L’enjeu n’est pas de produire beaucoup, il est de produire juste.

/

entreprises familiales - Mino SA, spécialiste de l’énergie

Réussir l’intégration franco-suisse

14 Déc 2022 | Articles de Une

L’entreprise Mino SA, active dans la gestion de l’énergie, est née en 1925. Elle a traversé le siècle aux mains de la même famille, avant de s’unir à un partenaire français, tout en préservant jalousement son identité. Pascal Mino, représentant la quatrième génération, est à la recherche constante de l’équilibre qui permettra à la société et ses collaborateurs de s’épanouir. «L’entreprise a du sens dans sa dimension d’aventure humaine. J’ai envie que les gens s’apprécient, se respectent et soient heureux», dit-il.

Est-ce l’influence des philosophies orientales? Des théories systémiques? Pour Pascal Mino, le monde est flux, mouvement, dialectique entre pôles complémentaires. Dans ce tourbillon, son objectif est simple: «On est joueur, on veut durer». Lui, l’économiste et économètre, est réticent à articuler des chiffres. Il est plus intéressé à expliquer là où il veut aller qu’à décrire là où il est. Après tout, le monde n’est que changement.
Pour preuve: la fin des monopoles énergétiques pousse SIG, Romande Energie ou Groupe-e à investir des marchés parallèles en reprenant des entreprises concurrentes de Mino SA. L’expansion continue de Genève et l’arrivée massive de frontaliers qui lui est liée modifient en profondeur le profil de la main-d’œuvre dans le canton et l’abord des ressources humaines.

Un nouvel équilibre

Fort du constat qu’un nouvel équilibre se met en place dans le bassin genevois, Mino SA crée une filiale française en 2008. «Dans nos métiers, on gagne mieux sa vie en France qu’en Suisse», explique par ailleurs Pascal Mino. Son but: accompagner l’évolution de la région, plus qu’accroître le bilan à tout prix. Il veut s’adapter à l’intégration du marché et des relations du travail entre Genève et la France voisine, ainsi qu’à la transformation rapide du domaine d’activité qui est le sien.
«En Suisse, on découpe les soumissions en petits lots et on multiplie les mandataires, alourdissant et complexifiant ainsi la coordination et réalisation des projets. En France, la délégation de responsabilité aux entreprises est plus grande». L’antenne française est un premier pas pour sortir de ce que Pascal Mino appelle «les marchés découpés». Pour développer sa présence sur le marché des installations industrielles, Mino SA doit se réinventer, car, constate son directeur, «nous n’avions pas l’historique pour cela».
Pour prendre ce virage, il faut regrouper le capital de la société, partagé par moitié entre deux branches de la famille. La solution est de faire appel à un investisseur externe. En 2018, l’entreprise franc-comtoise EIMI entre au capital de Mino SA et en prend la majorité l’année suivante. EIMI, active dans le même secteur que la société suisse, dégage un chiffre d’affaires sept fois supérieur et dispose de compétences plus vastes.

Pascal et François Mino.
Ernest Mino, fondateur de l’entreprise.

Un ADN suisse

«En Suisse, nous faisons les choses lentement, cela nous permet de voir autour de nous les solutions qui marchent et celles qui ne marchent pas. Mais cela fait aussi que nous ayons un temps de retard», constate Pascal Mino. A travers EIMI, il noue une relation privilégiée avec un partenaire qui vit avec un temps d’avance sur la Suisse. Cette alliance lui ouvre les portes du marché industriel (Mino SA a par exemple réalisé les réseaux de chaleur et d’énergie du nouveau bâtiment de Patek Philippe à Plan-les-Ouates, de la Maison Olympique à Lausanne et participé à la rénovation du magasin IKEA à Aubonne) et lui donne en outre «le décodeur» – selon son expression – pour aborder les relations du travail dans le bassin franco-suisse.
«Mino restera Mino. Notre ADN est suisse, affirme son directeur. Sandro Nardis, le président d’EIMI, et moi sommes très semblables et différents à la fois». Alors que le Français pense chiffres, le Suisse veut faire la démonstration que les données financières ne sont pas les seuls indicateurs pertinents pour une entreprise.

Une «dream team»

Certes, Mino SA doit être rentable, mais la société n’a pas de pressions externes à maximiser ses revenus. Elle reste une entreprise familiale, marquée par une éthique «d’entraide indéfectible». «Nous choisissons nos collaborateurs avant tout sur leur savoir-être. Lorsqu’ils entrent dans l’entreprise, ils entrent dans la famille».
La concurrence pour attirer les meilleurs est cependant forte. «Il y a beaucoup de mercato dans notre domaine, constate Pascal Mino: institutionnels, industriels et concurrents, tous recherchent des personnes qualifiées dans le domaine de l’énergie. Mais dans les métiers du bâtiment, sur cent employés, soixante au maximum sont des professionnels», constate-t-il. Pour autant, «nous n’avons jamais eu une si belle équipe en cent ans d’existence», assure-t-il.
Mino SA veut accompagner ses clients de A à Z. A terme, cela signifiera être actif sur le marché des certificats d’émission. Les jalons sont déjà posés au travers de partenariats. «Dans l’avenir, vous et moi serons tous producteurs et consommateurs d’énergie. Nous nous alimenterons les uns les autres dans une forme de partage. L’enjeu n’est pas de produire beaucoup, il est de produire juste».

 

Cesare Accardi

GROS PLAN

Du chauffage à la gastronomie

 

Mino SA fêtera ses cent ans en 2025. Cet évènement, a priori joyeux, est né d’une «triste histoire», selon les mots de Pascal Mino. A la suite d’une maladie, Ernest, son arrière-grand père, se retrouve sans emploi à 55 ans. Pour vivre, il crée une entreprise de fumisterie.
La génération suivante développe l’entreprise, qui compte jusqu’à trente collaborateurs sous sa conduite. Au début des années 2000, Mino employait 160 personnes en Suisse et un peu moins de 50 en France, contre 114 aujourd’hui, pour un chiffre d’affaires de 31 millions de francs en 2021.
La famille possédait aussi des parts de la société Minerg. Mino installait les équipements de chauffage, Minerg les entretenait. Lorsque le directeur de Minerg, étranger à la famille, s’est mis à concurrencer Mino, la famille s’est défait de Minerg et s’est lancée à son tour dans l’entretien. Les deux entreprises n’ont plus de lien depuis 2006. Minerg est intégrée aujourd’hui au sein d’Equans.
Pascal est arrivé «par hasard» chez Mino SA, en 1999, après avoir travaillé chez Arthur Andersen, où il avait collaboré notamment à l’audit de l’Etat. Auparavant, il avait ouvert le restaurant La Maison Rouge, à Carouge/GE. S’il est aujourd’hui directeur de Mino SA, c’est par choix bien plus que par devoir, assure-t-il.
Son grand-père avait installé l’entreprise à la rue des Noirettes, dans un bâtiment qui appartient encore à la famille. «J’ai voulu réutiliser ces locaux», explique Pascal, qui y a créé son second restaurant, «La Fumisterie – chez Ernest», en hommage à son arrière-grand père. Est-ce là qu’il fêtera le siècle de Mino SA ? Réponse dans trois ans!

EXPLOREZ D’AUTRES ARTICLES :