urbanisme - Rencontre de l’APCG
Nouvelles centralités et mobilités: des enjeux clefs du développement urbain
Alors que la croissance urbaine et les défis environnementaux se font de plus en plus pressants, il est essentiel d’explorer des solutions pour optimiser les territoires. Le développement urbain qualitatif ne se limite pas à la construction de nouveaux quartiers ou de «villes du quart d’heure»: il repose également sur une vision intégrée des différentes mobilités et des centralités générées. Une question abordée par Vincent Kaufmann, professeur à l’EPFL, qui répondait à l’invitation de l’Association des promoteurs constructeurs genevois (APCG).
La mobilité, longtemps abordée sous le simple angle des déplacements, joue aujourd’hui un rôle structurant dans l’aménagement urbain. Les infrastructures de transport ne se contentent plus d’organiser les flux de personnes: elles participent activement à la création de nouveaux pôles de vie, modifiant la configuration des espaces et des quartiers.
La gare Léman Express Genève-Eaux-Vives, toile de fond pour la dernière «Rencontre de l’APCG», en est un exemple éloquent. Un événement qui a regroupé autour du professeur Vincent Kaufmann la plupart des membres de l’APCG, Frédérique Perler, conseillère administrative de la Ville de Genève, et Pierre Maudet, conseiller d’Etat genevois, chargé du Département de la santé et des mobilités (DSM).
Les Eaux-Vives, une centralité réinventée
Autrefois simple friche ferroviaire, gare cul-de-sac, déchirant le quartier des Eaux-Vives en deux parties distinctes, la gare des Eaux-Vives est aujourd’hui l’incarnation parfaite de ces nouvelles centralités qui prennent forme dans nos espaces urbains. La gare a transformé cette friche en un nouveau quartier dynamique, supprimant ainsi une frontière au sein de la ville et recréant un lien entre la partie haute et basse des Eaux-Vives. Grâce à une architecture innovante, qui favorise des espaces ouverts et lumineux, sans murs porteurs intermédiaires, elle est devenue un véritable lieu de vie et de passage.
Inaugurée dans le cadre du Léman Express, cette gare représente un nœud de transport majeur, avec six trains par heure et quatre-vingts connexions aux transports publics. Chaque jour, près de 80 000 personnes y transitent, ce qui en fait un axe crucial pour les trajets au sein du Grand Genève. Bien que l’infrastructure ne soit pas encore finalisée, elle a déjà contribué à la redynamisation du quartier en créant une nouvelle centralité où coexistent mobilité et vie locale. Comme l’a souligné Frédérique Perler, les gares du Léman Express ne se contentent pas de fluidifier les trajets, mais transforment les espaces en réintégrant des morceaux de ville à leur environnement.
L’évolution des mobilités
Au-delà de la région genevoise, il faut également comprendre l’évolution des mobilités en Suisse. Cette dernière a été marquée par trois grandes phases, comme l’a expliqué Vincent Kaufmann lors de la Rencontre de l’APCG. Des transformations qui reflètent l’importance croissante des infrastructures de transport dans l’aménagement urbain.
Ainsi, dans les années 1970, la pendularité (déplacements domicile-travail) ne concernait qu’un tiers de la population active. Un chiffre passé à 66% en 2010, la concentration des emplois dans les centres urbains et le programme «Rail 2000» n’y étant pas étrangers. Cependant, à la suite de la pandémie et du développement massif du télétravail, la mobilité a connu une nouvelle transformation. En 2023, 45% des actifs pratiquaient le travail à domicile, ce qui a modifié profondément la dynamique des déplacements, mais aussi des modes de vie et de consommation en périphérie. Ainsi, on constate que les jours où le télétravail est le plus pratiqué, comme les lundis ou les vendredis, le trafic est moins dense, offrant un nouveau questionnement sur la réorganisation des mobilités. Quant aux villages et campagnes, ils ont également connu une nouvelle dynamique, notamment en termes de consommation.
En outre, avec ces transformations de la mobilité, les proximités ferroviaires sont devenues un critère majeur dans le choix résidentiel. Depuis les années 2000, être à moins de 800 mètres d’une gare est devenu un facteur décisif pour les acheteurs, influençant la valorisation immobilière des quartiers environnants. Les zones proches du Léman Express bénéficient directement de cette dynamique, avec des réaménagements de friches industrielles et ferroviaires, assortis de la création de nouveaux espaces de vie.
Les défis futurs
Toutefois, il reste la question du temps. Le monde d’aujourd’hui ne cesse de s’accélérer et les projets majeurs en termes de mobilité prennent du temps à se concrétiser. Chiffre évoqué par Pierre Maudet, d’ici 2050, le Grand Genève connaîtra une population de plus de 1,5 million d’habitants. Un défi majeur en termes d’infrastructures de transport. Bien que des projets puissent être générés à moyen terme, les extensions du réseau de tramway sont déjà prévues, avec de nouvelles lignes transfrontalières et une mobilité renforcée entre Genève et ses environs. Sur le long terme, des investissements massifs et une réflexion profonde seront nécessaires pour répondre de manière adéquate à la pression démographique et à l’évolution des pratiques de mobilité.
Le développement urbain ne peut ignorer la place centrale qu’occupe la mobilité dans l’aménagement des territoires. Des infrastructures comme celles du Léman Express ne sont pas seulement des outils de transport: elles sont des moteurs de transformation urbaine. En redessinant les centralités, en facilitant l’accès au logement et en anticipant les besoins futurs des habitants, elles contribuent à façonner les villes de demain.