François Constantin (fondateur en 1903) – Georges Constantin (2e génération) – Jean-Pierre Cots (1973-2020, 3e génération).

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Entreprises familiales - Georges Constantin SA

L’orfèvre de l’eau

15 Nov 2023 | Articles de Une

L’entreprise Georges Constantin SA, spécialisée dans les installations sanitaires et la ferblanterie-couverture, fête cette année ses 120 ans. Président depuis 2021 de cette PME familiale, Olivier Cots, représentant la 4e génération à la tête de l’entreprise, voit l’avenir avec confiance. Le fait que l’eau devienne un bien rare devrait bénéficier aux professionnels de sa branche. Et l’exigence de qualité que la famille s’impose depuis toujours est payante, assure-t-il.

Présente à Genève depuis 1903, puis à Nyon et Crissier, respectivement en 1985 et en 1992, Constantin SA illustre les défis que pose la région lémanique aux PME du secteur du bâtiment. Dans les années 80, Jean-Pierre Cots, le père d’Olivier, était lié avec des régisseurs de la Côte, qui lui ont donné du travail. «L’immatriculation genevoise de nos véhicules n’était pas bien vue à Nyon», témoigne son fils. En conséquence, la société ouvre une antenne dans cette ville.
De Nyon, la société étend ses interventions jusqu’à la région lausannoise et décroche un gros chantier pour l’EPFL. Hélas! vus de la capitale vaudoise, Nyon et son préfixe téléphonique 022 ne se distinguent pas de Genève. C’est pourquoi la société ouvre une seconde succursale à Crissier. «Lausanne est facilement accessible depuis Fribourg ou le Valais. La concurrence y est encore plus forte qu’à Genève», observe Olivier Cots.

Il est toujours possible de faire mieux

A Genève, le défi est autre. Le marché du travail attire des collaborateurs français. Leur formation, d’une part, et les normes sanitaires hexagonales, d’autre part, diffèrent de ce qui se fait en Suisse. Une période d’adaptation est nécessaire avant que ces employés ne soient pleinement opérationnels. Dans ce contexte, il importe à la fois de s’assurer leur fidélité et de les former aux plus hauts standards.
«Il est difficile de régater en termes de salaires notamment avec les grandes entreprises semi-étatiques ou les régies publiques», relève Olivier Cots, qui voit parfois partir des collaborateurs dans ces structures. Certains reviennent pourtant, pour retrouver le climat de travail et l’autonomie que leur offre Constantin SA.
La devise familiale n’est-elle pas «faire mieux si possible, ce qui est toujours possible»? Elle est empruntée à François Constantin, un aïeul du fondateur de l’entreprise, qui a donné le «Constantin» dans la raison sociale de l’horloger Vacheron Constantin. «Même dans les années difficiles, autour de la première crise pétrolière, nous n’avons pas réduit la qualité», témoigne Jean-Pierre Cots. «Dans une entreprise familiale, le patron coupera dans ses marges avant de couper dans les emplois».

Merci les banques!

«Les marges aujourd’hui sont plus petites que lorsque j’étais le patron, constate Jean-Pierre Cots, mais en nous refusant des crédits, les banques nous ont rendu service. Grâce à elles, nous fonctionnons depuis 2006 sans aucun crédit bancaire!». Reste que la baisse de prix des grossistes, jointe à la multiplication des modèles d’appareils sanitaires, se répercute négativement sur les profits des installateurs. «L’une de nos collaboratrices est exclusivement employée à recalculer les devis pour les nouvelles constructions en propriété par étages, pour tenir compte des choix individuels des acquéreurs», indique Olivier Cots.
A quoi bon tant d’efforts sur la formation et la qualité quand les médias annoncent que 1355 logements du futurs ensemble «Quai Vernets» dans le secteur du PAV allaient recevoir des modules sanitaires préfabriqués à l’étranger? «Nous sommes aussi soumis à une concurrence étrangère, admet Olivier Cots, également Président de l’Association des Maîtres Ferblantiers et Installateurs Sanitaires (AMFIS), l’une des faîtières de ces métiers; c’est tout un pan de l’économie qui nous échappe! Et même si ce n’est pas nouveau, à cette échelle c’est une première».

L’eau, un bien rare

Les entreprises générales sont devenues incontournables. «Nous favorisons toutefois les entreprises générales issues d’entreprises du gros oeuvre; leurs dirigeants sont des bâtisseurs, pas juste des financiers. L’état d’esprit y est très différent. Les premiers vous considèrent comme un partenaire, les seconds vous voient comme un sous-traitant auprès de qui récupérer ses marges».
La plupart des métiers sont protégés, celui d’installateur sanitaire ne l’est pas. «En Australie, pays très sec, cette profession se situe juste au-dessous du médecin en termes de prestige parce qu’elle a une grande responsabilité», raconte Olivier Cots, rappelant que l’eau est une denrée alimentaire. L’eau douce se raréfie, les professionnels qui travaillent avec elle devraient jouir d’une reconnaissance, pense-t-il. «Mon regret, c’est que Genève est l’un des seuls cantons qui ne connaît pas le système de la concession eau». Le métier n’étant pas protégé, n’importe qui peut acheter une camionnette, quelques outils et s’improviser installateur sanitaire. Avec quelques collègues, les Services Industriels de Genève et le chimiste cantonal, il milite depuis près de dix ans pour obtenir une reconnaissance officielle. Il est aujourd’hui optimiste à cet égard.

 

Cesare Accardi

Olivier Cots, représentant de la 4e génération et patron de l’entreprise.

GROS PLAN

Comme le prince Charles

 

L’entreprise Georges Constantin SA a été fondée en 1903 par François Constantin. En sus de son activité de plombier, il était également lampiste et avait une concession de l’Etat pour allumer les réverbères à gaz et assurer ainsi l’éclairage public. En 1926, son fils aîné, Georges, reprend la société et la dirige jusqu’à la fin des années 60. En 1973, Jean-Pierre Cots, son neveu, rachète l’entreprise à sa tante, devenue veuve, et lui succède. Olivier Cots, fils de Jean-Pierre, intègre l’entreprise en 1997 et en prend la présidence en 2021. La société est devenue une SA en 1949. Elle est entièrement en mains de la famille.

 

«Il y avait soixante employés en 1957 et quinze en 1973 quand je suis arrivé», se souvient Jean-Pierre Cots, qui reste administrateur. «Aujourd’hui, nous sommes parmi les plus grandes entreprises du canton dans notre domaine».
Pour des raisons légales, Jean-Pierre Cots donne en 1986 une existence autonome au bureau d’études de Constantin, sous la raison sociale «Copressa». Une entreprise ne peut soumissionner pour un marché public si elle a participé aux études de faisabilité; il s’agissait de ne pas exclure Constantin des appels d’offres sur lesquels ses techniciens avaient travaillé.

 

Olivier Cots travaillait dans la banque, lorsque, entre deux emplois, il remplace un magasinier absent dans l’entreprise familiale. Il ne la quittera plus, mais, un peu comme le prince Charles devenu roi après une longue attente, il attend la retraite de son père, à 75 ans, pour devenir président en 2021.
«Mon père s’est toujours tenu à disposition, mais il ne m’a jamais pris par la main, explique-t-il. Il a agi comme il l’aurait fait avec un adolescent qu’il ne faut pas brusquer».

 

«Je n’étais pas un exemple en partant à 6 heures du matin pour rentrer à 22 heures», confesse pour sa part Jean-Pierre Cots.

 

En quoi sont-ils différents dans la gestion de l’entreprise ? «Mon père pense encore que les collaborateurs doivent nous remercier de leur donner un travail; mais les temps ont changé. Ils ont besoin de faire un travail qui leur parle et la reconnaissance ne passe plus uniquement par le salaire», répond Olivier Cots.