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FRÉDÉRIQUE PERLER, MAIRE DE GENÈVE

Rêver et habiter la ville

22 Sep 2021 | Articles de Une

Rendez-vous avec Frédérique Perler, maire de la Ville de Genève, en charge du Département de l’aménagement, des constructions et de la mobilité. Le vivre-ensemble, la requalification des places et des rues, l’amélioration des continuités paysagères et la mobilité douce figurent au programme de cette magistrate Verte qui compte ainsi préparer Genève aux changements climatiques.

– Vous souhaitez promouvoir la convivialité et la biodiversité au cœur de la ville, et ce selon les principes de simplicité et de sobriété. En d’autres termes, de petites améliorations dans l’espace public peuvent avoir des effets importants sur notre qualité de vie. Quelle est votre démarche?
– J’ai décidé d’orienter mon année de mairie (2021-2022) sur des projets participatifs s’ancrant dans différents quartiers de la ville de Genève. Pour accompagner les habitants dans cette démarche, une spécialiste en gestion de projets participatifs et une architecte paysagiste sont à leurs côtés. Il s’agit de faire la démonstration qu’en étant à l’écoute de la population, il est possible de développer des aménagements simples, économiques et rapidement mis en œuvre. Les projets retenus ont pour ambition d’apporter de la fraîcheur sur des sites encore trop minéraux ou dépourvus d’eau, de renforcer la nature en ville et d’encourager l’appropriation de l’espace public par les habitants/riverains. Bien que provisoires, ces réalisations permettront de tester et de préfigurer de futurs aménagements dans les quartiers identifiés. En effet, une prolongation des expériences ou une pérennisation de certains aménagements seront discutées lors d’ateliers avec l’ensemble des acteurs concernés. Ces diverses interventions provisoires sont toutefois à distinguer du programme de mon Département, qui se décline sur le plus long terme.

– Pouvez-vous citer quelques exemples?
– Aux Pâquis, une allée d’arbres «itinérante» a été installée dans douze éléments mobiles, en réponse aux associations qui demandaient, depuis bien longtemps, davantage de végétation et de points de rencontre dans leur quartier. Le square des Minoteries a, quant à lui, été aménagé avec deux balancelles végétalisées dotées de brumisateurs, ainsi qu’un «street-work-out» (barres métalliques pour exercice physique en plein air) et un parc à chiens, très apprécié. A Champel, les aînés se sont montrés particulièrement actifs dans la démarche participative: en découlent la construction et l’installation de bancs adaptés à leur âge et à leur physionomie. Le succès est tel que les seniors les ont surnommés «les bancs du bonheur»!

Balancelle végétalisée au square des Minoteries.

– La préservation de la biodiversité est également centrale dans la révision du Plan lumière, un outil qui permet à une ville de planifier et de gérer son éclairage public. Où en est-on dans ce domaine?
– La révision de ce Plan a été achevée avant l’été, fixant des recommandations pour tout type d’aménagement en devenir ou à entretenir. Dans l’édition précédente du Plan lumière (2009), l’économie d’énergie était l’axe principal. Dans la nouvelle mouture, il s’agit désormais d’être davantage attentifs aux effets de la pollution lumineuse sur le vivant (êtres humains, plantes, animaux). La notion de trame noire a été introduite dans ce Plan: l’impact de la lumière artificielle est ainsi diminué dans certaines zones, en particulier le long de corridors sombres correspondant aux continuités biologiques. Le but est de favoriser les déplacements nocturnes de la faune et des insectes, tout en préservant la sécurité des usagers. En outre, certains aspects sécuritaires ont été affinés avec, par exemple, une intensification ou un abaissement progressif de la lumière, dont le but est d’encourager des comportements spécifiques de la part des usagers.

– En février 2020, la Ville de Genève a déclaré l’urgence climatique et adopté des objectifs ambitieux pour éviter la hausse de la température, à savoir une réduction de 60% des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 et la neutralité carbone en 2050. Comment comptez-vous relever ce défi de taille?
– Le Plan climat sera officiellement présenté en novembre prochain; les services de la Ville de Genève collaborent sur ce document de manière transversale. Les principaux types de mesures qui concernent mon Département sont: la rénovation du patrimoine bâti – notamment de grands ensembles (habitation, équipements publics) – qui implique l’isolation des bâtiments, le développement des réseaux de chaleur, des panneaux solaires, etc. L’objectif est de tendre vers «zéro chaudière à mazout» en 2025. L’encouragement à la mobilité douce, par la mise en place d’un maillage cyclable et piétonnier – encore insuffisant – est une autre priorité. Il faut le rappeler, nous sommes dans une ville de courtes distances. En termes de nature en ville, la végétalisation, la récupération des eaux pluviales et la perméabilisation des sols permettent également de diminuer les GES. La requalification de rues ou d’artères que nous menons actuellement dans certains secteurs urbains permet de combiner plusieurs de ces paramètres.

Montage des éléments mobiles aux Pâquis.

– A vos yeux, quelles sont les réalisations «réussies» à Genève?
– Le Pavillon de la danse à la place Sturm, livré en début d’année, est remarquable de tout point de vue: entièrement démontable et construit en bois suisse, il met en valeur des savoir-faire et des ressources locales. Il préserve l’unité de la place et permet de déployer la végétation existante. La mise en valeur du Bois-de-la-Bâtie est un autre projet emblématique, qui comprend un important travail sur l’éclairage public, une vaste place de jeux et une gestion écologique de la zone boisée. Je citerais également la rénovation de l’ensemble locatif des Minoteries, qui fonctionne désormais entièrement grâce aux énergies renouvelables et ne produit plus d’émission de CO2. Un autre projet en cours, qui me tient à cœur, est celui du futur réaménagement de la pointe de la Jonction en parc public. Mené en concertation avec les habitants du quartier et les usagers du lieu (Forum Pointe de la Jonction), il permettra de transformer ce magnifique site de 25 000 m2 en un espace à la disposition de tous. Une synthèse des propositions sera faite prochainement pour développer l’image directrice du site. Mentionnons enfin le réaménagement du carrefour de Rive, dont les études ont repris après le refus d’un projet en votation populaire et qui prévoit la piétonnisation du secteur sans construction de parking.

– Vous avez la volonté d’instaurer une vitesse de circulation de 30 km/h sur tout le territoire municipal, de jour comme de nuit. Est-ce réaliste?
– Absolument, d’autres villes comme Lausanne l’ont fait avec succès! Le bruit routier constitue une véritable atteinte à notre santé, engendrant d’importants troubles du sommeil: en 2020, un Genevois sur deux disait souffrir du bruit. La Confédération a estimé les coûts de la santé et la perte de valeur des biens immobiliers liés au bruit de la circulation à plus de deux milliards de francs (chiffres de 2017). Passer de 50 km/h à 30 km/h correspond à une réduction «perçue» de moitié en termes de bruit. En effet, avec une vitesse constante de 30 km/h, on apaise le trafic et on évite les phases de freinage/accélération, sources de nuisances sonores et d’accidents. Les études ont démontré que la limitation de la vitesse à 30km/h – facile à mettre en place – engendre une meilleure fluidité de la circulation. Bien que je sois convaincue de l’impact positif en termes de qualité de vie, la mise en œuvre de cette mesure sur tout le territoire municipal dépend aussi des autorités cantonales. Ainsi, des compromis pourraient être trouvés, comme le passage des axes structurants à 30 km/h la nuit et à 50 km/h le jour.

 

PROPOS RECUEILLIS PAR
VÉRONIQUE STEIN

La Fête des maires, c’est toute l’année!

Avec ce premier numéro du Journal de l’Immobilier s’ouvre une rubrique consacrée aux maires des 45 communes genevoises. Des hommes (en majorité, ils sont au nombre de 31) et des femmes (14), aux appartenances politiques variées, nous confient leurs visions et leurs ambitions. La seconde année de la législature (2020-2025) a débuté juste avant l’été (1er juin 2021) et les magistrats s’apprêtent à marquer de leur empreinte le territoire et la vie sociale de leur commune respective.

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