Tant qu’à créer l’homme nouveau, autant lire cette histoire d’une roue sans idée fixe.

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Climat

Plus fort que Greta

12 Oct 2022 | Articles de Une

Evénement historique? On va voir en quel sens! On doit même poser la question au pluriel, car des deux rencontres – la soirée à La Comédie sur les procès de militants climatiques et le colloque à Uni-Mail sur les dommages climatiques – la plus historique fut-elle celle qu’on croit? Il se pourrait bien que – des émules de Greta Thunberg et de ceux de Jaap Spier – les moins bruyants soient les plus brillants!

Salle comble à La Comédie, pour un film de la Télévision romande, puis une lecture de plaidoiries avec un bref débat en clôture. Pour tout bon citoyen, la soirée peut se résumer comme suit: les accusé(e)s devraient être traités en héro(ïne)s… ils lancent de saines alertes… leurs prétendues incivilités doivent jouir de l’impunité… un jour – comme dans le cas de Martin Luther King et de Rosa Parks – l’Histoire pointera son doigt sur les laquais des banques… aveugles à l’urgence et sourds à la science… il y a donc urgence à faire pression sur les tribunaux… ce n’est que justice!

L’expert du tort a raison

C’est d’ailleurs ce qui s’est dit… presque mot pour mot… dans le film – le bien nommé «Etat de nécessité» – comme dans les propos qui suivirent par les quatre avocats… le public – unanime – faisant même monter les enchères. C’est une manière de voir… qui a pour effet de déjouer d’avance toute autre manière de voir. C’est pourquoi celui qui – le samedi qui suivit – a montré une autre manière de voir n’avait pas subi la soirée du jeudi à La Comédie. Jaap Spehr est un expert du sujet: les dommages climatiques… aussi a-t-il eu le mot de la fin à la session ad hoc du Colloque de droit des obligations (plus précisément, «de la responsabilité délictuelle » ou «tort law» en anglais). Malgré ces intitulés compliqués, il a résumé son point de vue (et le mien) en peu de mots.

La dignité du partisan… sourd
au juge

«Toute activité humaine cause des dommages… il est donc vain de les pénaliser à chaque fois». Bref, c’est un «père fondateur» des notions de responsabilité climatique des entreprises qui – du haut de ses trois quarts de siècle d’âge – pourrait bien avoir pointé son doigt «historique» sur les juristes qui exigent l’impunité pour les incivilités. Lesquels ont d’emblée montré leur esprit partisan: pas un d’eux n’était dans la salle d’Uni-Mail où on parlait de leur sujet avec grande rigueur (pas plus que – à ce que j’ai pu voir – dans la salle du Palais des Nations où se tenait le Forum de l’énergie). Après avoir entendu un autre son de cloche, on peut revenir à La Comédie pour voir ou ouïr ce qui
a été omis par les prévenus et leurs avocat(e)s…

Le monopole, ça plaît à gauche

Et c’est bien ça qui porte la signature des militants de tout poil: seuls eux sont dotés de cœur et de raison… ceux de l’autre bord ont tout faux en tout thème et en tout temps… au point qu’on ne les voit même plus. Interrogé sur la quasi-absence du point de vue adverse dans son film, l’auteur – Stéphane Goël – a même eu des termes peu flatteurs pour le Procureur Eric Cottier. Il eût plutôt dû lire la réponse du Ministère public de l’Etat de Vaud à la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur l’affaire du Mormont. Bref, le film, avec ses grandeurs et ses faiblesses, est un film de propagande bien masquée… comme la plupart de la culture «engagée» dont nous gratifie la Télévision romande et ses ami(e)s (l’animatrice de la soirée fut d’ailleurs cet été oratrice au Cours de langue et civilisation françaises).

La Science perd son Crédit

On connaît la notion de «socialisme scientifique», qui a fait illusion à l’époque, mais que les socialistes pré-marxistes dénoncent encore de nos jours, par exemple lors des commémorations de l’Internationale dans le Jura. A la soirée de La Comédie, «la science» eut à nouveau bon dos, car si «le communisme, c’est une idéologie… on peut arguer contre… mais avec le climat, c’est la science qui parle». On ne va pas ouvrir ici le dossier des «fake news» climatiques, mais si la «science» dit que les maisons et les autos, ça chauffe… elle ne dit pas que c’est la faute du Crédit Suisse: là, on tombe dans le «sus au banquier» de tous les pogroms.

Le coupable boulanger du mineur de charbon

On a ironisé dans un article récent sur le deux poids-deux mesures entre Hitachi et Axa. Bien sûr, si – comme ils/elles le font à chaque fois – les militant(e)s vert(e)s ou rouges clament que «la douche de trop» du citoyen n’y est pour rien… puis que le bâtiment est constructif, mais la finance destructive… enfin que de toutes les banques, la pire est le Crédit Suisse (ça tombe bien: elle est sur la route usuelle des manifs)… on peut sans mal poser à «l’humain contre la finance» ou «l’esprit contre l’égoïsme».

L’humanité menace-t-elle la vie?

Chez les amis des «rébellions» – y compris nos édiles – il est de bon ton d’évoquer Martin Luther King et Rosa Parks. Sophisme, car Martin Luther King et ses pairs luttaient pour les droits d’une minorité opprimée… qui n’a pas pour elle la majorité, La Palice ne dirait pas mieux: l’émancipation par les élections est là une illusion. Tandis que les «incivilités climatistes» se justifient justement en disant qu’elles agissent pour l’humanité… la planète (sinon la vie, car il y a bien ici
un conflit entre vivants futurs et présents).

Ils veulent des tribunaux…
populaires

Le plus choquant, à la soirée de La Comédie, fut la popularité de «mettre la pression sur les juges», à coup d’Avocats du climat, de Prix Nobel, de Télévision et de Comédie. Mais le plus présent – au point que leurs auteur(e)s ne s’en rendaient pas compte – était la perpétuelle référence à la marche de l’histoire, au sens de l’histoire, à ce qui est «tourné vers l’avenir»: «On ne peut faire tourner à l’envers la Roue de l’Histoire» fut – pendant un demi-siècle – le slogan stalinien type. Mais cette alerte-là est de mauvais aloi: au fond, tout cela n’était que comédie. D’ailleurs, à la fin de la soirée à La Comédie, tous ceux qui furent sur scène saluèrent – main dans la main – le public qui les ovationna à tout rompre, comme… des comédien(ne)s!

 

Boris Engelson

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