Les parents de Peggy Bouchet, Peggy Bouchet, Delphine Bachmann et Pierre Grelly.

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événement - 27e Open des entreprises

Rebondir, toujours rebondir

14 Juin 2023 | Articles de Une

La résilience: ce mot que les entrepreneurs connaissent bien était au cœur du 27e Open des entreprises. Peggy Bouchet, la première femme à avoir traversé l’Atlantique à la rame, et Théodore Mukendi-Kabongo, arrivé en Suisse comme requérant d’asile, aujourd’hui Docteur ès sciences économiques, fondateur de la société Invest Plus et de l’association humanitaire Linga Congo, ont témoigné de leur parcours dont l’échec, toujours surmonté, n’a pas été absent.

Le bâtiment des Forces Motrices (BFM) de Genève accueillait jeudi dernier les quelque 600 invités du 27e Open des entreprises. L’Open des entreprises? Oui, car telle est la nouvelle dénomination de l’événement qui, de sa création en 1996 et jusqu’à 2022 s’est appelé l’Open des décideurs. Le concept est simple: les vingt entreprises partenaires, auxquelles s’ajoutent l’Etat et l’Office cantonal des assurances sociales (OCAS), invitent une fois par an leurs clients pour une soirée événementielle et récréative.
«Je m’engagerai toujours pour des conditions-cadres qui soient favorables à toutes les entreprises, du commerce de détail aux multinationales», a assuré la conseillère d’Etat Delphine Bachmann, nouvelle responsable de l’Economie et de l’Emploi, dans son intervention de bienvenue. Elle s’est dite satisfaite que, dans la réorganisation des départements, le Conseil d’Etat ait maintenu ces deux domaines sous le même toit, et a rappelé l’importance de la formation professionnelle pour laquelle une collaboration entre l’Etat et les entreprises restait indispensable.
«Oser toujours, céder parfois, renoncer jamais»: Peggy Bouchet a écrit cette maxime dans les deux mètres carrés de la cabine de son bateau, puis en a fait le titre de l’ouvrage qui raconte ses deux traversées de l’Atlantique à la rame. Deux traversées, dont seule la seconde a abouti. Lors de sa première tentative, en 1998, elle chavire à 36 heures de la Guadeloupe, son but. Lorsqu’un journaliste lui demande comment elle se sent après cet échec, elle réalise que pour elle ces 79 jours en mer, seule, ramant dix à douze heures par jour, sont une victoire inachevée, pas un échec.

«C’était comme partir au front»

«Tu sais très bien que si tu ne repars pas, cet inachèvement restera au fond de toi pour toujours», lui dit Olivier de Kersauson, avec qui elle est liée d’amitié. C’est ainsi qu’elle repart en 2000, seule sur son bateau de huit mètres, que les organisateurs de l’Open des entreprises ont fait venir sur la scène du BFM.
«Lors de mon premier départ, j’étais heureuse; pour le second j’étais habitée par la peur». Mauvais temps, nuits de trois heures de sommeil, inconfort, conscience des risques, «j’avais le sentiment de partir au front.». Elle trouve sa force dans la conscience que chaque coup d’aviron la rapproche du but, à raison de septante kilomètres par jour, dans le fait de compter la distance parcourue depuis le départ, puis à mi-chemin, de compter la distance décroissante jusqu’à l’arrivée, dans le souvenir de ces dix jours de vents contraires lors de sa première traversée, dix jours durant lesquels elle a reculé tout en ramant «pour occuper le terrain et être dans l’action». Au final, elle traverse en 46 jours seulement.
«Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles», conclut cette native d’Evian en citant Sénèque. «S’il y a une énergie qu’il ne faut pas économiser, c’est la vôtre.» Aujourd’hui, elle anime des conférences, a créé l’association Enfants du Léman qui permet à des enfants malades de réaliser un rêve et lancera cet automne une initiative soutenue par l’Office genevois pour l’orientation, la formation professionnelle et continue «pour aider les jeunes Genevois à franchir leur Atlantique», comme elle le dit.

Delphine Bachmann.

Le pays de cocagne

Lorsqu’il arrive à Genève en 1983, Théodore Mukendi-Kabongo a cinquante francs en poche pour toute fortune. Ce jeune étudiant qui aurait pu devenir leader universitaire mobutiste a dû fuir le Congo pour s’être opposé au tout-puissant maréchal. Sa vie était en jeu. Et puis ses amis ne lui avaient-ils pas parlé de la Suisse comme d’un pays de cocagne dans lequel on touche de l’argent sans travailler?
Théodore Mukendi-Kabongo découvre qu’il recevra 850 francs par mois de l’Hospice général sans travailler, mais qu’il pourrait en toucher 2500 en travaillant. Il propose ses services de porte en porte et trouve un emploi en 24 heures. Il lavera des voitures. «C’étaient des Mercedes, il y avait celle de Charles Aznavour, de l’Aga Khan, de Catherine Deneuve», raconte-t-il. Il n’avait jamais lavé de véhicule (mais avait dit le contraire à son employeur) et à chaque fois qu’il croyait avoir terminé, le patron trouvait encore des zones à bichonner.
Contre sa nature flamboyante, il se fait humble et sait que s’il veut s’intégrer et comprendre le secret de ce pays si prospère, il doit travailler. Il n’accepte pas que l’avenir lui soit volé parce qu’il a quitté son pays. En 1984, le conseiller d’Etat Guy Fontanet autorise les requérants d’asile à aller à l’Université. Il s’y inscrit et se fait remarquer par le célèbre professeur André Cottier, dont il devient l’assistant. Lorsque ce dernier tombe malade, il assure son enseignement tout en préparant sa thèse de doctorat.

Le pare-brise plutôt que le
rétroviseur

Docteur, il cherche un emploi, mais la conjoncture est alors mauvaise et il est trop diplômé, lui dit-on. La solution: créer son entreprise de conseil financier. Les débuts sont difficiles. «Je me savais capable et je pensais que le clients devraient affluer vers moi. Or il me fallait prendre mon téléphone et démarcher». Dans un séminaire de motivation, il demande conseil à l’intervenant qui, à 27 ans, possède déjà une Ferrari. «Quand vous aurez eu mille échecs, vous serez un grand gourou», lui répond celui-ci. Et Théodore Mukendi-Kabongo de citer le grand Mohamed Ali: «Je m’entraîne pour commencer à combattre au 12e round», autrement dit lorsque son adversaire sera épuisé. Le secret, c’est de tenir.
«Le pare-brise est tellement plus grand que le rétroviseur», illustre Pierre Grelly, membre du Comité d’organisation de l’Open des entreprises: rebondir toujours, rebondir plus haut.

 

Cesare Accardi

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