Coopérative Equilibre les Vergers (Meyrin/GE).

/

Une question qui fâche

Sommes-nous tous faits pour être coopérateurs?

1 Juin 2022 | Articles de Une

Les coopératives d’habitation sont en plein essor. Selon le tout premier recensement, Genève compte 128 coopératives d’habitation, soit 12 000 logements, dont 1650 construits ces derniers dix ans (+16%). Alors que le Grand Conseil doit se prononcer d’ici septembre sur l’Initiative, soutenue par le Conseil d’Etat, qui entend doubler l’habitat sans but lucratif dans le canton, l’opposition continue d’élever la voix.

Antonio Hodgers.
Christophe Aumeunier.

La Fondation pour la promotion du logement bon marché et de l’habitat coopératif (FPLC) vient de publier le premier recensement complet portant sur les coopératives d’habitation genevoises. Pas moins de 128 coopératives d’habitation sont ainsi propriétaires de près de 12 000 logements, soit environ 7% du parc locatif cantonal et 5% du parc total de logements. Réalisé en collaboration avec les Offices cantonaux de la statistique et du logement et de la planification foncière, l’inventaire s’inscrit dans le sillage du Plan d’action coopératives lancé en 2016, visant à renforcer le poids de ces dernières dans la politique cantonale du logement.
Alors que 1650 logements coopératifs ont été construits à Genève ces dix dernières années (+16%), l’Initiative populaire «Pour + de logements en coopérative» propose de doubler l’habitat sans but lucratif dans le canton, soit 10% du parc locatif d’ici à 2030, autrement dit 10 000 logements supplémentaires. Une majorité du Grand Conseil donnerait force de loi à ce texte, notamment porté par les partis socialiste et écologiste, qui a été avalisé en janvier par le Conseil d’Etat. Au Canton dès lors de permettre à ces structures d’éclore en leur mettant des terrains à disposition. «Il y aura certes des investissements fonciers, admet Antonio Hodgers, ministre du Territoire. Il s’agit de renforcer l’action de la FPLC par le biais d’acquisition ou de préemption».

L’Etat doit-il devenir un acteur immobilier?

Pour certains, la coopérative, forme d’habitat intermédiaire entre la location et la copropriété par le biais d’achat de parts sociales, est une réponse aux loyers libres qui s’envolent à Genève. D’autres s’opposent à l’Initiative, qui ferait de facto de l’Etat un acteur immobilier. «Le texte de l’Initiative ne contient, en réalité, qu’une seule chose: le recours massif à l’étatisation du sol par le biais de préemptions ou d’expropriations des communes et de l’Etat», relève Christophe Aumeunier, secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière (CGI), qui doute que la population accepte de cautionner des méthodes aussi violentes et coûteuses pour le gouvernement. «L’Initiative lancée par la Groupement des coopératives n’est que le copier/coller au niveau cantonal de celle de l’Asloca qui a échoué devant le peuple en 2020», rappelle-t-il.
L’accord de 2020 sur la répartition des types de logements en trois tiers, appliquée dans les nouveaux quartiers, n’est pas remis en question par l’Initiative. «Les coopératives devront s’intégrer dans l’une des catégories existantes, confirme Antonio Hodgers, répondant ainsi aux craintes de la droite. L’Initiative, dit-il, ne limite pas les possibilités de construire librement, mais vient compléter ce dispositif afin de mieux répondre à l’ensemble des besoins de la population». Christophe Aumeunier remarque pour sa part que le Canton a déjà largement favorisé les coopératives, «un modèle qui ne peut séduire tout le monde puisque, selon la diversité des statuts, l’attribution du logement n’est pas assurée aux descendants des coopérateurs». A l’inverse, «la propriété par étage (PPE), qui continue de générer une demande extrêmement forte, garantit une sécurité du logement et la constitution d’un patrimoine transmissible». Il prône dès lors une modification de la clef de répartition en vigueur, au profit d’une plus large proportion de PPE. «Toute qualité a un prix. L’on ne peut construire un quartier qualitatif avec 60% de logements sociaux, tel que cela est notamment prévu au PAV. C’est hérétique au niveau de la cohésion sociale et financièrement insupportable pour réaliser des aménagements et des espaces publics».
Les prochains chantiers d’envergure prévoyant une présence importante de coopératives seront réalisés dans les futurs quartiers des Grand-Esserts à Veyrier, de Chapelle-Gui à Lancy et aux Communaux d’Ambilly à Thônex.
Le peuple ne sera appelé aux urnes que si les députés refusent l’Initiative ou lui opposent un contre-projet.

 

Viviane Scaramiglia

Coopérative du Tunnel, à Carouge.