Devant l’affiche de campagne, de gauche à droite: Christophe Aumeunier (CGI), Cyril Aellen (PLR), Sébastien Desfayes (LC), MIchael Andersen (UDC), Sandro Pistis (MCG), Aurélien Barakat (VL), Patricia Bidaux (AgriGenève) et Michel Schmidt (Pic-Vert).

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Loi sur l’estimation immobilière (LEFI)

Rétablir l’équité entre propriétaires

24 Mai 2023 | Articles de Une

C’est une véritable union sacrée des professionnels de l’immobilier et des partis politiques de droite et du centre, Verts libéraux compris, qui s’est créée autour de la Loi genevoise sur les estimations fiscales de certains immeubles, soumise au corps électoral du canton le 18 juin. Cette disposition intelligente, due au député PLR Cyril Aellen, a été amendée et adoptée par le Grand Conseil en 2018; la gauche, souhaitant appliquer une hausse plus forte de la fiscalité, a lancé un référendum. Il revient donc au peuple de trancher.

Avec à peine 18% de propriétaires (la moitié de la moyenne suisse), un menu de votation chargé et un sujet complexe, le combat pour un traitement fiscal équitable des propriétaires de leur logement n’est pas gagné d’avance. C’est la raison pour laquelle les représentants de l’économie (CCIG, FMB, FER, AgriGenève, etc.) et les partis opposés à l’étatisation rampante du sol se sont mobilisés au bout du lac.
Rappelons d’abord que le fisc frappe durement les «contribuables captifs», comme les nomme le secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière Christophe Aumeunier, que sont les propriétaires. Droits de mutation à l’acquisition, impôt sur la fortune, impôt immobilier complémentaire; l’Etat taxe même un revenu fictif, la valeur locative. Enfin, à la revente, la plus-value est frappée de l’impôt sur les gains immobiliers. Néanmoins, les biens occupés par leur propriétaire depuis de nombreuses années ont souvent des évaluations anciennes et le Conseil d’Etat comptait bien y remédier en proposant une hausse de 20% des valeurs fiscales de ces biens.

Compromis équilibré

La contre-proposition signée Aellen, qui a connu quelques modifications et affronté un recours puis un référendum, est un subtil équilibre. Elle ne concerne pas les immeubles de rendement, mais uniquement les appartements et villas, les arcades dont les commerçants sont propriétaires et les exploitations agricoles. Elle propose, pour les logements occupés de longue date par leur propriétaire, une hausse de 12%, puis une revalorisation annuelle corrélée à l’indice cantonal des prix à la consommation, mais plafonnée à 1% par an. Les biens dont la valeur a été estimée après le 1er janvier 2013 sont exemptés de la hausse de 12%. En outre, une voie de recours est ouverte si un propriétaire peut démontrer que la valeur réelle de son bien n’a pas crû dans les mêmes proportions que l’appétit taxateur du fisc.
Simultanément, l’impôt dégressif sur les bénéfices immobiliers (à la revente) passe à 2% après 25 ans de possession (contre 0% actuellement, ce qui était problématique par rapport au droit fédéral). En revanche, l’impôt immobilier complémentaire diminue de 1 pour mille actuellement à 0,2 pour mille. Et surtout, le barème global de l’impôt sur la fortune va baisser de 15%, réduisant enfin un peu l’écart entre Genève et les autres cantons suisses à ce propos.

Revenir à la raison

Cyril Aellen l’a clairement exposé à la presse, avec cet esprit de synthèse qu’on lui connaît: la LEFI vise cinq objectifs. Il s’agit de supprimer l’inégalité de traitement fiscal entre anciens et nouveaux propriétaires; de répondre aux exigences fédérales; d’apporter une solution pérenne au problème des évaluations fiscales grâce à l’indexation; de disposer d’une vision claire de la valeur du parc immobilier; enfin, de diminuer le handicap concurrentiel du canton en matière d’imposition de la fortune. Son collègue du Centre Sébastien Desfayes a ajouté: «Cette loi, dans l’ensemble, représentera une baisse d’impôt de quelque 100 millions. Après la réforme RFFA de l’imposition des entreprises, c’est bien le tour des contribuables privés!». Michael Andersen, fiscaliste et député UDC, a quant à lui rappelé que les impôts immobiliers représentaient plus de 700 millions à Genève. En 2022, l’Etat a affiché des excédents records, atteignant 1,3 milliard hors amortissements, et largement dus à la fiscalité des personnes physiques.
Les autres orateurs ont abondé dans le même sens, estimant qu’il était temps de retrouver la raison dans le canton le plus taxateur de Suisse. Contrairement à ce que l’on pense parfois, une forte proportion de propriétaires genevois ne sont pas riches et sont souvent contraints de vendre leur bien, qui a pris de la valeur sans qu’ils en tirent d’autre avantage qu’avoir un toit sur la tête, payer de plus en plus d’impôts et exciter la rancœur de certains. La LEFI aura en outre l’avantage de préserver les agriculteurs retraités de mauvaises surprises et de faciliter l’accession à la propriété.

 

Vincent Naville