la fête des maires - Jean-François Thuillard, Syndic de Froideville/VD
«Nous visons l’autonomie énergétique pour notre commune»
Après une période de fort développement, la commune de Froideville, située à une dizaine de kilomètres de Lausanne, marque une pause suite à l’adoption de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT). Toujours positif, Jean-François Thuillard, son sympathique Syndic, considère ce changement comme une occasion de renforcer la qualité de vie de cette commune très engagée dans la transition énergétique.
– Quel regard portez-vous sur votre commune?
– Notre commune s’est fortement développée entre 1990 et 2015, années durant lesquelles notre population a doublé; elle est aujourd’hui de 2750 habitants. En 2001, nous avons dépassé la barre des 1500 résidents.
Notre développement a été bloqué après l’introduction de la LAT, qui nous a obligés à mettre l’ensemble de notre territoire communal légalisé en zone réservée. Depuis six ans, nous n’avons pratiquement pas délivré de permis de construire. Il y a juste eu quelques exceptions portant sur des volumes existants en zone légalisée. Par exemple, un ancien bâtiment de la voirie qui était en zone village a été transformé pour réaliser quatre appartements, en plus des cinq existants.
– Regrettez-vous ce frein que constitue la LAT?
– A ce sujet, j’ai légèrement modifié ma vision des choses. Le développement amène de nouveaux habitants, donc de nouvelles rentrées fiscales, mais cela implique aussi de nouvelles constructions, scolaires notamment. Mais maintenant que nous ne construisons plus, je peux dire aux nouveaux habitants qu’en venant à Froideville, ils sont à douze kilomètres seulement de Lausanne et bénéficient des 45 courses par jour proposées par les Transports publics lausannois en direction de la Riponne. La population se trouve dans un environnement apaisé; elle est certaine de ne pas voir des grues aux alentours. Autre avantage: nous avons la chance, contrairement à certaines communes voisines, de ne pas être un village coupé en deux par une route cantonale à fort transit. Dans notre cas, la route cantonale vient par les bois du Jorat, ce qui a moins d’impact sur les villages; par ailleurs, nous ne connaissons pas les bouchons!
Du fait que nous ne progressons plus en matière de rentrées fiscales, peut-être qu’à l’avenir cette qualité de vie aura un coût et qu’il faudra avoir certains moyens pour résider dans la commune.
– Le style de la population de Froideville a-t-il changé avec son développement?
– Quand j’ai commencé au Conseil municipal au début des années 2000, nous ne disposions que de quelques bâtiments locatifs. Les personnes qui s’installaient dans la commune faisaient construire leur propre villa. Ces propriétaires sont toujours là, mais au cours des vingt dernières années, le prix du terrain a nettement augmenté. Les projets de maisons individuelles ont été remplacés par de petits immeubles. Désormais, nous affichons une mixité de propriétaires et de locataires. L’âme du village vit avec seulement 300 habitants, même si l’ensemble de la commune en compte environ 3000. Malheureusement, une majorité de résidents viennent ici uniquement pour dormir, ce qui donne un caractère de cité dortoir à Froideville.
Nous essayons depuis de nombreuses années d’y remédier, mais cela est compliqué, d’autant plus avec une population de locataires qui déménagent bien plus souvent que les propriétaires. En outre, ces locataires ont moins tendance à s’investir dans la vie du village.
Depuis que je suis Syndic (et même auparavant), nous invitons une fois par année les nouveaux habitants. Nous leur présentons nos sociétés locales, nous organisons un repas commun, une balade en forêt… J’ai l’impression de faire les mêmes choses depuis quinze ans, mais ce n’est pas grave car, pour les nouveaux habitants, c’est la première fois!
Le charme discret de Froideville.
– Avez-vous de la difficulté à trouver des personnes qui s’investissent en politique?
– Eh bien non! Nous constatons qu’à chaque fois qu’une place se libère au niveau de l’Exécutif, plusieurs personnes se présentent spontanément. Jusqu’à présent, nous avons toujours eu des candidats. A l’échelon du Conseil communal, j’ai été surpris car, lors des dernières élections, entre 80 et 90 candidats étaient intéressés alors que nous recherchions 55 conseillers seulement.
Durant cette législature, un changement s’est fait sentir à l’Exécutif; je pense que ce sera le seul, sous réserve évidemment. Et au Conseil communal, on constate très peu de changement. J’estime que c’est un bon signe: les gens qui s’investissent, ils restent.
– Peut-on encore acheter un bien immobilier à Froideville?
– Les opportunités sont rares. Nous avons une population vieillissante, qui souhaite rester chez elle le plus longtemps possible, notamment pour des raisons financières. Dans le temps, les propriétaires vendaient leur bien et s’installaient dans un appartement mieux adapté à leur âge, alors qu’aujourd’hui, c’est moins onéreux de rester dans sa maison et de payer quelqu’un pour l’entretien quotidien.
– Quelles sont les principales activités de la commune?
– Nous sommes essentiellement une commune agricole sans industrie. Cependant, une centaine de petites PME sont implantées sur notre territoire et emploient entre une à cinq personnes; elles disposent d’un bâtiment-usine. Une zone d’activité industrielle existait autrefois, mais elle ne s’est pas développée. Elle est devenue une zone mixte, puis une zone quasiment dédiée au logement.
– Votre commune est pourtant bien située, avec un accès facile. Comment expliquez-vous ce manque d’intérêt?
– Le fait que Froideville se trouve à une altitude relativement élevée joue sans doute un rôle. Et puis, il semble que notre nom ne soit pas très porteur… Quand j’ai commencé au Municipal, c’était le début des années 2000 et l’immobilier ne se portait pas bien. Beaucoup de chantiers étaient à l’arrêt. Je me souviens d’un promoteur immobilier qui m’avait dit que notre nom ne convenait pas du tout. Selon lui, il fallait en changer et alors tout se vendrait dans la commune.
– Personne n’a été tenté de suivre ce conseil?
– Ah non! Même au fond d’un carnotzet, l’idée de changer le nom du village n’a pas été évoquée! Nous sommes fiers de notre nom qui, du reste, convient bien à l’endroit où nous nous trouvons, au cœur des forêts. Surtout qu’autrefois, il devait faire un peu plus froid qu’aujourd’hui. Nous bénéficions tout de même d’une piste de ski, d’un parcours de ski de fond et d’une patinoire éphémère.
– Quelle est votre politique énergétique?
– Nous encourageons la pose des panneaux solaires et nous avons mis en place un projet participatif afin de créer un parc photovoltaïque. Il s’agit d’équiper de panneaux solaires les toits de trois bâtiments communaux. Tout le fonctionnement communal, à l’exception de l’éclairage public, profitera de cette production électrique. Notre objectif est de devenir une commune autonome.
Plusieurs agriculteurs, dont je fais partie, ont équipé à titre privé les toits de leurs bâtiments avec des panneaux solaires.
Récemment, nous avons réalisé la rénovation énergétique d’un immeuble comprenant neuf logements et posé des panneaux.
Par ailleurs, nous planifions d’étendre notre chauffage à distance, qui alimente déjà le centre scolaire et une cinquantaine de logements. A terme, notre but est d’offrir la possibilité à tous les habitants situés au centre du village de se raccorder au chauffage à distance.
– D’autres projets?
– Oui, notamment la transformation d’une ancienne usine située sur une parcelle au centre du village. L’idée est de détruire ce bâtiment qui tombe en ruine et de créer un centre d’activités, avec notamment des commerces. Il s’agit de locaux appartenant à la commune, ce qui garantirait à long terme une activité commerciale.
Propos recueillis
par Virginia Aubert
Jean-François Thuillard.
GROS PLAN
Un surnom original
Les habitants de Froideville sont surnommés les «Cacatchous» en référence à une habitude datant de l’époque où il fallait se rendre à Bottens pour voter. Les déplacements se faisaient à pied et en groupe avec un chou, produit localement, planté sur un piquet en signe de ralliement.
Ce surnom est aussi attribué à la course à pied qui se tient chaque année en septembre; elle se déroule sur un parcours vallonné traversant les champs et les forêts du Jorat, au départ de Froideville.