Les experts: l'immobilier
Peut-on (vraiment) vendre seul? Ce qu’il faut savoir avant de se lancer
Chaque année, je croise des propriétaires motivés, déterminés à vendre leur bien eux-mêmes. C’est tout à fait possible. Et c’est même parfois une bonne idée. Mais pour que ce soit une bonne idée… encore faut-il savoir dans quoi on s’embarque.
La vraie question n’est pas: «Est-ce que c’est faisable?» C’est: «Est-ce que j’ai envie de le faire moi-même, et à quel prix?»
Un défi… chronophage
Selon une étude menée par la banque Raiffeisen, une vente immobilière demande entre 200 et 250 heures de travail.
Et cela ne surprendra personne: estimation, photos, annonces, visites, négociations, financement, notaire: tout cela prend du temps. Beaucoup de temps.
Ce n’est pas insurmontable. Mais il faut être prêt à y consacrer de l’énergie… et une bonne dose de sang-froid.
Estimation: une question piégeuse
Quand on vend un bien qu’on connaît par cœur, qu’on a entretenu pendant des années, dans lequel on a investi du temps, de l’argent, parfois une part de soi, il est normal de penser qu’on est bien placé pour en fixer le prix.
Et je comprends la logique là-derrière, elle est tout à fait louable: vous avez vécu dans ce bien, vous en connaissez les moindres recoins. Vous savez combien d’heures vous avez passées à rénover la cuisine ou à isoler les combles. Et tout cela a de la valeur — à vos yeux.
Le problème, c’est que l’estimation du marché fonctionne selon d’autres règles. Et c’est là que l’écart peut se creuser entre la valeur affective et la valeur de marché. Trop d’attachement, même légitime, peut rendre l’estimation bancale.
Et une mauvaise estimation, c’est souvent une mauvaise vente.
Alors oui, vous pouvez demander une estimation gratuite en ligne. Ou la faire faire par un courtier. Mais attention: certains gonflent les chiffres pour obtenir un mandat. Si vous ne prévoyez pas de lui confier la vente, proposez-lui un montant fixe pour une estimation indépendante. C’est un bon moyen d’éviter les biais.
Négocier, ce n’est pas discuter
La négociation est un art. Ce n’est pas une simple discussion autour d’un café avec l’acheteur. C’est un savoir-faire qui combine psychologie, chiffres, technique juridique, et parfois… un peu de souplesse.
Il faut être capable de défendre la valeur du bien, sans braquer l’acheteur. Il faut aider chacun à avancer vers un accord, tout en respectant les objectifs de départ.
En somme, c’est trouver un équilibre entre fermeté et ouverture, entre raison et ressenti.
Et non, ce n’est pas instinctif. C’est un métier. Et ce métier s’apprend avec l’expérience, les dossiers complexes… et quelques cicatrices aussi.
Les visites: attention aux critiques
Quand on vend seul, on fait aussi les visites. Et là, il faut savoir encaisser.
Ce carrelage que vous avez posé vous-même, ces volets que vous avez peints à la main pendant deux week-ends… vont probablement être critiqués. Pas parce que les visiteurs sont méchants, mais parce qu’ils sont en train de chercher un levier de négociation. C’est normal. C’est inévitable. Et si vous êtes trop attaché au lieu, cela peut vite devenir pénible.
Le juridique: mieux vaut prévenir que corriger
En Suisse, et particulièrement dans le canton de Vaud, vendre un bien peut impliquer des autorisations spécifiques (notamment en cas de location, ou si le terrain jouxte une parcelle communale). Il faut aussi comprendre les implications du CECB, les clauses suspensives, la répartition des frais de notaire…
Un oubli, une clause mal rédigée, une interprétation floue, et vous vous retrouvez dans un imbroglio juridique qui peut geler la vente pendant des semaines.
Et si vous y perdez… au lieu d’y gagner?
Je le dis souvent: vendre seul peut vous faire économiser 25 000 francs de commission.
Mais si, dans la manœuvre, vous ratez une offre 100 000 francs au-dessus… le calcul est vite fait.
Un bon courtier n’est pas un «intermédiaire». C’est un stratège, un filtre, un coach, un négociateur, un facilitateur, un juriste, un psychologue… et parfois, un peu tout ça à la fois.
En résumé
Oui, vous pouvez vendre seul. Mais avant de vous lancer, posez-vous deux questions:
1. Est-ce que j’ai le temps, l’énergie et les compétences pour le faire?
2. Est-ce que je suis prêt à assumer les conséquences si ça se passe mal?
Si la réponse est oui, alors foncez. C’est un beau défi et certains le relèvent avec brio.
Mais si vous hésitez, ou si vous sentez que ce n’est pas votre métier, alors faites-vous accompagner. Ça ne veut pas dire perdre de l’argent.
Ça peut même vouloir dire en gagner bien plus.
par Vincent Grognard
Courtier avec Brevet Fédéral
concretise
Cossonay/VD
Etude Raiffeisen
citée en début d’article :
https://www.raiffeisen.ch/rch/fr/clients-prives/logement-et-hypotheques/vendre-transmettre.html
Pour en savoir davantage :
https://go.concretise.ch/vendre-bien-sans-agence?utm_medium=QR