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éVéNEMENT - AG de la Chambre immobilière genevoise

Un échange d’idées constructif

12 Juin 2024 | Articles de Une

La cent quatrième assemblée générale de la Chambre genevoise immobilière, événement printanier incontournable pour les propriétaires, les professionnels et les autorités, s’est tenue voilà quelques jours à la Maison de la Paix, en présence – entre autres – du président du Conseil d’Etat Antonio Hodgers, de sa collègue Anne Hiltpold et de la Maire de Genève Marie Barbey-Chappuis, ainsi que du conseiller national Cyril Aellen, qui présida jadis cette dynamique association.

Permanences juridique, fiscale et énergétique, magazine «Immoscope» de belle tenue et récemment modernisé, secrétaire général efficace: le président Stéphane Penet avait tout lieu de se féliciter d’un exercice 2023 particulièrement fructueux. La presque totalité des candidats au Grand Conseil genevois soutenus par la CGI ont été élus; il en a été de même à l’échelon fédéral. En outre, la Loi cantonale sur l’estimation fiscale des immeubles (LEFI) a été acceptée par le peuple, rétablissant l’équité entre anciens et nouveaux propriétaires, avec à la clef une baisse de l’impôt immobilier complémentaire et de l’impôt sur la fortune. Le texte était dû au député PLR Cyril Aellen.
Suite à un débat plutôt animé au Grand Conseil, la CGI a également pu défendre les intérêts des propriétaires immobiliers dans le cadre de l’Accord sur la transition énergétique, l’Etat admettant de donner un coup de pouce plus sérieux pour aider les privés à respecter les exigences qu’il avait fixées. Plusieurs autres combats ont été menés par l’équipe de la Chambre, sur le terrain fiscal (hausse du forfait de déduction des frais d’entretien), administratif (affinement du questionnaire sur la valeur locative), sans parler de sa vigilance contre les abus du droit de préemption tentant certaines communes ou les velléités de certains qui voudraient imposer des règles sur les rives du lac de type hexagonal (droit de passage sur les terrains privés).
On note l’accession au Comité de la CGI – aréopage prestigieux s’il en est – du banquier Alexandre Prêtre, du régisseur Ayrton Schmidhauser et de deux talentueux députés: Sébastien Desfayes (LC) et Geoffray Sirolli (PLR).

Hodgers conciliant et
transfrontalier

Le président du Conseil d’Etat Antonio Hodgers n’a pas cassé l’ambiance en qualifiant d’emblée la CGI de «partenaire clef du logement», saluant l’accord historique sur l’énergie et le rôle décisif des dirigeants de la Chambre, «fermes mais loyaux, ouverts au dialogue». Les quelque 550 millions de subventions à la transition seront donc attribués de bon cœur! Le magistrat Vert, qui s’exprimait devant sa collègue Anne Hiltpold, a souligné que d’ici 2050, on prévoyait que 130  000 nouveaux habitants viennent s’installer sur le territoire genevois, lequel pour sa part resterait limité à 282 km2. Pas moins de 7500 nouveaux logements sont en voie de construction, mais il est indispensable de penser l’aménagement du territoire à l’échelon transcantonal et transfrontalier, ni les Vaudois, ni les Français n’ayant pour ambition de servir de dortoir aux Genevois.
Si, en 2012, il était prévu de déclasser 11% de la zone villas, seul 1% l’a été. «Je ne suis pas un décroissant, mais pas non plus un hyper-croissant», a expliqué Antonio Hodgers. Mais si nous voulons garder la zone agricole et loger la population, il faudra parvenir à articuler développement économique et développement territorial, en partenariat avec nos voisins, a-t-il conclu en substance.

Les enjeux du territoire

Transition sinon énergétique, du moins rhétorique, fort réussie. En effet, le thème traité par l’orateur invité ce soir-là, l’architecte et urbaniste Igor Andersen, du bureau Urbaplan, touchait précisément les enjeux et les opportunités du développement territorial. Emaillant son exposé de nombreux graphiques et d’exemples souvent lausannois, le conférencier commença par de bonnes nouvelles: le monde est certes touché par le réchauffement climatique, mais sur le plan sanitaire et social, il n’a jamais été aussi avancé. La pauvreté existe toujours, mais elle a fortement diminué malgré l’accroissement de la population. La démocratie ne se porte pas bien partout, mais globalement mieux qu’il y a quelques décennies. Pourtant… cette évolution positive s’est appuyée sur des énergies fossiles.
Selon Igor Andersen, au lieu de prévoir la fin du monde, il faut reconnaître l’urgence de trouver et de mettre en pratique des solutions.
Le socle social doit être préservé, mais il importe de saisir les opportunités et d’agir sans trembler, le plus vite étant le mieux. La Suisse se réchauffant plus vite que le reste de la planète, explique-t-il, et surtout dans les villes qui croissent sans cesse, il faut des mesures drastiques: la mobilité, l’immobilier et l’alimentation (moins de viande!) doivent être repensés de fond en comble. Imposer la renonciation à la voiture peut se faire: New York, voire Lausanne, montrent que cela peut même se faire vite. Promouvoir la végétalisation, la piétonnisation, le vélo, la ville de proximité, transformer les parkings en friches à fort potentiel de reconversion, encourager la biodiversité urbaine, multiplier les espaces de pleine terre en ville, accroître la densité, mettre à profit les innovations comme les voitures autonomes partagées: autant d’initiatives à prendre, selon l’orateur.

Langage commun

Si les quelque 7000 membres de la CGI savent bien que la qualité de vie dans des quartiers denses peut être parfaite (on cite souvent le Vieux-Carouge comme exemple), il n’est pas sûr que la «poigne» réclamée par Igor Andersen convienne à tous. Si l’on suit ce dernier, des carrefours rétrécis, des rues barrées et des quartiers entièrement repensés vont libérer de nombreuses énergies positives. Les plans d’urbanisme devraient, affirme-t-il, se centrer sur des considérations climatiques, avant tout; l’intendance suivra. «Pas besoin de longs concours, créons un langage commun entre architectes, urbanistes, promoteurs, écologistes, autorités», dit-il. Cette vision commune et volontaire, assortie d’expérimentations, de participation citoyenne, permettra de mieux «s’offrir en relation à la rue». Les quartiers actuels, souligne-t-il, ne sont pas parfaits. Il faut oser imaginer autre chose.
Du discours d’Antonio Hodgers et des propositions d’Igor Andersen, on retiendra que la transition énergétique et l’absorption d’une croissance démographique externe importante ne pourront se réaliser sans avoir le courage d’ouvrir le débat, l’immobilisme n’étant évidemment pas tenable. C’est le mérite de la Chambre genevoise immobilière de permettre des échanges d’idées ouverts, les seuls qui soient féconds.

 

Vincent Naville

Antonio Hodgers, président du Conseil d’Etat.
Igor Andersen, du bureau Urbaplan.
Stéphane Peney, président de la CGI.