelables. Une entreprise atteint le zéro net lorsque la quantité de gaz à effet de serre qu’elle produit n’est pas supérieure à la quantité qu’elle élimine. Pour atteindre le zéro net, une entreprise doit décarboner l’ensemble de sa chaîne de valeur.

*Pour consulter le rapport complet «CBRE Viewpoint» (en anglais):
https://sprcdn-assets.sprinklr.com

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