Plusieurs cédules hypothécaires vous donneront davantage de souplesse.

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La Chambre des notaires de Genève - par Richard Rodriguez, Notaire - Chambre des notaires de genève

Plusieurs cédules hypothécaires plutôt qu’une seule

14 Mai 2025 | Articles de Une

Bravo, vous avez fait le plus dur à Genève: trouver le bien immobilier de vos rêves! A présent, ne reste plus qu’à le payer… Comme la plupart des mortels, vous opterez pour un prêt hypothécaire afin de compléter vos fonds propres. En contrepartie de la somme que vous prêtera votre banque (jusqu’à 80%), la remise d’une garantie hypothécaire sera exigée, soit un gage permettant en cas de défaillance de votre part (dans le paiement des intérêts ou le remboursement des échéances du prêt) de faire réaliser votre bien par les autorités de poursuites (via une vente aux enchères forcée) et de rembourser votre banque grâce au produit de la vente.
On appelle communément ce gage une «hypothèque». Bien que l’hypothèque existe bel et bien en droit suisse, on lui préfère dans la majorité des cas une «cédule hypothécaire» (dont il a déjà été question dans ces colonnes, cf l’article de Me Loïc Sauvin, «Le rôle de la cédule hypothécaire», JIM No 142, du 30 octobre 2024, disponible sur www.jim.media). La raison en est économique: le coût de constitution d’une hypothèque et d’une cédule hypothécaire sont les mêmes à Genève. Or, une hypothèque s’éteint automatiquement avec le remboursement de la dette, contrairement à la cédule hypothécaire, qui sera restituée par la banque au propriétaire pour conservation (à tout le moins pour la cédule papier – ne la perdez pas! – la cédule de Registre – électronique – changeant de «mains» par une simple inscription au Registre foncier).
Sauf à ce que vous souleviez ce point vous-même, votre banque exigera la remise d’une seule et unique cédule hypothécaire correspondant à la totalité du montant prêté. Or, cela n’est pas idéal, tout particulièrement si vous envisagez d’amortir une partie de votre dette à court ou moyen terme. En effet, une fois le remboursement opéré, votre banque conservera une garantie bien supérieure à la somme que vous lui
deviez effectivement. Cela n’est pas dans votre intérêt, car ce différentiel pourra être utilisé par la banque pour obtenir le paiement de n’importe quel montant qu’elle se considérera légitimée à vous réclamer (comme une pénalité de remboursement anticipé un peu trop généreuse par exemple).

Bon sens du passé

Ainsi, il sera plus judicieux de procéder comme nos aïeux: opter pour la remise à votre banque de plusieurs cédules hypothécaires. Historiquement, tel était bien l’usage courant, afin que les cédules hypothécaires puissent être restituées par la banque au fur et à mesure des remboursements. Ainsi, un prêt de CHF  100 000.- était garanti par 10 cédules de CHF  10  000.- chacune. Et la rencontre annuelle avec son banquier se convertissait en un échange cordial de politesses, d’espèces et de titres. Donnant donnant! Inspirez-vous de cette sage pratique et demandez à ce que votre prêt soit garanti par des cédules correspondant en nombre et montant aux amortissements que vous envisagez de réaliser, ou des tranches (durées) pour lesquels vous avez opté. Ceci vous offrira plus de sécurité – en limitant le montant que votre banque pourrait faire valoir dans le cadre d’une éventuelle procédure de recouvrement – mais aussi plus de flexibilité. La cédule ainsi libérée pourra être utilisée pour financer un autre projet (par exemple la rénovation de votre bien ou l’acquisition d’une résidence secondaire), le cas échéant avec un autre établissement bancaire, si votre banquier habituel vous tient rancune de la perte de son gage.
La bonne nouvelle est que la constitution d’une ou plusieurs cédules hypothécaires ne présente quasiment aucun surcoût. Alors pourquoi se priver? L’objection historique des banques – qui était qu’il était trop dispendieux de conserver une multitude de titres en coffre – ne tient plus aujourd’hui, les bits ayant supplanté la cellulose.
Et si vous avez loupé le coche de la pluralité des cédules à la constitution, sachez qu’il vous est toujours possible d’exiger de votre banque le split (la division) de la cédule existante en cours de prêt. Certes, cette opération a un coût de quelques milliers de francs, et ne doit donc pas s’envisager en cas d’amortissements de peu d’importance. Mais elle se justifie amplement en cas de différentiel significatif entre votre prêt et le gage constitué. On dit que les bons comptes font les bons amis? Eh bien! Les bons gages aussi.

Richard Rodriguez.