L’ambition louable d’une baisse totale des déperditions d’énergie se heurte à des obstacles difficiles à contourner.

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CLIMAT - Rénovation énergétique: le cas genevois

Quelques obstacles à prendre en compte

12 Juil 2023 | Articles de Une

A l’heure où l’urgence climatique est au cœur de toutes les préoccupations, et où les étés chauds, voire caniculaires, nous poussent à repenser les rénovations des maisons et des immeubles de fond en comble, qu’en est-il réellement de la situation et des points de blocage pour atteindre les objectifs fixés par le Conseil d’Etat genevois, avec la révision du Règlement sur l’énergie adoptée en septembre 2022?

Le Département du territoire a décidé de frapper un grand coup en 2022, avec des objectifs ambitieux pour le parc immobilier genevois, une des plus importantes sources d’émission de CO2: atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour y arriver, des paliers de tolérance baissent concernant l’indice de dépense de chaleur du bâtiment (IDC):

• 222 kwh/m2/an (800 MJ/m2/an) dès 2022 jusqu’au 31 décembre 2026.
• 180 kWh/m2/an (650 MJ/m2/an) dès le
1er janvier 2027 jusqu’au 31 décembre 2030.
• 153 kWh/m2/an (550 MJ/m2/an) dès le
1er janvier 2031.

Avec un objectif final à 125 kWh/m2/an (450 MJ/m2/an) après l’échéance pour l’intégralité des immeubles se trouvant sur le sol genevois. Ces mesures sont couplées à l’obligation de remplacer les chaufferies alimentées aux énergies fossiles par des dispositifs à énergie renouvelable.

Mais cet objectif est-il réalisable?

Pour commencer, rappelons que l’IDC est un indicateur propre à Genève et qui n’est pas utilisé par les autres cantons. Cette particularité rend les objectifs du Département difficiles à concilier avec le versement des subventions de la Confédération.
L’ambition louable d’une baisse totale des déperditions d’énergie se heurte surtout à des obstacles difficiles à contourner, en tout cas dans un délai si court.
Les entreprises se forment depuis maintenant quelques années aux nouvelles technologies induites par la transition énergétique. Toutefois, nous n’avons malgré cela pas de main-d’œuvre qualifiée et formée en suffisance pour couvrir tous les besoins attendus par ce type de rénovation. Installer une pompe à chaleur (PAC), poser des panneaux photovoltaïques ou thermiques et les raccorder, creuser des forages pour les sondes géothermiques, par exemple, sont des compétences que les générations précédentes ne possèdent pas.
Les matériaux indispensables aux rénovations énergétiques ne sont pas toujours disponibles et des pénuries peuvent se produire. La Suisse doit encore développer ses technologies internes et encourager les entreprises locales. «L’îlot de cherté» que représente notre pays aux yeux des maîtres d’ouvrage peut inciter à préconiser les achats à l’étranger, pour des produits meilleur marché, et à choisir des entreprises de pays voisins pour réaliser ses chantiers. Cette économie «court-termiste» doit être abandonnée: ce n’est qu’en favorisant les matériaux et la main-d’œuvre suisses que l’on pourra bénéficier d’un artisanat fort et attrayant.
Nous pouvons encore mettre en avant le volume important de documents à rendre aux différents services de l’Etat pour obtenir l’autorisation de rénover un immeuble, le nombre considérable d’ingénieurs et de spécialistes à consulter obligatoirement (feu, environnement, thermicien, architecte, domaine public…) et les délais parfois très longs pour obtenir l’aval pour démarrer le chantier. Ces démarches contraignantes participent du retard au démarrage des travaux. Les services de l’Etat, déjà débordés, ne pourront pas absorber le volume inévitable si tous les propriétaires (publics et privés) rénovent leur patrimoine en dix ans. Pourtant aucune solution ne semble émerger à ce jour pour anticiper l’embouteillage administratif qui pointe.

En avoir les moyens

Enfin, le financement nécessaire à une rénovation énergétique d’un immeuble constitue encore un frein aux rénovations énergétiques. Pour se faire une idée concrète, le remplacement d’une chaufferie par un système plus écologique coûte plusieurs centaines de milliers de francs. La diminution des déperditions de chaleur passe souvent par une isolation complète du bâtiment, à savoir: l’isolation de la toiture, la réfection de la façade (isolation et crépis donc échafaudage), l’isolation des sous-sols, sans compter la pose de panneaux photovoltaïques et thermiques. Il n’est pas nécessaire de bien connaître le domaine pour se rendre compte que les travaux nécessaires à une baisse de l’IDC atteignent facilement plusieurs millions. Pour permettre aux propriétaires de financer ces travaux, des subventions doivent être mises en place pour les aider et les encourager à entreprendre les chantiers de rénovation.
En conclusion, pour pouvoir atteindre une diminution énergétique significative du parc immobilier genevois, il faut que toute la collectivité participe à l’effort. Cela passe par une formation plus soutenue des jeunes aux métiers en lien avec la transition énergétique, par une production locale, par des changements de comportement des habitants, par des subventions encourageantes pour les propriétaires et par une législation simplifiée et adaptée aux enjeux climatiques. Les objectifs sont ambitieux, et ce n’est qu’avec une réforme adaptée à l’ampleur des travaux et avec une incitation positive envers les propriétaires du canton que le but pourrait un jour être atteint.

 

Diane Barbier-Mueller
Députée PLR au Grand Conseil genevois

La députée Diane Barbier-Mueller.

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