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carrière & formation - CAS PRATIQUE

Un mobbing décomplexé

28 Mai 2025 | Articles de Une

Pendant plusieurs années, les relations de travail entre Gabriel et son employeur étaient harmonieuses. Ses prestations étaient appréciées et jugées de très bonnes. Jusqu’au jour où il a été affecté à un autre département, dans lequel il était amené à collaborer avec François. Celui-ci a immédiatement commencé à tenir des propos à caractère discriminatoire, racistes et menaçants envers Gabriel, qui a été profondément affecté par cette attitude.

En cas de harcèlement, chaque acte pris individuellement peut éventuellement être considéré comme supportable, alors que l’ensemble des agissements constitue une déstabilisation de la personnalité.

Gabriel s’est plaint du comportement de François auprès de ses supérieurs et du service des ressources humaines. Il lui a simplement été conseillé de s’arranger avec François. Au bout de trois ans, un entretien a été organisé entre les personnes impliquées dans le conflit et il a été reconnu que Gabriel, n’en pouvant plus, souhaitait travailler dans un autre service, mais la discrimination s’est poursuivie sans que la hiérarchie ne réagisse. Gabriel s’est ensuite retrouvé à plusieurs reprises en incapacité de travail, ce qui a provoqué un avertissement, l’employeur lui faisant part de «sa grande insatisfaction quant à son rendement». Gabriel se plaint dès lors de mobbing, reproche à l’employeuse de ne pas avoir pris les mesures nécessaires et demande une indemnité pour tort moral de CHF 20 000. Suite à cela, le contrat a été résilié.
La loi oblige tout employeur de protéger et respecter, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur. Cette obligation exclut dès lors tout harcèlement psychologique ou mobbing, autrement dit, tout enchaînement de propos et/ou d’agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler, à marginaliser, voire à exclure une personne sur son lieu de travail.
En cas de harcèlement, chaque acte pris individuellement peut éventuellement être considéré comme supportable, alors que l’ensemble des agissements constitue une déstabilisation de la personnalité, poussée jusqu’à l’élimination professionnelle. L’existence d’un simple conflit, d’une mauvaise ambiance ou d’agissements maladroits d’un supérieur hiérarchique ne sauraient à eux seuls être considérés comme du mobbing.

Preuve difficile

Le harcèlement est généralement difficile à prouver, raison pour laquelle Gabriel a demandé à ses collègues de bien vouloir témoigner. Ainsi, François a été décrit comme un fourbe qui n’inspirait pas confiance, qui créait un contexte hostile, un manque de considération et des tensions. Il a été entendu exprimer des remarques concernant la couleur de peau ou d’autres réflexions racistes. Le Tribunal estime que ces témoignages confirmaient les récits de Gabriel et qu’ils étaient suffisants, dans la mesure où une preuve stricte restait impossible à apporter.
Les parties sont en principe libres de résilier le contrat sans motif particulier. Toutefois, le droit de mettre unilatéralement fin au contrat est limité, notamment lorsqu’une partie résilie pour une raison inhérente à la personnalité de l’autre partie, sauf si cette raison a un lien avec le rapport de travail ou qu’il porte, sur un point essentiel, un préjudice grave au travail dans l’entreprise.
Une maladie n’est pas considérée comme une cause abusive (après le délai de protection), car elle porte atteinte à la capacité de travail et peut mettre en péril le fonctionnement de l’entreprise, sauf si elle trouve sa cause dans la violation de ses obligations par l’employeur. Ainsi, pour qu’un congé soit abusif, il doit exister un lien de causalité entre le mobbing et le licenciement. En d’autres termes, il faut que le mobbing ait joué un rôle déterminant dans la décision de résilier, donc que sans lui, le contrat eût été maintenu.

L’employeur a violé ses
obligations

Dans notre situation, le Tribunal a considéré que le congé avait été motivé par les absences persistantes de Gabriel, mais que celles-ci étaient liées à une dépression engendrée par le harcèlement sur le lieu de travail et par la passivité de l’entreprise qui n’avait pris aucune mesure pour ramener une atmosphère saine et dénuée de toute forme de discrimination. L’employeur a donc violé son devoir de protection: elle a choisi la facilité en remerciant Gabriel plutôt que de le protéger et le congé est dès lors abusif. L’employeur a été condamné à verser une indemnité à Gabriel.

 

Nicole de Cerjat

Société des employés de commerce
Service juridique
Rue de l’Hôpital 11 – 2000 Neuchâtel
032 721 21 56

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