Delphine Bachmann et Xavier Oberson.

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entreprises - 29e Open des entreprises

«Secteurs privé et public, tirons tous à la même corde!»

18 Juin 2025 | Articles de Une

Crée en 1996 par deux entrepreneurs pour remercier leurs clients, l’Open des entreprises est devenu un incontournable du mois de juin pour les chefs d’entreprise et les cadres des secteurs privé et public du canton de Genève. Quelque mille invités étaient réunis jeudi 5 juin dans le Bâtiment des Forces Motrices pour écouter la conseillère d’Etat Delphine Bachmann, ainsi que le fiscaliste Xavier Oberson et Anne-Sophie Dunant-Blaesi, directrice générale de la société Aprotec.

«En 2024, je faisais ici le tableau d’une économie florissante. En 2025, le tableau s’est assombri sous l’effet de la force du franc, des incertitudes quant aux droits de douane et à la baisse de la consommation en Asie. Il est d’autant plus important d’offrir de bonnes conditions-cadres aux entreprises», a lancé la conseillère d’Etat Delphine Bachmann, en charge du Département de l’économie et de l’emploi. Et d’annoncer une nouvelle Stratégie économique cantonale, remplaçant celle de 2015, qui sera présentée à la rentrée.
Alors que l’innovation est la clef de la prospérité et qu’un écosystème innovant tire l’ensemble de l’économie vers le haut, les PME n’ont parfois pas les moyens de leurs idées. C’est pourquoi le Conseil d’Etat a présenté en mars le Plan cantonal d’innovation, qui permet un soutien ciblé à des projets innovants.
Enfin, a rappelé Delphine Bachmann, le gouvernement a validé un plan cantonal fort de quatorze mesures, destiné à accroître l’employabilité des Genevoises et des Genevois. Pour toutes ces raisons, «je fais toujours mien l’optimisme que j’affichais l’an dernier», a conclu l’élue.

Une vision favorable de la fiscalité genevoise

Xavier Oberson, professeur de droit fiscal à l’Université de Genève, a partagé sa «vision favorable» de la fiscalité à Genève, mais aussi ses préoccupations quant à deux projets en cours au plan fédéral. En exemptant de l’impôt sur les successions l’immense majorité de la population, l’initiative des jeunes socialistes visant à taxer à 50% les successions de plus de cinquante millions de francs annulerait le principe constitutionnel de la capacité contributive, qui prévoit la participation de chacun à la charge fiscale, proportionnellement à ses moyens. Au-delà du droit, ce texte pourrait amener des entreprises à délocaliser.
A cet égard, l’orateur regrette l’échec dans les urnes en septembre 2024 du projet d’allégement de la taxation de l’outil de travail. «L’impôt sur la fortune impose la fortune liquide. L’outil de travail n’est pas liquide», rappelle-t-il, en souhaitant que ce chantier soit rouvert.
Autre préoccupation, le projet de taxer les retraits en capital des 2e et 3e piliers au taux ordinaire est lui aussi «extraordinairement problématique», explique le professeur, notamment au regard du principe constitutionnel de la bonne foi, car il revient à changer les règles du jeu en cours de partie.

Quelque mille invités étaient réunis jeudi 5 juin dans le Bâtiment des Forces Motrices.

Une marge étroite

Xavier Oberson a aussi rappelé l’étroitesse de la marge de manœuvre dont disposaient les cantons en matière fiscale. La loi fédérale définit le contribuable, la base imposable et dresse le catalogue des déductions autorisées. La compétence essentielle des cantons porte sur le taux de l’impôt.
Par ailleurs, il existe des règles internationales, notamment celles issues de l’accord négocié au sein de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques) quant à l’imposition des entreprises multinationales. Celui-ci a deux piliers: un taux minimum de 15%, applicable depuis le 1er janvier 2024 aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros, et une clef de répartition des bénéfices entre Etats. Ce second volet peine à s’imposer, relève le fiscaliste, notamment parce que les Etats-Unis n’en veulent pas, tout en proposant une approche qu’ils disent équivalente.
Anne-Sophie Dunant-Blaesi, directrice générale de la société Aprotec, a dressé la liste des raisons qui font de Genève une place attrayante, en soulignant l’importance d’un tissu social et entrepreneurial riche, qui mêle les domaines d’activité et les entreprises de tailles différentes. Genève doit miser sur la qualité de ses produits et de ses prestations, a-t-elle plaidé.
Au chapitre des faiblesses cantonales, elle a souligné les complexités administratives et la mobilité chaotique, qui sont deux indices de la distance entre l’administration et la réalité. Par ailleurs, alors qu’en Suisse, la majorité des jeunes font un apprentissage, celui-ci n’a pas la cote à Genève, où la proportion d’étudiants est particulièrement élevée. Il faut valoriser la formation duale et mettre l’accent sur la réintégration des chômeurs à travers des formations qualifiantes, plaide-t-elle.
Elle s’étonne enfin que, dans leurs appels d’offres, les collectivités publiques ne considèrent que le prix des prestations qu’elles acquièrent, avant d’appeler secteurs privé et public à tirer à la même corde. Elle termine en remerciant Delphine Bachmann de se rendre dans les entreprises, à l’écoute du terrain.

Un mois plus tôt

Cette 29e édition de l’Open des entreprises a été la dernière à se tenir lors du mois du solstice d’été. Pour son 30e anniversaire, en 2026, l’Open aura lieu en mai, a annoncé Pierre Grelly, l’un de ses fondateurs. Rendez-vous est pris!

 

Cesare Accardi

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