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Professionnels de l’immobilier

Trouver le bon équilibre entre humain et électronique

12 Jan 2022 | Articles de Une

Au cours des deux dernières décennies, le secteur immobilier suisse a connu un certain nombre d’évolutions dans l’univers numérique. Certaines étaient fantasques et ont coûté cher; d’autres ont au contraire facilité la vie des professionnels et de leurs clients, que ces derniers soient propriétaires, investisseurs ou locataires.

On a tout connu depuis le milieu des années 90: les visites virtuelles de première génération, qui se vendaient une fortune et dépassaient les capacités informatiques de clients; l’Internet par la prise téléphonique; les gourous du Net autoproclamés qui vendaient aux régies de logiciels de courtage ou de rénovation virtuelle pas encore au point; les portails gratuits vite devenus payants, puis ruineux… Surtout, le mythe du tout-Internet a montré ses limites: l’immobilier suisse exige une approche empreinte de professionnalisme, d’expérience et de relations humaines.
Les métiers de l’immobilier sont cependant devenus beaucoup plus profilés. Le contexte législatif et réglementaire, mais aussi la maîtrise des outils informatiques vraiment efficaces désormais disponibles, deviennent indispensables à l’agent immobilier, au régisseur, au conseiller en investissement et au gérant d’immeubles. Les hommes ou femmes qui embrassent cette carrière doivent aussi bénéficier de qualités humaines, d’entregent, d’une présentation impeccable et enfin de beaucoup d’énergie et de patience.

La Suisse bien dotée

La palette d’outils marketing des vrais professionnels comprend certes les sites et portails, les logiciels de gestion et de courtage, mais aussi les publications dans des médias imprimés de qualité et dans des supports «maison» ou de groupe, les vidéos et «posts» sur les réseaux sociaux, l’événementiel. La Suisse et son marché morcelé, varié et aux prix soutenus, est assez bien dotée, malgré les voix critiques qui déplorent à intervalles réguliers un manque de transparence. Le financement, le conseil, les études de marché et les outils numériques adaptés sont là, les acteurs du marché capables de les utiliser aussi.
Le marché immobilier possède un poids considérable en Suisse: il affiche aujourd’hui une valeur de CHF 114 milliards (17% du PIB national) et compte près de 566 000 emplois à temps plein. Le secteur est investi depuis quelques années par des entreprises d’un nouveau type. Estampillées «proptech» (pour «property technology»), ces dernières développent des outils numériques tels que des visites virtuelles efficaces de biens immobiliers ou la gestion dématérialisée de logements. Pas moins de 350 entreprises «proptech» se sont développées en 2020 dans notre pays, contre 60 en 2016. Dès qu’il seront disponibles, les chiffres 2021 confirmeront sans nul doute cette tendance.

Des indicateurs

Parmi les «proptech» prometteuses, citons par exemple la start-up zurichoise Archilyse, dont la solution relie les plans d’un bâtiment avec un modèle 3D de son environnement et des données sur l’ensoleillement, la vue ou la pollution sonore. L’analyse de ces différents facteurs calcule ensuite la qualité architecturale de l’objet et permet ainsi de déterminer un niveau de prix au plus juste.
L’entreprise PriceHubble, dont le siège est aussi à Zurich, développe également des algorithmes qui visent à automatiser l’évaluation de biens immobiliers. Elle revendique avoir analysé via son outil des objets d’une valeur totale de CHF 26 milliards en septembre dernier, et vient par ailleurs de boucler un nouveau tour de financement d’un montant de CHF 34 millions.
Malgré un recul de 25% du volume global investi en capital-risque dans ces start-up en 2020, près de 80% des entreprises interrogées ont pu poursuivre l’engagement de nouveaux collaborateurs au cours de l’année (+71% en moyenne), détaille le «Swiss PropTech Report 2021» réalisé par le Crédit Suisse. L’étude indique par ailleurs que les proptech ont vu leur chiffre d’affaires progresser en moyenne de 68% au cours de 2020.
La plupart des acteurs du marché romand considèrent les données fournies comme des indicateurs, qui doivent sans cesse être corrigés à la lumière des connaissances concrètes des professionnels, acquises sur le terrain. «Les prix indiqués par les systèmes algorithmiques présentent jusqu’à 10% ou plus de distorsion», commente le responsable des ventes d’un groupe immobilier genevois.

Les trois clefs du succès

L’enquête du Crédit Suisse souligne que trois éléments comptent parmi les principaux facteurs de réussite des proptech: les avantages pour le client final, la qualité de l’équipe dirigeante et la capacité d’extension du modèle d’affaires. «Le fait que l’avantage client soit le premier élément mis en avant montre que les acteurs de la branche gardent les pieds sur terre et ne promettent pas l’impossible, dit Lars Sommerer, directeur du réseau SwissPropTech. L’importance d’une équipe fondatrice solide s’explique par le fait ces entreprises agissent le plus souvent avec des ressources limitées et sont parfois amenées à réinventer leur modèle d’affaires d’un jour à l’autre. Enfin, le potentiel d’évolution du concept, notamment au niveau international, est souvent déterminant pour attirer de nouveaux investisseurs».
Parmi les exemples qui s’étendent à l’étranger, l’expert cite notamment l’entreprise bâloise Allthings, qui développe une application destinée aux locataires, ou la start-up saint-galloise Emonitor et son outil de gestion intégrée, toutes deux désormais actives en Allemagne.
Investir de nouveaux marchés à l’étranger fait aussi partie des objectifs de Locatee. Cette entreprise de 65 employées, dont le siège se trouve (encore) à Zurich, a mis au point un outil d’analyse de données sur l’occupation des espaces de travail. Destiné initialement à aider les grandes entreprises à optimiser leurs coûts, la solution suscite désormais un nouvel intérêt en raison de la montée en puissance du travail hybride. Locatee compte aujourd’hui des clients tels que Swiss Ré, la Zurich Assurance ou Deloitte, et sa solution est employée dans une soixantaine de pays, notamment aux Etats-Unis, où elle a ouvert un bureau au printemps dernier.
«Alors que l’Europe était plutôt en avance sur les espaces flexibles avant la Covid, nous remarquons désormais une très forte demande de la part des entreprises américaines pour réorganiser leurs espaces de travail, indique Raphaël Morgulis, responsable des relations publiques de Locatee. Cela s’explique notamment par le besoin d’améliorer les conditions de travail pour attirer et retenir les talents, dans un marché de l’emploi sous pression».

 

Vincent Naville