MÉTIERS DE LA CONSTRUCTION - La Direction des travaux en bâtiment et génie civil
Philippe Ebiner, maître des formateurs romands
L’architecte valaisan Philippe Ebiner organise depuis 2002 la préparation des cours pour les candidats au diplôme le plus réputé de la profession: celui de directeur des travaux. Lancée à Sion par un architecte alémanique dans les années 90, cette formation – qualifiée alors de Maîtrise fédérale – s’obtient désormais en trois ans; les cours sont dispensés trois jours par semaine, parallèlement à une pratique du métier (effective depuis quatre à cinq ans).
Quel est le rôle d’un directeur des travaux sur un chantier? Il est en charge de la planification, en lien étroit avec trois partenaires: l’entreprise de construction, le financier du projet et les autorités publiques. Maître d’œuvre de ce travail de coordination, il organise et contrôle l’avancée sur chantier grâce à ses compétences techniques, sa connaissance des règlements et sa capacité à prendre des décisions.
Pour accomplir ce rôle de chef d’orchestre, une formation complexe, couronnée par un prestigieux diplôme fédéral, a été créée en 1986 à Zurich. En Suisse romande, elle s’est structurée grâce à Philippe Ebiner. Comment est-il devenu cette figure de proue pour la Romandie? «Par passion des métiers de la construction et de la conduite des hommes et femmes engagés sur le terrain», confie-t-il. A 62 ans, cet expert des chantiers de construction a su se faire aimer et respecter.
De l’estime réciproque
«J’aime la conduite des hommes, comme je l’ai appris quand j’étais capitaine à l’armée. Et mon engagement professionnel au Brésil m’a donné la souplesse nécessaire pour soutenir de jeunes professionnels ambitieux». En effet, les diplômés formés sous sa direction ne tarissent pas d’éloges à son égard, pour tout ce qu’il leur a apporté.
Des témoignages d’estime nous sont parvenus: «Il s’est beaucoup impliqué au cours de mes trois ans de formation et mes camarades m’ont dit que ce fut pareil avec eux», «On l’a senti très compétent lorsqu’il enseignait», «Beaucoup d’humanité dans le contact avec nous, de présence et de soutien auprès des élèves trop scolaires», «Mieux que nombreux professeurs qui donnent des clefs de base de leur discipline, il nous a aidés par ses compétences pédagogiques».
Savoir-faire technique documenté
Entouré de professionnels du métier passionnés de former des émules, Philippe Ebiner a conçu un cadre théorique rassemblant tout leur savoir-faire professionnel en fiches techniques; une documentation mise à jour chaque année sur fichiers PDF par les professeurs. «Elle est conforme à la norme SIA 118 qui définit les tâches d’un directeur de travaux, c’est-à-dire faire respecter le contrat de construction entre le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur», explique le Valaisan.
Les futurs diplômés fédéraux du Bâtiment ou du Génie civil sont rassemblés autour de sept modules communs de formation: conduite d’un projet, droit et sécurité, direction et communication, financement, travaux préparatoires, constat qualités-malfaçons, préparation de l’exploitation. En outre, ils suivent des cours spécifiques. Trois pour ceux du Bâtiment: préparation de chantier, constructions, installations et aménagements techniques; quatre pour le Génie civil: préparation de chantier, travaux de terrassements et canalisations, ouvrages d’art et infrastructures.
Chronophage et énergivore
Pour accéder à cette formation, les conditions sont strictes: un CFC dans le bâtiment, cinq à six ans en direction de travaux avant l’examen final, emploi à plein temps. Les matières académiques sont pré-requises: mathématiques et physique, connaissances de la résistance des matériaux et statique. Un test d’entrée non-éliminatoire permet de vérifier les compétences de ces candidats au Diplôme fédéral. Pendant trois ans, leur vie est minutée pour mêler vie professionnelle ordinaire à plein temps et cours organisés sur deux soirées en semaine et la matinée du samedi.
Comme le relève un ancien élève de Philippe Ebiner, «nous devions sortir de nos zones de confort, dépasser le cadre scolaire et faire preuve de créativité personnelle pour intégrer des normes techniques dans la réalisation d’un projet présenté à l’examen final». Pour ceux qui l’estiment nécessaire, des cours permettent de se préparer aux examens finaux, nous a confié le Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI) de la Confédération. Pour l’ex-OFIAMT, un directeur des travaux en activité doit savoir allier esprit d’entreprise et capacité à prendre des décisions.
Jean-Brice Willemin
GROS PLAN
Quelle formation choisir en Suisse romande?
Seul Sion offrait cette formation fédérale en Suisse romande jusqu’en 2018. Un nouveau site s’est ouvert cette année-là à Yverdon et un troisième à Fribourg au printemps 2025. Une alternative s’offre aujourd’hui à l’Ecole Supérieure Technique (EST) de Morges; c’est l’unique site ES en Suisse romande permettant d’obtenir le titre cantonal de technicien diplômé en planification de travaux, alors qu’il y en a dix-sept en Suisse alémanique et une au Tessin.
Face au manque de directeurs des travaux ou de techniciens ES en Suisse romande, les entreprises de construction engagent volontiers des conducteurs de travaux, un autre métier pour mener les travaux de gros œuvre, de la maçonnerie par exemple. Ils sont formés à l’Ecole de la construction à Tolochenaz/VD et dans celles de Neuchâtel et Fribourg, qui leur décernent un diplôme fédéral. Quant aux entrepreneurs genevois, ils font souvent appel à des ingénieurs français pour remplir la fonction.
Bien plus cher à Sion qu’à Morges
La distance à parcourir entre les lieux de domicile et de formation est un élément clef pour les étudiants. Philippe Ebiner en convient et confie que les régions de Nyon et Bienne complèteront bientôt Sion, Yverdon et Fribourg pour décrocher le diplôme fédéral en Direction de travaux. Le coût: CHF 24 000.-, dont CHF 10 500.- pris en charge par la Confédération. C’est le même prix pour être conducteur de travaux. Et l’ES de Morges?
CHF 3000.- pour trois ans et demi de scolarité! Comment faire le bon choix? «A long terme, la formation fédérale de directeur de travaux, ça paye», sourit Philippe Ebiner.
Mieux formé, mieux payé…
Un diplôme fédéral pour être directeur des travaux fait gagner jusqu’à 60% de salaire en plus par rapport au détenteur d’un CFC, révèle une étude de l’Office fédéral de la statistique. Six ans après l’obtention d’un tel titre, le revenu brut mensuel peut atteindre CHF 9000.-, alors qu’il n’atteint que CHF 7000.- comme conducteur de travaux ou une formation de technicien en ES.