Un béton écologique.

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construction - Vers le béton zéro carbone

Maulini distribue un ciment au bilan CO2 divisé par cinq

25 Juin 2025 | Articles de Une

Le béton zéro carbone, une chimère sur le point d’advenir? Les nombreuses entreprises et hautes écoles qui y travaillent ont obtenu des avancées significatives. L’optimisme semble de rigueur. La société Hoffmann Suisse SA a vu le jour à Genève en 2022 pour commercialiser un ciment dont la production émet cinq fois moins de CO2 que les ciments traditionnels. Le constructeur genevois Maulini est un de ses principaux clients. Tour d’horizon.

Le ciment est indispensable au béton dont il est la «colle». Mélangé aux granulats et au sable, il produit le béton. Il en est aussi la malédiction: une demi-tonne de CO2 au moins est émise par tonne de ciment produite. Aujourd’hui, 7% des gaz à effet de serre issus de l’activité humaine sont liés à la production des 4,6 milliards de tonnes de ciment consommées annuellement dans le monde. Cela en fait la deuxième industrie la plus émettrice de CO2, selon The European Cement Association.
Pour obtenir du ciment, il faut chauffer du calcaire à 1450 degrés pour déclencher une réaction chimique qui le transformera en clinker, lequel représente 80% à 95% de la masse du ciment, selon les types. Cette réaction et le recours aux énergies fossiles pour chauffer le mélange libèrent une grande quantité de CO2.
Différentes approches ont été tentées pour réduire le bilan carbone du béton. Les plus simples consistent à diminuer la part du ciment ou à obtenir du ciment à partir de combustibles qui n’entrent pas dans la comptabilité du CO2. C’est le cas par exemple des pneus en fin de vie, considérés comme des déchets et dont le poids en CO2 a déjà été pris en compte aux stades antérieurs de leur vie utile – ce qui ne veut pas dire que leur combustion soit neutre en CO2.

Du lait de hauts-fourneaux

Le béton de terre, principalement composé de terre, de sable, de gravier et d’eau, avec parfois l’ajout de ciment ou de chaux pour améliorer sa résistance, est une approche plus directe du problème. Son principal défaut est de ne pas pouvoir être utilisé pour les murs porteurs de plus d’un étage, voire d’un étage et demi. Quant au recours aux granulats recyclés, s’il améliore l’écobilan du béton, il n’a pas d’impact sur le bilan CO2.
Le constructeur genevois Maulini a pris le taureau par les cornes en signant en 2021 un partenariat avec la société française Hoffmann Green Cement Technologies qui a développé un ciment sans clinker. Ce produit utilise le lait des hauts-fourneaux sidérurgiques pour obtenir un liant dont le bilan carbone n’est que de quelque 200 kilos de CO2 par tonne. Grâce à lui, Maulini a économisé plus de 800 tonnes de CO2 depuis 2021 sur ses chantiers.

Une tour à la Défense

«En complément au recours au béton sans clinker, Maulini SA utilise aussi 20% de granulats recyclés», explique Thibault de Reure, administrateur de Hoffmann Suisse SA. Plus on met de granulats recyclés, plus on doit mettre de ciment dans le béton. Il faut trouver un équilibre. Six villas et quatre immeubles ont déjà été construits par Maulini avec ce béton «vert», qui a par ailleurs été utilisé à Paris pour une tour à la Défense, le village des JO de 2024 ou des tunnels du métro Grand Paris Express. Il offre une meilleure solidité mécanique à long terme que le béton classique et une plus grande résistance aux agressions chimiques telles que les sulfates et les chlorures. «En Suisse, une fois la fourniture du ciment garantie par la société distributrice, au bénéfice d’une assurance, la responsabilité des matériaux incombe à l’ingénieur civil et au maître d’ouvrage. A l’étranger, il faut souvent obtenir davantage de certifications officielles pour valider les garanties et permettre la diffusion massive du produit», relève Thibault de Reure.
Pour encourager l’adoption du ciment sans clinker, Maulini l’a fait inscrire après deux ans d’efforts au catalogue des normes de la Conférence de coordination des services de la construction et des immeubles des maîtres d’ouvrage publics (KBOB), qui réunit la Confédération, les cantons, ainsi que les communes. «Le marché du béton est millénaire, nous n’allons pas le révolutionner en cinq ans», observe l’administrateur.

Et le coût?

L’objectif de Hoffmann Suisse SA est de parvenir à écouler des volumes de ciment qui justifient la construction d’une unité de production locale. Pour l’heure, son ciment est acheminé par train depuis la Vendée jusqu’à la Praille. Et son prix? «Selon nos derniers calculs, la différence de coût finale est de moins de 2% sur une promotion», assure Thibault de Reure.
A Genève, la version revue de la Loi sur les constructions et installations diverses, qui doit améliorer l’écobilan du secteur de la construction, attend encore son règlement d’application. «Les maîtres d’ouvrage vont devoir calculer le bilan CO2 de leurs projets et l’optimiser, ce qui va nous aider», estime Thibault de Reure. Il indique que l’utilisation de 10% de ciment Hoffmann suffirait déjà pour obtenir un impact significatif sur l’écobilan du secteur de la construction.
Le ciment obtenu à partir d’argiles calcinées est une autre piste prometteuse explorée par Hoffmann. «Nous en sommes au stade des certifications», indique Thibault de Reure. Il souligne que, bien que cette méthode requière le recours à des argiles bien précises, elle pourrait être applicable à plus grande échelle que l’utilisation des laits sidérurgiques, dont la disponibilité n’est pas illimitée.
«Nous pensons donc qu’il est possible d’atteindre la neutralité carbone assez rapidement […] sans avoir à recourir à des techniques dites de rupture, c’est-à-dire à inventer de toutes nouvelles façons de fabriquer du ciment», écrivait en 2022 déjà la Revue de l’Institut polytechnique de Paris. Elle ajoutait: «Ce qui pourrait ralentir ce mouvement tient surtout à l’évolution des normes, toujours moins rapides que le développement des innovations».

 

Cesare Accardi

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