Charles-Henri Thurre.

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la fête des maires - Charles-Henri Thurre , Président de commune de Saillon/VS

«Nous construisons la plus belle crèche du monde!»

21 Fév 2024 | Articles de Une

Enthousiaste et extrêmement convivial, Charles-Henri Thurre vit sa deuxième législature en tant que Président de la commune de Saillon. Une fonction qui lui permet d’allier son envie de s’investir pour le bien de sa petite cité, son goût pour les relations humaines et sa curiosité pour les domaines qu’il ne connaît pas. «On découvre des tas de choses, c’est très enrichissant», dit-il. Elu plus beau village de Suisse en 2013 et célèbre pour son centre thermal, Saillon attire régulièrement de nouveaux habitants, séduits par son charme d’autrefois et son art de vivre rural, comme l’explique Charles-Henri Thurre.

– Saillon est en train de construire une crèche, une UAPE et une nurserie. C’est l’illustration d’une commune dynamique…
– Effectivement, notre population connaît une hausse importante depuis ces vingt dernières années environ. Le nombre d’habitants est passé de 970 en 1990 à 1525 en 2000 pour atteindre 3100 en 2023. L’augmentation est supérieure à la moyenne valaisanne.
Cette situation s’explique par le fait qu’il y avait des terrains à bâtir et que nos infrastructures étaient déjà bien dimensionnées puisque nous avions l’habitude d’accueillir des touristes. Notre station d’épuration des eaux usées (STEP), par exemple, est conçue pour 6000 habitants.

– Vous avez évoqué les touristes. Quelle analyse faites-vous de la Loi Weber?
– En 2016, nous avions un taux de résidences secondaires supérieur à 30%; désormais, il faut habiter dans la commune pour tout nouveau logement. Les nouveaux arrivants sont des résidents à plein temps. A ce jour, ce taux est passé à 28%.
Globalement, en ce qui concerne Saillon, la Loi Weber n’a pas eu de réel impact. Nous n’étions pas dans une situation de «lits froids» car les résidences secondaires sont essentiellement liées aux Bains de Saillon qui attirent du monde toute l’année.
La loi a amené des résidents permanents à Saillon, ce qui est positif, mais finalement, même sans elle, nous aurions enregistré cette hausse de la population, à l’instar des villages alentour.
Aujourd’hui, nous accueillons beaucoup de familles puisque 31% de la population est âgée de 31 à 50 ans. La tranche des habitants entre 51 et 70 ans est de 22% et celle des 71 ans et plus représente 13%.

– A-t-il fallu adapter certaines infrastructures?
– Oui, nous construisons un complexe comprenant une crèche, une UAPE (unité d’accueil pour écoliers) et une nurserie, dont la première pierre a été posée l’année dernière et qui devrait être opérationnelle en avril 2025. Le projet a donné lieu à un concours d’architecture qui a été un grand succès puisque nous avons reçu entre 50 et 60 projets, tous très intéressants. Le concours a été remporté par le bureau d’architecture vaudois Jet. Au lieu d’avoir des bâtiments avec des espaces extérieurs clôturés dédiés aux enfants, le bureau d’architectes a proposé un projet composé de quatre bâtiments indépendants – nurserie, crèche, UAPE, administration -, entourant un jardin intérieur de plus de 400 mètres carrés. Ce jardin permettra des échanges entre les futurs utilisateurs de l’ensemble de la structure.
Par ailleurs, ce projet respecte notre fameuse vue sur le vieux bourg depuis la route cantonale, puisqu’il est construit sur un seul niveau.
Notre future crèche est aussi exemplaire sur le plan environnemental: le bâtiment est en bois suisse et autonome énergétiquement grâce à des panneaux photovoltaïques et un chauffage à distance mutualisé avec l’utilisation de la nappe phréatique.
Ce projet, d’un montant de 10 millions de francs, permettra d’accueillir plus de 100 enfants et d’ainsi doubler la capacité actuelle.
A l’avenir, nous aurons aussi besoin d’augmenter la capacité du cycle d’orientation pour le secondaire qui se fera dans le cadre d’un projet intercommunal. A l’échéance 2028 ou 2029, il faudra aussi s’occuper des infrastructures pour les seniors, car le Foyer Les Collombeyres est vieillissant. Les membres de la Fondation sont déjà au travail, afin d’anticiper au mieux cet important défi.

– Qu’en est-il de l’immobilier?
– Le développement s’est fait de manière harmonieuse, la commune ayant toujours privilégié l’habitat de qualité en refusant les grandes barres d’immeubles grâce un règlement communal restrictif. Les prix de l’immobilier ont augmenté ces dernières années et actuellement, pour une maison individuelle de 4,5 pièces, il faut compter entre 900 000 francs et un million. Nous nous dirigeons aussi vers une raréfaction des terrains car, dans la région, les propriétaires n’aiment pas vendre.
La prochaine étape sera sûrement celle de la densification; en plein travail sur le Plan de zone, nous espérons aussi pouvoir mettre en zone quelques hectares. La tendance est aussi de transformer d’anciennes grandes maisons individuelles en créant deux ou trois appartements.

Magnifique ouverture sur la plaine du Rhône.

– Et la zone industrielle?
– Notre zone industrielle n’a pas la même taille que celle de Riddes, par exemple, mais elle est très active et nous souhaitons l’étendre. Nous travaillons sur ce projet depuis cinq ans, mais bien que tous les voyants soient au vert pour nous, nous n’avons pas encore abouti.

– La hausse de la population a-t-elle eu des conséquences sur le trafic automobile?
– Oui, notamment en matière de gestion des parkings aux alentours de l’école, lorsque les parents déposent et viennent chercher leurs enfants. Nous sommes dans une situation où une famille doit très régulièrement posséder deux voitures. Chaque jour, il y a entre 800 et 900 personnes qui partent de Saillon pour aller travailler, essentiellement à Martigny et Sion, mais aussi dans le canton de Vaud. Ces dernières années, les transports publics se sont améliorés, mais c’est long. Maintenant nous avons des cars postaux, avec une bonne fréquence, qui desservent la gare de Riddes. C’est vraiment un atout, car ensuite il est facile et assez rapide de rejoindre Sion ou Martigny en dix minutes seulement, et ensuite Lausanne et Genève.
Il y a encore beaucoup à faire en matière de mobilité, par exemple avec des pistes cyclables pour relier les villages entre eux.

– Quelle est la politique environnementale de la commune?
– Nous avons développé depuis huit ans un éclairage public dynamique au LED, donc nous n’avons pas eu besoin d’éteindre l’éclairage durant une partie de la nuit pour économiser l’énergie.
Nous avons aussi banni depuis plusieurs années les produits à base de glyphosate dans les parcs et jardins de la commune, ainsi que dans les cimetières. Cette mesure a été très bien acceptée par les habitants.
Nous avons aussi, depuis 2014, un réseau agro-environnemental pour 58 hectares de vignes. Cette région est reconnue d’une qualité écologique remarquable. Tout cela vise à la conservation et au renforcement de ce patrimoine. Nos vignerons s’engagent pour cela.

– La commune est aussi très active sur les plans culturel et sportif…
– Effectivement, notons l’exposition photographique en plein air «Saillon Cité d’images», qui se déroule tous les deux ans dans le village. L’édition de cette année, jusqu’au 25 février, a pour thème l’eau. Elle présente le travail de grands noms de la photo et d’amateurs.
Nous tenons aussi les Fêtes médiévales, tous les quatre ans, qui sont très importantes et attirent 25 000 visiteurs. La commune n’en n’est pas l’organisatrice, mais elle apporte son appui. La prochaine édition aura lieu l’année prochaine, du 12 au 14 septembre.
Chaque année a lieu aussi la Fête de l’asperge. Le 7 mai prochain, ce légume sera à l’honneur, avec d’autres produits du terroir.
Côté sportif, nous aurons le départ du Tour de Romandie cycliste, le 24 avril, qui partira du parking des Bains de Saillon pour rejoindre Leysin.

 

Propos recueillis par Virginia Aubert

GROS PLAN

La vigne A Farinet

La vigne à Farinet à Saillon.

Modeste mais célèbre


Avec une superficie de 1618 m² (nombre d’or), la vigne à Farinet de Saillon est la plus petite vigne cadastrée au monde; elle est nommée d’après Joseph-Samuel Farinet (1845-1880), contrebandier et faux-monnayeur des Etats de Savoie, parfois appelé le Robin des Bois suisse. Les trois ceps de cette vigne produisent quelques décilitres de moût, qu’on assemble à une bonne cuvée offerte par l’un ou l’autre propriétaire-encaveur afin de produire 1000 bouteilles numérotées et vendues en faveur de l’enfance déshéritée.
Chaque année, des personnalités des sports, des arts et de la politique viennent travailler la fameuse vigne: on y a vu Hugues Aufray, Jean-Louis Barrault, Gilbert Bécaud, Maurice Béjart, la Cour royale de Belgique, Jane Birkin, Daniel Brélaz, Hans Erni, Léo Ferré, Léonard Gianadda… et même Sœur Emmanuelle et l’empereur Hiro-
Hito, venu en compagnie d’André Gautier, alors président du Conseil national. Au total, la liste compte plus de 300 noms. C’est l’acteur Jean-Louis Barrault, qui incarna en 1939 «Farinet ou L’Or dans la montagne», qui créa – avec Pascal Thurre, Léo Ferré et Gilbert Bécaud – la vigne et les Amis de Farinet.
Le premier propriétaire de la vigne fut l’acteur Jean-Louis Barrault. Elle appartint ensuite, entre 1994 et 1998, à l’abbé Pierre. Ce dernier souhaita revoir la vigne avant de mourir, et un survol en hélicoptère fut organisé en compagnie de Bruno Bagnoud, patron d’Air Glaciers; malheureusement, le fondateur d’Emmaüs mourut quelques jours avant cette aventure.
C’est en août 1999, à l’occasion d’une visite conjointe à Saillon, que l’abbé Pierre avait remis au Dalaï-lama la vigne, dont il est toujours le propriétaire.

Joseph-Samuel Farinet.

Les derniers jours de Farinet à Saillon

 

Farinet est né en 1845 à Saint-Rhémy-en-Bosses, dans la haute vallée du Grand-Saint-Bernard, en Vallée d’Aoste. Son nom de famille est l’un des plus répandus encore aujourd’hui dans cette région. En 1869, il est condamné pour vols à Aoste. En 1871, après l’effondrement de la banque cantonale du Valais, il est arrêté à Martigny-Bourg et condamné pour fabrication de fausse monnaie à quatre ans de prison.
Après plusieurs évasions, pendant l’une desquelles il se cache et travaille dans une grotte au-dessus de Branson, la police valaisanne le traque alors qu’il cherche asile à Saillon. Le 17 avril 1880, son corps est découvert au bas des gorges de la Salentse (rivière qui descend de la montagne vers Leytron). Selon la rumeur, une balle de policier l’aurait tué. En réalité, il est mort d’une fracture du crâne selon le document «levée du corps» exposé au musée de la Fausse Monnaie de Saillon. Une tombe existe au pied du clocher de l’église Sainte-Catherine. Mais cette tombe fut créée pour les besoins du film de 1939: on ne sait pas exactement où repose le corps de Farinet, qui ne fut pas enterré dans l’enclos sacré.